L’affaire qui hante Nicolas Sarkozy depuis plus d’une décennie connaît un tournant décisif. Le parquet national financier (PNF) a requis, jeudi, une peine de sept ans de prison ferme contre l’ancien président de la République dans le cadre du dossier explosif du financement présumé illégal de sa campagne présidentielle de 2007 par le régime de Mouammar Kadhafi.
À 70 ans, l’ex-chef de l’État se retrouve au centre d’accusations graves : corruption passive, financement illégal de campagne électorale, recel de détournement de fonds publics et association de malfaiteurs. Le PNF ne s’arrête pas là : une amende de 300 000 euros et une interdiction de cinq ans des droits civiques, civils et de famille ont également été demandées, empêchant Sarkozy de briguer une fonction publique ou de voter.
Un pacte de corruption avec la Libye ?
Depuis l’éclatement de cette affaire en 2012, les enquêteurs tentent de reconstituer le puzzle d’un éventuel pacte secret entre Nicolas Sarkozy et le régime libyen. Selon l’accusation, la campagne de 2007 aurait été irriguée par des fonds occultes provenant de Tripoli, orchestrés via un réseau d’intermédiaires. Parmi les éléments-clés de l’enquête :
Des documents émanant des services libyens, mentionnant des versements destinés à la campagne de Sarkozy.
Les témoignages de plusieurs ex-dignitaires libyens, dont Abdallah Senoussi, ancien chef des renseignements de Kadhafi.
Les accusations initiales de Ziad Takieddine, l’homme d’affaires franco-libanais, qui affirmait avoir transporté des valises de billets entre Tripoli et Paris… avant de se rétracter en 2020.
Sarkozy crie au complot politique
Comme à son habitude, Nicolas Sarkozy dénonce un acharnement judiciaire et un complot politique visant à ternir son héritage. L’ancien président a toujours nié en bloc, affirmant que ces accusations reposent sur des manipulations et de faux témoignages. Ses avocats, offensifs, pointent du doigt l’incohérence des déclarations de Takieddine, et accusent le PNF de juger sur des soupçons plutôt que sur des preuves tangibles.
Toutefois, la justice ne semble pas convaincue par cette ligne de défense. Pour le parquet, Sarkozy ne pouvait ignorer l’origine des fonds ayant circulé autour de sa campagne. L’affaire prend un tour d’autant plus politique qu’elle touche aux relations troubles entre la France et la Libye de l’époque, marquées par des alliances de circonstance et des retournements spectaculaires – notamment lorsque la France a participé à la chute du régime de Kadhafi en 2011.
Un verdict à haut risque
Le tribunal devra désormais trancher sur le sort de l’ex-président. Un éventuel verdict de culpabilité serait un séisme politique et judiciaire, confirmant que le plus haut sommet de l’État aurait pu être infiltré par des intérêts étrangers.
Si Nicolas Sarkozy venait à être condamné, il rejoindrait la liste des anciens chefs d’État français rattrapés par la justice, après Jacques Chirac dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris et lui-même, condamné en 2021 dans l’affaire des écoutes.
En attendant, l’ancien locataire de l’Élysée joue sa survie judiciaire et politique. Pour lui, l’enjeu dépasse sa propre personne : il s’agit d’un combat contre une machine judiciaire qu’il estime instrumentalisée. Mais pour ses détracteurs, ce procès est avant tout celui d’un système où l’argent et le pouvoir s’entremêlent dangereusement.
Laguinee.info