Il est des événements qui résonnent dans la mémoire collective comme des symptômes d’un mal plus profond, et l’arrestation d’Aliou Bah en fait clairement partie. Cette intervention brutale des forces de sécurité à la frontière de Pamelap, alors qu’il se rendait en Sierra Leone, s’inscrit dans une série d’abus qui ne cessent de ternir l’image d’un pouvoir déjà contesté. Mais, loin de se contenter de cette simple infraction, l’arrestation s’accompagne d’accusations vagues et sans fondement, dont le seul but est de museler toute voix discordante.
Les autorités, dans leur zèle, ont pris un soin tout particulier à ce qu’Aliou Bah ne puisse échapper à ce qu’elles considèrent comme un devoir sacré : maintenir l’ordre, coûte que coûte, quitte à oublier que l’ordre en question se fait sur le dos de la liberté, de la justice et du droit de chacun à vivre en paix sans être l’objet d’une traque incessante. Le crime d’Aliou Bah ? D’être une figure politique opposée à un régime qui, visiblement, ne tolère aucune forme de dissidence, qu’elle soit politique ou simplement critique. Il ne faut pas se tromper : cette arrestation n’est pas le fruit du hasard. Elle est la conséquence directe de la volonté de faire taire ceux qui osent questionner, ceux qui refusent de s’incliner devant une autorité qui croit avoir tous les droits.
Pourquoi l’attendre à la frontière ? Pourquoi cette mise en scène parfaitement orchestrée ? N’est-ce pas là une tentative d’intimidation déguisée en « contrôle de routine » ? Ce n’est pas l’homme qui dérange, mais l’idée qu’il représente, un symbole d’une Guinée où la parole est encore libre, où la politique n’est pas seulement une question de pouvoir, mais de conviction. C’est cette idée qu’il faut briser, et pour ce faire, peu importe les méthodes, même si elles ne font qu’enfoncer davantage un régime déjà isolé dans son autoritarisme.
Le chef de la junte, Mamadi Doumbouya, qui a promis un retour à l’ordre constitutionnel, doit bien rire sous cape. La promesse faite au peuple de Guinée en 2021 semble bien loin, engloutie sous les vagues de répression, d’arrestations arbitraires et de musellement systématique de l’opposition. Aliou Bah, aujourd’hui, est l’un des visages de cette répression, un coupable idéal dans un régime où l’accusation de « l’offense au chef de l’État » devient la panacée pour toutes les dérives.
Il est indéniable qu’une Guinée libre, démocratique et respectueuse des droits humains est encore bien loin. Mais ce qui est encore plus évident, c’est que ce pouvoir-là, par ses actes, dévoile au grand jour son incapacité à tenir ses engagements. Là où il aurait dû instaurer un dialogue apaisé, il n’a trouvé que la répression comme réponse. Aliou Bah, comme d’autres avant lui, devient le bouc émissaire d’une transition qui n’en a que le nom, une transition que les Guinéens attendaient avec impatience, mais qui semble se dérober à chaque mouvement de l’armée.
Ainsi, l’arrestation d’Aliou Bah, loin d’être une simple affaire administrative, est un signal inquiétant, un avertissement. À ceux qui s’imaginent encore qu’il est possible de réformer ce pays dans le respect des principes démocratiques, à ceux qui croient que la voix de l’opposition peut encore résonner librement, cet acte est un message clair : l’opposition n’a pas sa place dans cette Guinée-là, une Guinée sous haute surveillance, où la liberté d’expression semble être l’apanage d’une élite qui, à défaut de convaincre, préfère écraser.
Laguinee.info