jeudi, janvier 30, 2025
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50 PhD piégés par leurs rêves : « Ils ont abandonné leurs familles et leurs travaux pour rentrer en Guinée »

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Ils étaient censés être les pionniers d’un renouveau dans l’enseignement supérieur guinéen. Recrutés avec des promesses alléchantes, ces 50 titulaires d’un doctorat, venus de divers horizons, se disent aujourd’hui trahis. Entre salaires impayés, discriminations salariales et désillusions, ils livrent un cri du cœur.

Un appel au patriotisme qui a tout changé

Quand le ministère de l’Enseignement Supérieur a lancé son appel, ils y ont vu une opportunité : rentrer chez eux, transmettre leur savoir et contribuer à l’avenir de la Guinée.

« Il a été dit dans ce document que le salaire va jusqu’à 240 millions de francs guinéens par an. Ce montant divisé par 12, cela fera 20 millions. Nos amis qui sont aux États-Unis, on peut parler de 2 000 dollars, et en Europe, on peut dire 2 000 euros. C’est quelque chose qui pourrait raisonnablement pousser quelqu’un à abandonner son travail, sa famille, ses liens professionnels pour revenir en Guinée, » explique Galissa Hady Diallo, porte-parole des 50 PhD, lors d’une émission sur CAVI Médias.

Ces conditions promettaient plus qu’un salaire : elles parlaient d’espoir. Pour ces docteurs, souvent installés confortablement à l’étranger, il s’agissait d’une occasion unique d’agir pour leur pays.

« À chaque fois que nous posions un acte à l’étranger, nous nous disions : « on aurait pu poser cela dans notre pays qui en a besoin. » Alors, nous avons répondu à l’invitation du ministère. »

La désillusion : une grille salariale bien différente

Mais trois mois après leur prise de fonction, c’est la douche froide. Non seulement ils n’ont toujours pas été payés, mais les salaires appliqués sont loin des promesses initiales.

« Dans la grille salariale, il y a trois niveaux : assistant, maître de conférences et professeur. Pour un assistant, on aurait dû être aux alentours de 20 millions GNF par mois. Même 18 ou 15 millions auraient pu être acceptables. Mais non, nous touchons 8 millions, soit 800 euros ou dollars. Quant aux maîtres de conférences, ils perçoivent 11 millions, et les professeurs guinéens, 14 millions. Pendant ce temps, un professeur étranger avec les mêmes qualifications reçoit 45 millions. C’est une injustice flagrante. »

Cette disparité salariale alimente colère et frustration. « Comment comprendre que votre collègue étranger, avec les mêmes titres et qualifications, gagne trois fois plus que vous, sous prétexte qu’il est venu d’un autre pays ? »

Des sacrifices pour rien ?

Ces docteurs ne cachent pas leur amertume. Ils ont quitté des postes stables, des familles et une carrière florissante à l’étranger, convaincus de la noblesse de leur mission.

« Ils ont abandonné leurs familles et leurs travaux à l’étranger pour rentrer en Guinée, persuadés de participer à la qualification de l’enseignement supérieur de leur pays. »

Mais aujourd’hui, beaucoup regrettent ce choix. Le rêve de bâtir un système éducatif performant s’effrite face à des réalités crues : salaires impayés, conditions de travail déplorables et absence de structures de recherche modernes.

Les tensions syndicales : un autre obstacle

À cela s’ajoutent des pressions internes. Les syndicats locaux voient d’un mauvais œil les salaires initialement promis à ces nouveaux arrivants.

« Il y a des mouvements syndicaux qui disent : « Il est hors de question que l’on ramène des Guinéens et qu’on leur paye ces salaires, alors qu’il y en a qui enseignent depuis des années et qui touchent bien moins. » Cette rivalité interne complique encore davantage la situation. »

Un système à bout de souffle

Au-delà des salaires, c’est tout le système éducatif guinéen qui est remis en question. « L’absence de laboratoires spécialisés et de centres de recherche performants, notamment dans des secteurs stratégiques comme les mines, est un frein majeur. Nous avons besoin d’investissements structurels pour améliorer la qualité de l’enseignement supérieur. »

Pour Galissa Hady Diallo, la recherche scientifique est cruciale pour le développement du pays. Mais sans une gouvernance claire et des réformes profondes, les ambitions affichées risquent de rester lettre morte.

Et maintenant ?

En attendant des réponses du gouvernement, ces 50 PhD restent suspendus dans l’incertitude. Ils demandent le respect des engagements pris, non seulement pour eux, mais pour l’avenir de l’éducation en Guinée.

« Nous espérons toujours que nos sacrifices ne seront pas vains. Mais aujourd’hui, nous sommes fatigués, et le silence des autorités ne fait qu’aggraver notre frustration. »

Cette crise met en lumière les contradictions d’un système qui veut attirer ses talents tout en les traitant comme des étrangers dans leur propre pays. Le rêve de ces 50 PhD est en train de virer au cauchemar, et avec lui, celui de tout un secteur en quête de renouveau.

 

IAC, pour Laguinee.info

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