Samedi 15 février, Mohamed Lamine Kamissoko, ancien député du RPG Arc-en-Ciel, a lancé un message qui résonne bien au-delà de son parti. S’il a dénoncé la transhumance politique, son discours était bien plus qu’une simple critique des départs opportunistes. Il a mis en lumière une dynamique plus profonde du jeu politique guinéen : l’instabilité des fidélités, l’illusion de la popularité et les dangers d’une gestion à court terme du pouvoir.

Son intervention s’adressait à la fois aux militants du RPG, aux anciens cadres aujourd’hui ralliés au pouvoir militaire et, surtout, au CNRD lui-même. Derrière ses mots, une mise en garde se dessine : la politique guinéenne est un cycle où ceux qui trahissent aujourd’hui seront trahis demain.

Quand les masques tombent : le RPG face à ses vérités

Kamissoko ne s’est pas contenté de fustiger ceux qui quittent le RPG Arc-en-Ciel, il a surtout voulu rappeler une réalité que beaucoup préfèrent ignorer : ces départs ne sont pas nouveaux et ne doivent surprendre personne.

« Aujourd’hui, vous savez maintenant qui, dans les rangs du RPG, étaient camouflés et piétinaient l’avancement du parti et de la nation. Vous les connaissez maintenant. Ils se font démasquer tous les jours. Et ce n’est pas fini. Vous verrez d’autres encore. »

Par ces mots, il ne s’adresse pas seulement aux militants restés fidèles. Il leur donne une leçon : tous ceux qui étaient dans le RPG n’avaient pas les mêmes objectifs. Certains n’y étaient que par intérêt, attendant simplement une meilleure opportunité pour changer de camp.

Mais ce message peut aussi être interprété autrement. Si ces départs sont si nombreux, ne traduisent-ils pas une faiblesse structurelle du RPG ? Un parti bâti autour d’un leader plutôt qu’autour d’une idéologie forte est-il capable de résister aux turbulences politiques ?

Le CNRD face au piège des fidélités de circonstance

Au-delà de la situation du RPG, Kamissoko a également mis en garde le CNRD contre l’illusion de sa popularité. Loin d’être un simple avertissement, cette déclaration est une critique directe de la manière dont le pouvoir militaire gère les ralliements actuels.

« Vous n’êtes populaires nulle part. Vous avez juste l’argent de l’État. »

Ce constat est brutal, mais révélateur. Il souligne une réalité souvent occultée par les régimes en place : en Guinée, le pouvoir attire toujours du monde, mais cette adhésion est rarement sincère. Ceux qui rejoignent aujourd’hui la junte ne le font pas nécessairement par conviction, mais parce qu’ils y voient une opportunité.

M.Kamissoko prévient donc implicitement Mamady Doumbouya et son entourage : ces soutiens d’aujourd’hui ne sont pas des alliés indéfectibles. Ils sont là tant que les avantages existent. Mais demain, si la situation change, ils n’hésiteront pas à retourner leur veste, comme ils l’ont fait par le passé avec Lansana Conté, Dadis Camara, Alpha Condé… et demain peut-être avec le CNRD.

Un pouvoir fondé sur l’argent et la distribution des privilèges

L’ex député  n’a pas seulement critiqué les ralliements opportunistes, il a aussi dénoncé la gestion financière du régime militaire. Selon lui, la gouvernance actuelle repose sur une logique de distribution des ressources pour maintenir un semblant de stabilité.

« Continuez à dilapider l’argent, continuez à le distribuer n’importe comment… »

Ici, l’ancien député ne fait pas que pointer du doigt un problème économique. Il dénonce une stratégie politique risquée : acheter des fidélités à court terme en distribuant des avantages, au lieu de bâtir une légitimité durable.

En d’autres termes, Kamissoko prévient le CNRD que cette approche ne peut fonctionner indéfiniment. À force de vouloir contenter tout le monde par l’argent et les postes, le pouvoir risque de se retrouver sans véritable soutien lorsque viendra le moment des choix difficiles.

L’histoire politique guinéenne : un éternel recommencement ?

L’avertissement de Kamissoko s’inscrit dans une perspective historique. En Guinée, chaque régime a vu ses alliés d’hier devenir ses adversaires les plus virulents dès qu’il montrait des signes de faiblesse.

« Ceux qui vous acclament aujourd’hui seront les premiers à vous accuser demain. »

Cette phrase n’est pas anodine. Elle fait écho à de nombreuses trahisons politiques qui ont marqué le pays. Lansana Conté a vu des figures influentes le lâcher pour soutenir Dadis Camara. Ce dernier, après son départ, a été abandonné par ceux qui l’avaient porté au sommet. Alpha Condé, une fois évincé, a constaté l’effondrement d’une partie de son parti, ses anciens proches cherchant une place au sein du nouveau pouvoir.

Ce cycle, Kamissoko semble le considérer comme inévitable. Mais son avertissement à Mamady Doumbouya est clair : s’il ne s’entoure pas de véritables conseillers et s’il continue à se fier aux mêmes acteurs qui ont trahi les précédents régimes, son sort pourrait être similaire.

Une leçon politique pour tous

Au final, le discours de Kamissoko dépasse largement le cadre du RPG Arc-en-Ciel. Il met en lumière une crise plus profonde de la politique guinéenne :

Les partis politiques peinent à fidéliser leurs cadres car ils sont souvent construits autour de leaders plutôt que d’idéologies fortes.

Le pouvoir attire plus par ses avantages que par son projet de société, ce qui explique pourquoi tant d’acteurs changent de camp dès que la balance du pouvoir bascule.

Les régimes successifs commettent les mêmes erreurs, en croyant que ceux qui les rejoignent aujourd’hui resteront loyaux indéfiniment.

M.Kamissoko ne fait pas que critiquer. Il met en garde tous les acteurs politiques guinéens contre une réalité qu’ils connaissent mais qu’ils continuent d’ignorer : en politique, la fidélité ne se décrète pas, elle se construit. Et ceux qui l’achètent à coups de privilèges en paient souvent le prix tôt ou tard.

Le message est lancé. Reste à voir qui l’entendra.

IAC, pour Laguinee.info