« Incroyable ce pays ! On est assis ici, les putschistes sont en train de vendre le dernier bijou de famille encore inexploité qu’il nous reste. »
Le projet Simandou 2040 n’a pas fini de faire parler de lui. Mais cette fois-ci, ce n’est pas la complexité des négociations ou l’impact économique qui crée le buzz, mais bien une déclaration surréaliste de Djiba Diakité, ministre directeur général à la Présidence et l’un des responsables du projet. Selon lui, « le contrat de Simandou sur papier, si on alignait ces papiers, ils feraient 14 km », soit la distance entre le port et l’aéroport. Une phrase qui a immédiatement enflammé les réseaux sociaux et inspiré le satiriste anonyme Kharé Man.
Derrière ce pseudonyme qui signifie « villageois », se cache une plume acerbe et un humour caustique qui dépeint la transition guinéenne sous un angle aussi tranchant que divertissant. Son dernier post sur Facebook tourne en dérision les propos de Djiba Diakité, en imaginant un monde où la paperasse administrative devient une unité de mesure absurde : « Pour la rédaction des documents contractuels du projet Simandou, il a fallu environ 60 millions de mètres cubes d’encre, soit trois fois la quantité d’eau maximale du barrage de Kaléta. » Et pour transporter cette encre, pas moins de « 188 bateaux et 2 000 000 de camions-citernes », formant un embouteillage de « 30 000 km, soit presque le tour de la Terre ». Kharé Man pousse le sarcasme jusqu’à accuser cette logistique fantaisiste d’avoir « produit 3 milliards de tonnes de CO2, soit 1,5 fois l’équivalent du minerai de fer contenu dans le mont Simandou… (pour nous polluer la tête). N’nallah! »
Au-delà du sarcasme, Kharé Man met en lumière un phénomène récurrent sous le CNRD : l’opacité et les contradictions des discours officiels. Lorsqu’on demande à voir le contrat de Simandou, « soit Bah Oury nous explique que c’est trop stratégique pour qu’on le voie, soit Djiba Diakité nous dit que c’est trop long« . L’auteur anonyme se moque de la surenchère des chiffres et de la déconnexion entre les annonces gouvernementales et la réalité du terrain. « Le cours du mensonge est en forte hausse à la bourse de Conakry », ironise-t-il, expliquant que « ce matin, un mensonge s’échange contre deux vérités au marché noir« . Une aubaine pour « les businessmen du mensonge qui misent sur la promesse de 14 km de mensonges en papier du projet Simandou, après les 2500 km de mensonges entièrement goudronnés par Oudy 1er« .
Avec un style qui oscille entre le pamphlet et la comédie absurde, Kharé Man devient une voix incontournable dans le paysage numérique guinéen. Son impact est tel que ses publications sont relayées, commentées et parfois reprises dans les débats politiques. Loin d’être un simple amuseur public, il incarne une nouvelle forme de contestation qui défie le pouvoir en place à coups de métaphores bien senties et de vannes aiguisées.
Son dernier coup d’éclat ? Une comparaison entre la gouvernance du CNRD et un « string » : « Elle laisse tout voir sauf l’essentiel. Ça roule des mécaniques, ça excite les foules, ça laisse voir les formes pour faire saliver… mais à l’arrivée, on aura tout vu, tout lu, tout entendu sauf l’essentiel. N’nallah!« . Une phrase choc qui résume avec précision le sentiment de nombreux Guénéens face aux mystères qui entourent les décisions du gouvernement de transition.
Le référendum constitutionnel a été programmé pour le 21 septembre 2025. « À date, on n’a toujours pas vu la constitution qui sera soumise à référendum, ou bien ça aussi c’est 20 km de papier ? » interroge Kharé Man, rappelant une fois encore l’absurdité du manque de transparence.
Dans un pays où la satire reste un exutoire puissant, Kharé Man s’impose comme une figure aussi insaisissable qu’indispensable. Un « robot » de l’humour politique qui décode l’actualité à sa manière, avec une plume aussi acérée que bienveillante. Reste à savoir si le gouvernement prendra la peine de lui répondre… ou si les prochains contrats seront livrés en version allégée.
Laguinee.info