mercredi, mars 19, 2025
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Troisième mandat : Patrice Talon échappera-t-il à la malédiction ?

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En Afrique, les serments présidentiels ont parfois la durée de vie d’une promesse électorale : éphémères et faciles à renier. Patrice Talon, président du Bénin, jure une nouvelle fois qu’il ne briguera pas de troisième mandat. Faut-il applaudir ou garder un œil sceptique ?

Me Mohamed Traoré, ancien bâtonnier au Barreau de Guinée, invite à la prudence :

« Tout est possible et rien n’est à exclure dans cette région où les promesses et les serments de certains dirigeants n’ont quasiment aucune valeur, aucun poids. Il ne faut pas les croire sur parole», écrit sur son compte Facebook il y a deux jours.

Son avertissement n’est pas sans fondement. L’histoire récente montre que les engagements de nombreux chefs d’État africains s’effacent aussi vite qu’ils sont prononcés.

Ouattara, Condé et les autres : le club des amnésiques

On se souvient encore des acclamations lorsque le président ivoirien Alassane Ouattara avait déclaré qu’il ne briguerait pas un troisième mandat. Pour beaucoup, cette annonce faisait de lui un modèle de démocrate respectueux de son serment. En Guinée, cette déclaration avait même conforté le FNDC dans sa lutte contre le troisième mandat d’Alpha Condé.

Mais la suite est connue. Ouattara est toujours au pouvoir, et Condé, après s’être imposé pour un troisième mandat controversé, a été renversé par un putsch. Aujourd’hui, le président ivoirien en est à son troisième mandat et il ne sera pas surprenant qu’il soit en lice pour un quatrième.

Cette épidémie d’amnésie démocratique a aussi touché Paul Kagame, Denis Sassou Nguesso, Faure Gnassingbé, Yoweri Museveni… Tous ont trouvé une parade pour prolonger leur règne, balayant d’un revers de main leurs propres engagements.

Le Bénin, un bastion démocratique… jusqu’à quand ?

Patrice Talon a fait inscrire dans la Constitution béninoise une clause inédite :

« Nul ne peut, de sa vie, briguer plus de deux mandats de Président de la République. »

Un verrou censé empêcher toute tentation. Belle initiative sur le papier, mais l’homme d’affaires devenu chef d’État est-il réellement immunisé contre le virus du pouvoir ?

Me Mohamed Traoré rappelle que ce n’est pas la première fois que Talon fait cette promesse :

« Lors d’une rencontre de la société civile ouest-africaine organisée à Cotonou par l’ONG « Tournons La Page » (TLP), il avait tenu le même discours et s’était même engagé à être le porte-flambeau et le défenseur de la limitation du nombre de mandats présidentiels et de l’alternance démocratique auprès de ses pairs de la sous-région. Il avait à cette occasion posé cette importante question : « Qui suis-je pour imaginer que je suis indispensable ? » »

Déjà, il avait affirmé qu’il ne ferait qu’un seul mandat avant d’enchaîner sur un second. Aujourd’hui, il jure qu’il ne trahira pas la Constitution. Mais Me Traoré pose la question qui fâche :

 « Le Président Patrice Talon se soumettra-t-il à cette règle ? Violera-t-il son serment en se livrant à une manipulation constitutionnelle pour briguer un troisième mandat ? »

Serment ou serpent ?

En Afrique, croire sur parole un président qui jure fidélité à la démocratie, c’est un peu comme croire un serpent quand il dit qu’il ne mordra pas. Me Traoré en est convaincu : tant que l’histoire ne s’est pas écrite, il ne faut pas applaudir trop vite.

Patrice Talon tiendra-t-il bon ou finira-t-il par succomber à l’envie d’un troisième round ?

« C’est pour cette raison qu’il est encore tôt d’applaudir M. Talon. Attendons de voir ce qu’il fera à la fin de son second mandat. »

Rendez-vous en 2026. D’ici là, gardons-nous d’être trop naïfs.

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