Me Mohamed Traoré, avocat et Conseiller au CNT, s’est insurgé contre les critiques et cabales visant les hommes de droit formés dans les universités guinéennes. Selon lui, « les facultés de droit ne doivent pas être mises en cause comme le font si facilement certains ». Il rappelle que les avocats, notaires, huissiers de justice, juristes d’entreprise et juristes formés dans ces facultés exercent leurs professions avec compétence.
Des comparaisons éclairantes
Pour illustrer son propos, Me Traoré établit une comparaison avec le domaine médical : « Lorsque quelques gynécologues, pédiatres, néphrologues, neurologues, cardiologues, orthopédistes, cancérologues, chirurgiens ou d’autres praticiens de la médecine posent des actes critiquables, faut-il mettre en cause les facultés de médecine ? » Selon lui, cette analogie montre l’injustice de généraliser les critiques envers les facultés de droit.
Un appel à la précision dans le débat
Me Traoré insiste : « On doit avoir le courage de poser le problème en indiquant clairement ce qui ne va pas afin d’éviter une généralisation injustifiée et abusive de la situation. » Il invite à une réflexion plus ciblée sur les dysfonctionnements réels, plutôt que de condamner l’ensemble du système de formation juridique en Guinée.
Le problème de l’indépendance de la justice
Au-delà de la critique des facultés, Me Traoré pointe un problème plus profond lié à l’indépendance de la justice. « La véritable question est de savoir pourquoi, dans beaucoup de nos pays, la justice est très souvent à la solde des pouvoirs en place, en dépit du principe de la séparation des pouvoirs et des moyens mis à sa disposition. »
Il rappelle les propos du juge Kéba M’Baye : « On peut donner au magistrat les moyens de son indépendance, mais l’indépendance elle-même est une affaire du magistrat. »
Pour Me Traoré, ces paroles soulignent une réalité incontournable. « Si le magistrat est lui-même habité par la peur à chaque fois qu’il est en charge d’un dossier dans lequel le nom de ‘l’autorité’ est évoqué, quand il refuse lui-même son indépendance, qu’est-ce que le principe de la séparation des pouvoirs peut bien apporter comme solution dans cette hypothèse ? »
Les pressions sur les magistrats
Me Traoré dénonce aussi les pratiques au sein des tribunaux : « Un dossier judiciaire impliquant un opposant n’est jamais perçu par les magistrats comme un dossier ‘ordinaire’. C’est le président du tribunal et le procureur de la République en personnes qui vont à l’audience. Comme pour dire que cette affaire doit être jugée d’une manière particulière. Alors que rien ne les y oblige. »
Selon lui, « le problème, c’est moins les autres pouvoirs qui s’immiscent dans les affaires judiciaires ou exercent des pressions sur la justice que les juges qui acceptent de se soumettre aux injonctions ou ordres pouvant leur être donnés. »
Le rôle des magistrats du siège et du parquet
Il distingue cependant les magistrats du parquet, soumis à une hiérarchie, des magistrats du siège. « Un magistrat du parquet n’a pas à se rendre par exemple au bureau d’un juge pour tenter de le convaincre de prendre une décision dans tel sens parce que telle serait la volonté de ‘l’autorité’. » Quant aux magistrats du siège, il affirme : « Rien ne peut justifier une soumission à des instructions ou à des ordres. Il ne doit obéir qu’à la loi et à sa conscience. »
Le mea culpa de la magistrature
Enfin, Me Traoré revient sur un épisode marquant : « Depuis le mea culpa de la magistrature les jours qui ont suivi le 5 septembre 2021 et la diffusion sur une radio de l’enregistrement d’une conversation entre un procureur et un juge, il est désormais impossible de convaincre qui que ce soit de l’absence d’ingérence dans les affaires pendantes de la justice. »
Me Mohamed Traoré appelle donc à une analyse plus juste et précise des problématiques judiciaires en Guinée, sans critiques généralisées ni accusations injustifiées envers les facultés de droit.
Laguinee.info