Le soleil frappe fort sur Entag. Sur les abords de la route Fidèle Castro Rouge, la poussière danse avec le bruit des moteurs. C’est là que les femmes posent leurs ballots de vêtements, leurs rêves et leurs fatigues. Elles ne parlent pas beaucoup, ces femmes ; elles n’ont pas le temps. Mais leurs regards racontent une longue histoire. Une histoire de survie, de combats quotidiens, de patience et de résignation.
Le marché des malheureux
Bintou Bérété est l’une d’elles. Depuis quinze ans, elle est là, courbée sur ses vêtements de seconde main, à scruter les rares passants avec l’espoir qu’ils s’arrêtent. Bintou, c’est l’histoire de la Guinée : du courage et des mains nues. Elle dit :
« Actuellement, il n’y a pas d’achat. Auparavant, il y avait un peu de vente, mais maintenant, la situation est difficile. »
Elle continue malgré tout. Parce que rester à la maison, c’est mourir de faim. Parce qu’elle a des enfants à nourrir, des espoirs à entretenir, même si, au fond, elle sait que ce qu’elle gagne aujourd’hui disparaîtra dans le ventre des siens avant même que la nuit tombe.
« Depuis 2010, je suis dans la vente de friperie, mais jusqu’à présent, je n’ai rien pu réaliser. Je n’ai pas construit de maison, je n’ai même pas de terrain. Tout ce que je gagne est utilisé pour subvenir aux besoins de mes enfants. »
Et pourtant, elle rêve, Bintou. Elle rêve de bâtir un jour une maison, rien qu’une petite, avec quatre murs solides et un toit qui ne fuit pas. Mais les rêves de Bintou, comme ceux de ses sœurs du marché, s’écrasent contre la réalité des balles de vêtements trop chères.
Les balles qui étouffent
Acheter une balle, c’est un défi. Une autre vendeuse, qui préfère ne pas donner son nom – car même le courage a ses limites – explique :
« Nous achetons les balles entre 1 500 000 et 5 000 000 GNF. Mais nous n’avons pas les moyens, alors nous optons pour les moins chères. Même avec cela, nos bénéfices restent très faibles. »
Les balles, c’est comme un dieu capricieux. Elles sont chères, et souvent, elles contiennent des vêtements usés jusqu’au dernier fil, impossibles à vendre. Mais ces femmes n’ont pas le choix. Elles achètent, elles espèrent, elles perdent.
L’espace qui manque et l’État qui oublie
À Entag, même la place est une guerre. Les femmes s’entassent sur le trottoir, partagent les coins de terre rouge où poser leurs marchandises. La rue leur appartient autant qu’elle les rejette. Et l’État, lui, regarde ailleurs.
Elles appellent pourtant, ces femmes. Elles appellent le président, les autorités, les grands hommes qui promettent mais ne viennent jamais. Elles demandent juste un espace, un petit bout de marché où elles pourraient travailler dignement.
Un cri étouffé
Entag, c’est le marché des oubliées. Mais ces femmes ne baissent pas les bras. Chaque matin, elles déballent leurs fripes, leur courage, leur détermination. Elles ne crient pas, ces femmes, mais leur silence est un grondement. Car elles savent, au fond, que ce pays, cette vie, c’est elles qui la portent.
IAC, pour Laguinee.info