Monsieur le Président,
Je me permets aujourd’hui de vous écrire pour vous notifier qu’en plus d’être à la disposition de la République, j’ai décidé, sans aucune prétention salariale ni officialisation, de me mettre à votre disposition en tant que conseiller politique. N’ayant pas d’accès direct à vous, je prendrai l’initiative de vous adresser régulièrement des lettres ouvertes, dans lesquelles je partagerai mes points de vue sur des sujets spécifiques d’intérêt général, toujours dans le respect et sans intention de vous offenser.
Cette démarche représente pour moi une nouvelle voie pour associer critiques constructives et propositions concrètes, réalistes et réalisables.
Monsieur le Président, au titre de cette nouvelle fonction, et pour ce premier geste, j’aimerais vous faire part de mon point de vue concernant votre soutien aux artistes de notre chère République. Il est indéniable que les artistes, en tant que piliers de la culture, méritent d’être chéris, soutenus, encadrés et encouragés. Vous avez, depuis votre prise de pouvoir, pris des initiatives dans ce sens, et je tiens à vous en remercier.
Monsieur le Président, permettez-moi de vous soumettre une suggestion, inspirée par une anecdote de mon enfance, qui m’a marqué et qui illustre l’importance de dépasser les attentes immédiates pour aller vers des projets d’envergure. Lors des premières élections de 1993, ma préfecture, Yomou, avait voté à 99% pour le PUP, le parti de l’ancien président Général Lansana Conté. Cette victoire électorale avait profondément marqué le Général, qui avait décidé de se rendre à Yomou pour remercier la population. À l’époque, j’étais en 6ème année primaire, et le sous-préfet de Péla avait affrété trois véhicules pour nous transporter à Yomou afin de participer à la réception du président. En pleine saison de pluie, le trajet N’Zérékoré-Yomou, distant de 62 km, était presque impraticable, ce qui a obligé le président à effectuer son déplacement en hélicoptère militaire.
En tant que témoin de cet événement, je peux vous assurer qu’il est parfois très difficile pour les citoyens de plaider pour des causes justes lorsqu’ils se trouvent en face du premier magistrat de la République. Ce jour-là, le président Conté, arrivé en hélicoptère en raison de l’état des routes, avait demandé aux notables de Yomou de lui faire part de leurs besoins. Après une concertation, ils sont revenus vers lui pour lui demander, en ces termes : « Monsieur le Président, Yomou vous remercie profondément pour votre déplacement et vous assure de son soutien. Quant à votre question, après consultation, nous vous demandons de renouveler notre orchestre préfectoral ». Sans hésiter, le président a promis de le faire dès son retour à Conakry, et il a tenu parole. L’orchestre a même fait le tour de toutes les sous-préfectures.
Monsieur le Président, j’ai pris cette anecdote, qui m’est restée en mémoire, pour vous dire que parfois, il est préférable de ne pas se limiter à ce que les citoyens demandent, mais d’aller au-delà de leurs attentes, surtout lorsque vous êtes conscient que cela contribuera à leur bien-être. Ce jour-là, en plus de renouveler l’orchestre, je me dis que le Général aurait dû envisager de commencer par la promesse et la réalisation du goudronnage de la route entre N’Zérékoré et Yomou.
Monsieur le Président, pour nos artistes, en plus des véhicules que vous avez généreusement mis à leur disposition, je vous suggère humblement de songer à doter notre pays d’un palais de culture moderne, unique en sous-région. Ce projet offrirait un lieu d’expression à tous les artistes, y compris ceux qui ne vous soutiennent pas, et permettrait à chacun de bénéficier de vos actions en faveur de la culture, ce qui, rappelons-le, est une obligation pour vous : servir tous les citoyens, sans distinction aucune.
Je vous adresse donc ces propositions avec l’espoir qu’elles contribueront à l’épanouissement de la culture en Guinée, et à la consolidation de la cohésion nationale à travers le soutien aux artistes.
Je vous souhaite, Monsieur le Président, une transition paisible et fructueuse pour le bien de notre pays.
Mohamed Cissé
Président de LaNG
Conseiller politique sans bureau du Président de la Transition.