Le Gabon franchit une nouvelle étape vers un retour à un régime civil, mais les eaux de cette transition restent bien agitées. Lundi, le Parlement de transition a adopté un nouveau code électoral, un texte qui a suscité des applaudissements officiels, mais qui alimente déjà les critiques. Ce code, fruit de plusieurs mois de travail, autorise les binationaux à se porter candidats à toutes les élections, à l’exception de la présidentielle, et attribue deux sièges de député aux Gabonais de l’étranger. Toutefois, comme à chaque tournant de cette transition post-coup d’État, la question du rôle du général Brice Oligui Nguema, porté au pouvoir par la junte après la chute d’Ali Bongo, plane.
Les 168 députés et sénateurs ont mis dix jours pour examiner les 383 articles du projet de loi, dont l’objectif déclaré est de garantir des élections transparentes et démocratiques. Jean-François Ndongou, président de l’Assemblée nationale de transition, y voit « une avancée significative » pour le pays, qui vise à « renforcer durablement la transparence, l’équité et la crédibilité » du processus électoral. Des promesses de démocratie qui semblent bien lointaines pour certains opposants.
L’un des aspects les plus controversés du texte réside dans sa gestion des binationaux, désormais autorisés à se présenter à toutes les élections à l’exception de la présidentielle. Une ouverture, certes, mais à double tranchant. Car si cela permet à une partie de la diaspora de prendre part à la vie politique, elle soulève des questions sur l’allégeance de ces candidats. Et que dire des magistrats et militaires, désormais autorisés à se présenter aux élections sous certaines conditions ? Si certains y voient un gage de diversité, d’autres craignent une instrumentalisation du pouvoir judiciaire ou militaire pour peser sur le processus électoral.
Mais la plus grande crainte réside dans l’ambition présidentielle du général Oligui, qui semble préparer son terrain pour après la transition. Certes, il a promis de rendre le pouvoir aux civils, mais les discrets ajustements législatifs et constitutionnels qui semblent taillés sur mesure pour lui alimentent la rumeur d’une mainmise durable sur le pouvoir. En témoigne cette règle qui pourrait, à terme, permettre au général de se maintenir à la tête du pays après la période de transition. Une perspective qui ne manque pas de nourrir les spéculations : est-ce un chemin tracé pour Oligui, ou un simple mirage démocratique ? Le doute persiste.
Dans ce contexte, l’adoption du code électoral, bien qu’elle marque une avancée, révèle un équilibre fragile entre ouverture et contrôle. Si le texte promet une meilleure organisation des élections, il risque également de renforcer des structures qui pourraient maintenir un certain statu quo. La transition est loin d’être une page blanche : elle pourrait bien être écrite par ceux qui ont déjà pris le pouvoir.
Laguinee.info