Aliou Bah, président du Mouvement Démocratique Libéral, a été condamné à deux ans de prison ferme pour offense au chef de l’État. La nouvelle a provoqué un sursaut d’indignation nationale : réseaux sociaux en ébullition, tribunes passionnées, hashtags solidaires. Bref, un bel élan collectif… mais à durée limitée. Quelque temps plus tard, le calme était revenu, et Aliou Bah, lui, était resté là où il était : en prison, avec sa cellule pour seule compagnie.
Pourtant, certains l’avaient surnommé le « Sonko de la Guinée ». La comparaison avait de quoi flatter. Au Sénégal, Ousmane Sonko est devenu un symbole de résistance politique, porté par un peuple mobilisé qui ne ménage pas ses efforts pour défendre ses convictions. Là-bas, quand une injustice frappe, l’indignation ne s’éteint pas avec le temps : elle grandit, se transforme en mobilisation pacifique et constante.
En Guinée, c’est une autre histoire. Chez nous, l’indignation est un peu comme une flamme de bougie : vive au début, mais vite soufflée par le vent de l’oubli. Une fois que les hashtags ont cessé d’être tendance, tout le monde retourne à ses préoccupations quotidiennes. C’est comme si, après la première semaine, on avait dit à Aliou Bah : « Courage ! Mais seul, hein, on est occupés. »
Pourquoi une telle différence ? Peut-être parce que nous avons développé un talent particulier pour les réactions brèves mais intenses. Nous savons nous indigner, bien sûr, mais à condition que cela reste pratique : pas besoin de se déplacer, un clic suffit. Les luttes longues et tenaces ? Très peu pour nous.
Et que dire des responsables politiques et des leaders d’opinion ? Ils ont été nombreux à dénoncer cette condamnation dès le départ. Mais, apparemment, ils ont tous des agendas bien remplis. Organiser une véritable stratégie de soutien ? Trop compliqué. Laissons plutôt le temps faire son travail, et peut-être qu’on en reparlera un jour… ou pas.
Aliou Bah, pourtant, n’a pas démérité. Sa condamnation pose une vraie question : celle de la place du débat politique en Guinée. Peut-on encore exprimer une opinion sans risquer des représailles ? Peut-on encore croire en une opposition qui ne se contente pas de réagir, mais qui agit, durablement et avec conviction ?
Le cas Aliou Bah nous invite à réfléchir, calmement et sans passion. Pas besoin de bruits inutiles, encore moins de troubles. Mais une chose est sûre : si nous continuons à oublier aussi vite ceux qui osent s’exprimer, notre espace démocratique risque de devenir une coquille vide.
Alors, peut-être qu’un jour, nous apprendrons à nous mobiliser autrement. Peut-être qu’un jour, nous ferons preuve de cette constance que d’autres peuples ont su montrer. Et peut-être qu’un jour, nous comprendrons qu’une société où l’injustice passe inaperçue est une société qui perd, peu à peu, ce qui fait sa force : sa capacité à espérer et à croire en l’avenir.
D’ici là, Aliou Bah attend. Et nous, nous continuons à faire ce que nous faisons le mieux : passer à autre chose.
Laguinee.info