Le général Abdourahamane Tiani, président du Niger, a frappé fort, et cette fois, la CEDEAO n’a plus que son acronyme pour pleurer. Dans un discours prononcé à l’occasion du 66ᵉ anniversaire de la République du Niger, le chef de l’État a rappelé que le Burkina Faso, le Mali et le Niger ne tourneraient pas en rond dans une CEDEAO qui, à ses yeux, ressemble davantage à un club de gouverneurs coloniaux qu’à une véritable organisation sous-régionale.
« Irréversible », dit-il. Et pour cause.
« J’aimerais rassurer tous les Nigériens et, au-delà, tous nos concitoyens de la Confédération AES que la sortie de la CEDEAO n’entraînera pas le chaos pour nos pays et leurs nationaux », a martelé Abdourahamane Tiani, dans un ton qui résonne comme un dernier coup de gong pour une CEDEAO qui a vu son autorité s’effriter face à ses propres contradictions.
Pour ceux qui espéraient un rétropédalage, le président nigérien a été clair : « La décision de sortie de la CEDEAO est irréversible, car longuement mûrie et réfléchie. » Comprendre : les dés sont jetés, et ils ne retomberont pas dans vos salons feutrés à Abuja.
Une CEDEAO en panne de légitimité
La CEDEAO, autrefois promue comme un modèle d’intégration régionale, est aujourd’hui accusée de jouer les bras armés de puissances étrangères. Selon le général Tiani, cette organisation « n’avait rien d’autre à offrir que la guerre par procuration. » Un propos qui, au-delà du style, met le doigt sur une réalité criante : depuis des mois, la CEDEAO n’a pas su faire autre chose que brandir des menaces, souvent mal calibrées, et des sanctions qui ont davantage fragilisé les populations que leurs dirigeants.
Face à cela, l’AES, regroupant désormais les trois pays sortants, propose une nouvelle approche, plus souveraine et moins dépendante des agendas dictés depuis Paris ou Washington.
Une leçon de courage ou un saut dans le vide ?
Les trois pays de l’AES se retirent officiellement de la CEDEAO le 29 janvier 2024. Et si la CEDEAO espère encore un miracle – peut-être un « retour à la raison » – elle devrait plutôt s’interroger sur sa propre capacité à rester pertinente dans une région qui semble fatiguée de ses injonctions paternalistes.
Mais soyons honnêtes : le pari de l’AES est risqué. Ces pays, déjà englués dans des défis sécuritaires et économiques majeurs, devront prouver que l’unité politique ne rime pas seulement avec rhétorique enflammée. Abdourahamane Tiani promet que « toutes les dispositions seront prises pour parer à toute éventualité. » Reste à voir si ces dispositions seront à la hauteur des ambitions affichées.
La fin de la CEDEAO telle qu’on la connaît ?
Quoi qu’il en soit, cette sortie est un coup dur pour la CEDEAO, dont la crédibilité est désormais sévèrement entamée. Une organisation qui ne peut pas retenir ses membres est-elle encore légitime ? La réponse est aussi inconfortable que les fauteuils des sommets régionaux où l’on évite de poser les vraies questions.
Le général Tiani a donné le ton : le divorce est consommé, et il n’y aura pas de retour. Pour la CEDEAO, le défi n’est plus seulement de gérer la crise actuelle, mais de prouver qu’elle peut survivre dans un paysage régional en pleine recomposition. Pour l’AES, il s’agit de montrer que le rêve de souveraineté peut dépasser les slogans et s’incarner dans des actions concrètes.
L’Histoire jugera, mais pour l’instant, le spectacle est sans appel : la CEDEAO vacille, et l’AES avance, au moins dans le verbe.
Laguinee.info