Dans un contexte où l’Afrique peine à sortir de l’ombre de l’impérialisme et des faux semblants démocratiques, Marwane Ben Yahmed s’est fait un nom en se posant en défenseur des libertés et de la démocratie. Comme un chevalier blanc brandissant son épée contre les maux du continent, il se présente comme le sauveur des opprimés, mais, en réalité, il ne fait que maintenir les chaînes invisibles qui entravent les peuples africains. Son dernier éditorial, un manifeste de la mauvaise conscience, n’a pas tardé à faire réagir ceux qui, au contraire, cherchent à rétablir une véritable souveraineté. Parmi ces derniers, Ibrahim Traoré, un capitaine audacieux du Burkina Faso, qui a eu le courage de briser le masque de la démocratie occidentale pour pointer les véritables responsables de la misère africaine. Dans cette réplique cinglante, un supporteur répond à Marwane.
Marwane, votre plume dégouline de cette suffisance paternaliste propre aux scribes du néocolonialisme. Vous vous érigez en grand défenseur des libertés, en gardien autoproclamé d’une démocratie que vous n’avez jamais défendue que lorsqu’elle servait les intérêts de vos maîtres. Quand le Burkina Faso était un champ de ruines livré aux terroristes sous la bienveillance de présidents dociles, où étiez-vous ? Où étaient vos diatribes enflammées, vos éditoriaux outrés ? Silence radio. Vous faisiez alors semblant de ne rien voir, trop occupé à vanter les mérites de ces pantins qui laissaient leur peuple mourir pendant qu’ils encaissaient des chèques venus d’ailleurs.
Mais voilà qu’arrive un homme, un capitaine qui refuse de jouer cette farce. Un homme qui ne s’embarrasse pas de vos convenances diplomatiques, qui ne s’incline pas devant les dogmes éculés d’une démocratie factice, taillée sur mesure pour maintenir l’Afrique sous tutelle. Un homme qui ne récite pas le bréviaire hypocrite que vous et vos semblables avez toujours dicté aux marionnettes du pouvoir. Non, Ibrahim Traoré brise la mise en scène, renverse la table et pointe du doigt les vrais coupables : ces marionnettistes impérialistes qui tirent les ficelles dans l’ombre, ces vautours médiatiques qui s’abreuvent du chaos africain, ces collabos locaux qui bâtissent leur fortune sur la misère de leurs compatriotes. Et ça, vous ne le supportez pas. Parce qu’en dénonçant cette imposture, il vous renvoie à la vôtre.
Vous osez parler de diversion ? Quelle ironie ! Vous, le grand prêtre de l’aveuglement sélectif, qui ne voyez jamais le pillage des ressources, l’ingérence économique, la déstabilisation programmée des nations africaines. Vous, qui vous drapez dans la vertu journalistique pour masquer vos connivences avec les puissances qui commanditent ce désastre. Qui, sinon vous, détourne l’attention en poussant des cris d’orfraie dès qu’un dirigeant africain se dresse contre l’ordre établi ? Qui, sinon vous, transforme chaque tentative de souveraineté en une « dérive autoritaire », chaque dénonciation de l’impérialisme en un « complotisme dangereux » ? Vous êtes l’orfèvre du renversement des rôles : les oppresseurs deviennent des partenaires bienveillants, les résistants des tyrans sanguinaires.
Vous vous targuez d’informer, mais vous désinformez. Vous prétendez analyser, mais vous conditionnez. Vous ne servez pas la vérité, vous la falsifiez au gré des intérêts que vous défendez. Car au fond, votre combat n’est pas pour la démocratie, encore moins pour la liberté des peuples. Votre combat, c’est celui des gardiens de l’ordre néocolonial, de ceux qui veulent voir l’Afrique éternellement agenouillée, incapable de penser par elle-même, incapable de se libérer des carcans que vous lui avez imposés.
Et c’est bien là votre drame. Car malgré vos éditos rageurs et vos procès médiatiques, un vent nouveau souffle sur le continent. Et ce vent, Marwane, vous ne pourrez ni le stopper, ni le censurer.
Votre indignation est sélective, et votre hypocrisie criante. Vous jouez les défenseurs intraitables de la liberté de la presse, mais à sens unique, toujours du côté des plumes serviles qui récitent le catéchisme du politiquement acceptable. Vous parlez de médias réduits au silence ? Quelle ironie, venant de vous, qui écrivez dans un journal qui n’a jamais trouvé la décence ni le courage d’exposer les véritables architectes du chaos burkinabè. Où étaient vos éditos enflammés lorsque ces puissances étrangères, que vous ne nommerez jamais, orchestraient la désintégration méthodique du Sahel, armant et finançant l’hydre terroriste pour justifier leur présence et perpétuer leur mainmise ? Où étaient vos leçons de morale lorsque les gouvernements précédents, ces « démocrates » que vous chérissez tant, administraient le pays avec une soumission si zélée qu’elle en devenait obscène, tandis que leurs citoyens tombaient chaque jour sous les balles des djihadistes ?
À cette époque, pas un mot sur l’échec retentissant de leurs régimes. Pas un soupçon d’indignation dans vos colonnes feutrées. Le massacre quotidien des Burkinabè n’était pas un drame, seulement un désagrément collatéral du grand jeu géopolitique dont vous êtes le modeste commentateur, et jamais le dénonciateur. Mais maintenant qu’Ibrahim Traoré se dresse contre cette machine infernale, qu’il refuse d’être un simple figurant dans votre mise en scène grotesque, vous retrouvez soudain votre verve, votre plume trempée d’acide et vos grands airs de procureur autoproclamé.
