Dans un entretien accordé à RFI et France 24, le général Brice Oligui Nguema, président de la transition gabonaise et candidat à l’élection présidentielle du 12 avril, a défendu son choix de se présenter, affirmé son indépendance politique et répondu aux critiques sur la gouvernance du pays depuis la chute d’Ali Bongo. L’entretien, réalisé à Libreville, a permis au leader de la transition de clarifier sa vision et d’évoquer les défis économiques, politiques et diplomatiques du Gabon.
Un candidat qui se veut porté par le peuple, pas par un parti
Brice Oligui Nguema, qui a renversé Ali Bongo le 30 août 2023, a insisté sur le fait qu’il n’est pas soutenu par un parti politique ou un clan, mais qu’il se présente comme le candidat du peuple gabonais. « Je réponds à l’appel du peuple », a-t-il déclaré, tout en soulignant qu’il avait renoncé à son statut de militaire pour concourir en tant que civil.
Interrogé sur l’exclusion de plusieurs figures de l’opposition de cette élection, notamment Albert Ondo Ossa, Pierre-Claver Maganga Moussavou et Jean-Rémy Yama, il a répondu sans détour : « C’est la loi. Un général qui a fait le « coup de libération » du 30 août 2023 ne peut pas avoir peur d’un Ondo Ossa, d’un Maganga Moussavou ou d’un Jean-Rémy Yama. »
Un bilan économique contrasté après 19 mois de transition
Les journalistes de RFI et France 24 ont également interrogé le président de la transition sur son bilan après 19 mois de pouvoir. S’il reconnaît certaines avancées, comme la prise en charge des frais de scolarité et le rétablissement du paiement des pensions de retraite, il admet que de nombreux défis persistent.
« Le chômage a baissé de 12 % grâce aux chantiers lancés, mais la dette du pays reste élevée, atteignant 70 % du PIB », a-t-il expliqué. Toutefois, il rejette la responsabilité de cette situation sur le régime précédent et insiste sur sa bonne gestion financière : « J’ai payé mes échéances avec l’AFD, la Banque mondiale, le FMI, la BAD, la BIRD et l’Afreximbank. Je ne dois rien. »
Quant à la dégradation de la note financière du Gabon, il la justifie en partie par des retards de paiement des entreprises étrangères. « Comment voulez-vous que je sois à l’heure dans mes échéances quand mes dividendes et mes impôts sont payés en retard ? », a-t-il lancé.
Une transition politique rapide, loin des modèles sahéliens
Depuis son arrivée au pouvoir, Oligui Nguema refuse le terme de « coup d’État » et préfère parler de « coup de libération ». Il insiste sur le fait que la transition a été courte, contrairement à d’autres pays dirigés par des militaires en Afrique de l’Ouest.
« Nous avons opté pour une transition de deux ans maximum, mais nous organisons finalement les élections en avril, soit encore plus tôt que prévu », a-t-il souligné. Lorsqu’on lui demande s’il veut se distinguer des putschistes du Sahel, il tempère : « Ce sont mes frères d’armes, mais nous avons pris un autre chemin. Nous ne sommes pas dans la rupture avec les grandes puissances. »
Relations avec la France : un partenariat rééquilibré mais maintenu
Alors que plusieurs pays africains, notamment au Sahel, ont rompu avec la présence militaire française, le Gabon fait exception. Brice Oligui Nguema affirme toutefois que les relations entre Libreville et Paris évoluent vers un partenariat plus équilibré.
Il annonce ainsi une réduction des effectifs militaires français dans le pays, qui passeront de 300 à 150 hommes, répartis équitablement entre instructeurs français et gabonais. De plus, la célèbre base militaire française « Camp de Gaulle » sera rebaptisée avec un nom gabonais, probablement celui d’un général national.
« Il n’y aura plus de blindés ou de chars français à Libreville, mais uniquement des instructeurs pour un pôle de formation sous-régional », précise-t-il.
Le procès de Sylvia et Noureddin Bongo aura bien lieu
Autre sujet brûlant abordé lors de l’interview : le sort de l’ancienne Première dame Sylvia Bongo et de son fils Noureddin, emprisonnés depuis 18 mois pour malversations financières.
Oligui Nguema balaie les accusations de détention illégale ou de torture et rappelle que la justice gabonaise suit son cours : « Si nous avons réussi à faire un coup d’État sans effusion de sang, ce ne sont pas deux individus qui seront torturés. »
Il assure que le procès aura bien lieu et qu’il sera équitable, conformément aux délais prévus par le Code pénal gabonais : « La justice détient des preuves, notamment un cachet officiel prouvant que Sylvia Bongo signait des documents à la place de son mari. »
Entre continuité et rupture : une candidature qui interroge
À travers cet entretien, Brice Oligui Nguema tente de se positionner comme un candidat du peuple, tout en défendant son bilan et en revendiquant une gestion inclusive des relations internationales. Sa candidature à la présidentielle du 12 avril marque cependant un tournant : celui d’un militaire devenu civil, après avoir promis de remettre le pouvoir aux civils.
Reste à savoir si les Gabonais le suivront dans cette nouvelle étape ou s’ils verront dans cette élection un prolongement déguisé du régime de transition. Les urnes trancheront.
Laguinee.info