L’évaluation des partis politiques lancée par le gouvernement de la transition en Guinée fait des vagues. Alors que les autorités soutiennent qu’il s’agit d’une opération visant à assainir le paysage politique, des voix s’élèvent, notamment celle de l’opposant Dr. Édouard Zotomou Kpoghomou, pour dénoncer ce qu’il considère comme une tentative d’éliminer les grands partis et de préparer le terrain pour une éventuelle candidature de Mamadi Doumbouya.
Dans un entretien accordé à nos confrères d’Africaguinee.com, Dr Kpoghomou livre une analyse acerbe de cette évaluation, qu’il juge loin d’être anecdotique. Selon lui, il est légitime de se demander si ce processus ne cache pas une volonté de réduire au silence les formations politiques ayant un véritable poids électoral, tout en favorisant des partis plus fragiles politiquement, mais plus enclins à soutenir le pouvoir actuel.
Un ménage politique de façade ?
Le gouvernement, par l’intermédiaire du ministère de l’Administration du territoire, a justifié cette évaluation en arguant qu’elle vise à faire la lumière sur le nombre exact de partis politiques en activité et à s’assurer que ceux-ci respectent les normes légales. Une démarche qui semble logique sur le papier, mais qui soulève rapidement des questions sur la manière dont cette évaluation est menée.
Dr Kpoghomou met en lumière une contradiction flagrante : « Si cette évaluation était si cruciale, pourquoi ne l’avoir pas effectuée plus tôt ? ». En effet, sous le régime précédent comme sous la transition actuelle, de nombreux partis ont été créés et agréés par le ministère. Or, aujourd’hui, c’est ce même ministère qui semble remettre en cause la validité de ces partis. Une situation paradoxale, selon l’opposant, qui y voit une manipulation politique.
Un double jeu politique ?
Pour Dr Kpoghomou, cette initiative d’évaluation ne peut être analysée sous le seul prisme de la régulation administrative. Selon lui, il s’agit avant tout de démanteler les partis historiques, ceux qui jouissent d’une réelle base militante, pour faire place à des partis sans ancrage véritable sur le terrain. En réduisant la concurrence, le gouvernement pourrait ainsi espérer dégager un champ libre pour Mamadi Doumbouya, en cas de candidature.
« En éliminant ces partis historiques, qui peuvent réunir jusqu’à 95% des électeurs, le terrain est dégagé pour des partis sans racines populaires, soutient-il. L’objectif est de donner l’illusion d’un large soutien populaire au Général Doumbouya », avance-t-il. Une manœuvre qui, selon lui, s’inscrit dans une logique de populisme, où les masses sont manipulées et instrumentalisées pour appuyer une candidature déjà programmée.
Un jeu dangereux pour l’avenir politique du pays
Les enjeux de cette évaluation ne se limitent pas à un simple réajustement du paysage politique. Pour l’opposant , cette situation pourrait mener à un véritable chaos politique : « Si ces tensions se poursuivent et que les affrontements entre partis et leurs soutiens se multiplient, nous risquons de nous retrouver dans un pays en pleine déflagration ». En effet, ces derniers mois, des heurts ont déjà eu lieu, comme à Hamdallaye, où des partisans de partis rivaux se sont affrontés violemment.
Face à cette situation, l’opposant appelle à une prise de position ferme : « Il faut que le Général Doumbouya se désolidarise de ces mouvements de soutien et annonce clairement qu’il ne sera pas candidat. » Selon lui, le maintien de l’ambiguïté sur ses intentions ne fait qu’alimenter des spéculations qui, au final, fragilisent encore plus la stabilité du pays.
Un parti politique dans la tourmente
Pour ce qui est de son propre parti, Dr. Kpoghomou précise qu’il est actuellement autorisé à poursuivre ses activités. Cependant, il déplore le manque de cohérence des autorités : « Nous respectons la loi, mais il est difficile de continuer à se battre dans un environnement où le gouvernement ne respecte même pas sa propre charte de transition », souligne-t-il.
La situation des partis alliés à l’UFDG, l’un des plus grands partis d’opposition, est également problématique. Alors qu’on lui demande de tenir son congrès, la justice a interdit cette même rencontre, créant une incohérence entre les décisions administratives et judiciaires. Cette confusion ne fait qu’ajouter à la méfiance générale à l’égard de la transition et de ses intentions réelles.
L’évaluation des partis politiques en Guinée ne semble pas être une simple mesure administrative. Si elle pourrait effectivement viser à ordonner un paysage politique saturé, elle soulève de nombreuses interrogations. L’objectif est-il réellement de donner plus de transparence au système, ou de préparer discrètement le terrain pour la candidature de Mamadi Doumbouya ? Seul l’avenir nous le dira.
Laguinee.info