Vous ne détestez pas la tyrannie, vous méprisez la résistance. Vous ne défendez pas la démocratie, vous protégez un ordre établi dont vous êtes l’un des scribes les plus zélés. Votre souci n’est pas le peuple burkinabè, mais le maintien d’un statu quo où l’Afrique demeure une terre de soumission et de vassalisation, où les seuls leaders acceptables sont ceux qui gouvernent avec l’aval des chancelleries occidentales et le silence complice de leurs laquais médiatiques. Vous hurlez au tyran parce que, pour la première fois depuis longtemps, un Africain ose dire non. Et c’est précisément ce « non » qui vous terrifie.
Vous l’accusez de propagande ? Quelle audace, quelle farce surtout ! Mais Jeune Afrique, cette vénérable institution du journalisme sous influence, n’est-il pas lui-même un instrument raffiné de propagande ? Un organe bien rodé, huilé par des intérêts qui, étrangement, ne coïncident jamais avec ceux des peuples africains. Vous vous drapez dans les oripeaux de la neutralité, mais votre plume n’a jamais servi que les maîtres du jeu : ces despotes dociles à qui vous tendez complaisamment le micro, ces marionnettes bien dressées qui apprennent par cœur le lexique de la soumission pour mériter leur place dans les salons feutrés des capitales occidentales.
Et ceux qui osent relever la tête ? Ceux qui refusent de jouer leur rôle dans la pièce que vous mettez en scène ? Ils deviennent, sous votre plume trempée dans le venin de l’ordre établi, des tyrans, des illuminés, des dangers pour la démocratie. Car, au fond, c’est cela votre véritable combat : non pas la vérité, non pas la justice, mais la perpétuation d’un système où l’Afrique doit rester une terre de domination, où chaque dirigeant est sommé de choisir entre l’obéissance et l’opprobre.
Votre édito pue la mauvaise foi, l’arrogance et ce mépris suintant de celui qui, depuis son bureau climatisé, croit pouvoir dicter à des millions d’Africains ce qu’ils doivent penser, qui ils doivent honorer et qui ils doivent maudire. Vous voulez faire croire que vous défendez la démocratie ? Allons donc ! Ce que vous défendez, c’est le droit des puissants à piller l’Afrique sans être dérangés par de jeunes capitaines insolents qui refusent le joug. Vous n’êtes pas un journaliste, Marwane, vous êtes un haut-parleur du néocolonialisme, un mercenaire de la plume, en quête d’un auditoire docile et amnésique.
Le Burkina Faso n’a pas besoin de vos sermons condescendants, ni de vos leçons déguisées en analyses prétendument objectives. Ce peuple, dont vous feignez de vous soucier aujourd’hui, n’a jamais bénéficié de votre compassion lorsque ses villages étaient décimés sous des régimes que vous encensiez. Votre plume ne s’émouvait pas de leur sort quand les Burkinabè étaient livrés à eux-mêmes, abandonnés par un État réduit à l’impuissance sous la tutelle de vos maîtres bienveillants.
Si Ibrahim Traoré vous dérange tant, c’est précisément parce qu’il refuse de réciter le script que vous avez patiemment écrit pour lui, ce texte usé où tout dirigeant africain doit choisir entre soumission et diabolisation. Vous attendiez qu’il joue le rôle du despote caricatural, ou mieux, qu’il s’effondre sous le poids de vos prédictions catastrophistes. Mais non, il persiste. Il parle de souveraineté, il pointe du doigt ceux qui, jusque-là, opéraient dans l’ombre sans jamais être nommés. Pire encore, il agit. Et ça, vous ne le pardonnerez jamais.
Car au fond, ce qui vous insupporte, ce n’est pas tant le capitaine Traoré lui-même, mais ce qu’il représente : une rupture, une remise en cause brutale du jeu truqué que vous défendez avec tant de ferveur. Vous auriez toléré un autocrate classique, un tyran folklorique bon à servir d’épouvantail médiatique. Mais un dirigeant qui vous force à dévoiler vos contradictions, qui contraint les peuples africains à reconsidérer ce que vous leur présentiez comme une fatalité ? Voilà qui est inacceptable. Alors, vous criez au scandale, vous le traitez de dictateur, espérant que votre indignation fabriquée suffira à étouffer ce qui est en train de se passer.
Seulement voilà, Marwane, les temps changent. Le Burkina, le Mali, le Niger… ce ne sont plus des colonies que l’on gouverne à coups d’éditoriaux enflammés et de mises en garde paternalistes. Les Africains ont compris ton jeu. Ils savent maintenant que le discours de la démocratie cache une autre réalité, moins noble et plus brutale : celle de l’exploitation, de la domination, du mépris.
Tu peux écrire tant que tu veux, Marwane. Remplir des pages et des pages de tes indignations sur commande. Mais il y a une chose que tu ne pourras plus faire : nous endormir. L’Afrique n’écoute plus les leçons de morale. Elle est debout. Et elle avance, avec ou sans toi.
Mais le Burkina Faso n’écoute plus. Il n’a plus besoin de votre approbation, encore moins de votre commisération. Les temps changent, et le privilège de dicter le récit touche à sa fifin.
Aly, un Africain