La descente spectaculaire des forces de l’ordre au port de pêche artisanal de Dixinn, ce vendredi 13 décembre, marque un tournant dans la gestion des zones précaires à Conakry. Avec plus de 150 arrestations, des expulsions d’étrangers et la destruction d’abris de fortune, cette opération suscite autant d’applaudissements que de questionnements. Mais au-delà du choc, quel impact réel cette action aura-t-elle sur le plan sécuritaire, social et économique ?

En orchestrant une intervention aussi massive, les autorités affichent clairement leur volonté de reprendre le contrôle d’un espace perçu comme un foyer d’insécurité. L’arrestation d’étrangers sans papiers et de Guinéens qualifiés de « suspects » vise à rassurer une population souvent inquiète face à l’augmentation des actes illicites. Cependant, sans une stratégie d’accompagnement, ces opérations risquent de ne traiter que les symptômes, sans s’attaquer aux causes profondes : la pauvreté, le chômage et le manque de régulation dans ces zones sensibles.

Une précarité aggravée

La destruction des abris de fortune laisse des centaines de personnes sans toit, sans alternative immédiate. Si certains résidents du port vivaient dans une situation illégale, la démolition brutale de leurs logements soulève une question cruciale : où iront-ils ? Sans politique de relogement ou d’insertion, ces populations marginalisées risquent de se disperser et de recréer ailleurs les mêmes foyers de précarité, augmentant ainsi la problématique à l’échelle de la ville.

L’État, victime collatérale ?

L’opération a également frappé des infrastructures publiques, notamment le siège de l’Agence Nationale d’Aménagement des Marchés (ANAM). Cette démolition interroge sur la coordination entre les différents services de l’État. Comment expliquer qu’un bâtiment censé servir l’intérêt général soit rasé dans une opération menée sous l’égide des autorités elles-mêmes ? Ce paradoxe reflète une gouvernance parfois incohérente, qui peine à allier fermeté et rationalité.

Un impact économique à court et long terme

Le port de pêche artisanal est une source de subsistance pour de nombreux habitants de Dixinn et au-delà. La destruction de cette zone risque de priver des dizaines de familles de revenus déjà fragiles. À moyen terme, cette intervention pourrait également freiner les activités économiques locales, avec un impact négatif sur les petits commerces qui gravitent autour de cet espace.

Une action sans lendemain ?

Si l’objectif était de faire montre d’autorité, cette opération peut être considérée comme un succès symbolique. Mais dans un contexte où la pauvreté reste endémique, la multiplication de ces actions coup de poing risque de produire un sentiment de frustration chez les populations vulnérables, tout en alimentant un cycle de précarité et de tensions sociales.

L’impact de cette descente reste mitigé : elle montre les muscles de l’État sans pour autant adresser les maux profonds de la société. À défaut d’un plan global, cette démonstration de force pourrait bien être un coup d’éclat sans lendemain.

Laguinee.info