En Guinée, on aime les mots. On les tord, on les maquille, on leur fait dire tout sauf ce qu’ils veulent dire. Prenez « transition », par exemple. En 2021, c’était le mot magique, l’étendard d’un espoir fragile. Trois ans plus tard, ce mot est devenu gênant, obsolète. Alors, nos génies de la gouvernance lui ont trouvé un remplaçant chic et tendance : refondation. Parce que voyez-vous, refonder, c’est tellement plus noble que juste « finir ce qu’on a promis ».
En coulisses, le scénario est pourtant clair : « transition » impliquait une fin, et une fin, c’est effrayant pour ceux qui se sont confortablement installés dans les fauteuils du pouvoir. Alors on a sorti un dictionnaire, on a cherché un synonyme qui ne fait pas tic-tac comme une horloge. Refondation est arrivé comme un messie lexical. Et voilà, le tour est joué : plus de pression, plus de compte à rebours, juste un vaste chantier imaginaire où tout est à refaire, mais rien ne commence vraiment.
Regardons les faits. Trois ans de transition, trois ans de promesses. Et au final ? Sur les 10 points de la Charte de la Transition, aucun n’a atteint la ligne d’arrivée. Mais pas d’inquiétude : on ne peut pas juger un travail en cours, surtout quand ce travail s’éternise volontairement. Les réformes institutionnelles ? Perdues dans les couloirs du palais. Les élections ? Remises aux calendes guinéennes. La réconciliation nationale ? Un concept devenu aussi rare qu’un goudronnage de route.
Mais pendant ce temps, le gouvernement ne chôme pas. Non, non ! Il y a des tournées à organiser, des discours à prononcer, des « Mamadi par ci, Mamadi par là » à répéter comme des mantras. Nos ministres se sont reconvertis en poètes, composant des odes à la gloire du Général-président-chef-refondateur. Dans cette symphonie de louanges, les problèmes du peuple passent en sourdine, comme une chanson oubliée.
Et Mamadi Doumbouya, dans tout ça ? Hier Colonel, aujourd’hui Général, demain… peut-être un titre encore plus grandiose. Car pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Tant qu’on y est, inventons une nouvelle distinction : Architecte suprême de la refondation nationale. Ça claque, non ?
Mais attention, chers refondateurs, les Guinéens ne sont pas dupes. Ils voient vos manœuvres, vos mots-traitres, vos stratagèmes. Et surtout, ils comptent les jours. Car que vous appeliez cela « transition » ou « refondation », le 31 décembre 2024 n’est pas une idée vague. C’est une date, une promesse, une vérité qui vous attend au tournant.
Alors, un conseil : redescendez sur terre. Le peuple guinéen a trop souffert des illusions. La refondation que vous prêchez, c’est la vôtre, pas la leur. Vous avez voulu faire rêver, mais ne vous étonnez pas si, un jour, ce rêve se transforme en réveil brutal. Après tout, même les mots les plus beaux ne peuvent cacher l’évidence : un pouvoir qui dure trop longtemps finit toujours par lasser.
Laguinee.info