Depuis le 5 septembre 2021, la Guinée est entrée dans une période de transition censée refonder les bases d’un État de droit. Mais trois ans plus tard, cette promesse s’est muée en une réalité sombre, marquée par une répression brutale et un mépris flagrant pour les droits humains.
Liberté d’expression : un droit confisqué
L’interdiction des manifestations a été le premier coup porté à la liberté d’expression. Cette décision, justifiée par un prétexte de sécurité publique, a progressivement ouvert la voie à une répression systématique. Les voix dissidentes sont réduites au silence, souvent de manière brutale. La disparition inquiétante de Foniké Menguè et Billo Bah, enlevés à leurs domiciles en juillet 2024, illustre l’ampleur de cette dérive. Ces activistes, symboles de la résistance pacifique, sont aujourd’hui invisibles, tandis que leurs familles et la nation entière restent sans réponse.
Les médias, autrefois perçus comme des contre-pouvoirs, subissent une attaque sans précédent. Depuis novembre 2024, des organes de presse privés tels qu’Espace TV, FIM ou Djoma TV ont été fermés, privant les citoyens de sources d’information indépendantes. Cette offensive contre la presse s’accompagne d’une chasse aux journalistes critiques. Habib Marouane Camara, connu pour ses écrits incisifs, a été enlevé.
Une justice instrumentalisée
La justice, annoncée comme la « boussole » de cette transition, s’est transformée en un instrument de persécution. Les procédures judiciaires sont devenues des armes pour museler les opposants et éliminer toute contestation. Des figures politiques comme Cellou Dalein Diallo et Sidya Touré ont vu leurs domiciles saisis et détruits sous des prétextes juridiques douteux. Pendant ce temps, les anciens cadres du régime déchu d’Alpha Condé croupissent en prison depuis trois ans sans procès équitable.
Cette justice sélective et politisée a perdu toute crédibilité. Elle ne protège plus les citoyens, elle les soumet. Les cas d’enlèvements, comme celui d’Alhassane Diallo, opérateur économique libéré après quelques jours de détention arbitraire, témoignent d’une impunité grandissante.
Sécurité : une promesse non tenue
La sécurité, brandie comme l’une des priorités du régime, reste une illusion. Les actes de violence, même dans les foyers, illustrent l’incapacité des autorités à garantir la protection des citoyens. L’assassinat d’El Hadj Hassimiou, abattu chez lui devant sa famille, symbolise cette insécurité galopante.
Une situation intenable
La Guinée est aujourd’hui plongée dans une spirale descendante où les droits fondamentaux sont bafoués au quotidien. Les promesses de réforme se sont effondrées, laissant place à un régime où règnent la peur, la répression et l’injustice.
Ce constat alarmant appelle à une réflexion urgente. La transition ne peut se limiter à une prise de pouvoir militaire ; elle doit incarner un renouveau démocratique réel. L’inaction de la communauté internationale et le silence des institutions locales ne font qu’aggraver la situation.
Le silence complice de la France : quand la morale s’efface devant les intérêts
La France, patrie autoproclamée des droits de l’homme, se mure aujourd’hui dans un silence assourdissant face aux dérives autoritaires de la junte militaire guinéenne. Là où, sous Alpha Condé, elle dénonçait bruyamment les violations des droits humains, elle semble désormais adopter une posture de complaisance coupable. Pourquoi ce deux poids deux mesures ?
Sous le régime d’Alpha Condé, chaque atteinte aux libertés fondamentales suscitait des déclarations véhémentes, des condamnations publiques et des menaces à peine voilées. Paris se drapait dans son rôle de gardien des principes démocratiques, rappelant sans cesse son attachement à la justice et à la dignité humaine. Mais depuis l’arrivée au pouvoir de la junte, les valeurs proclamées ont laissé place à un silence calculé.
Une posture hypocrite
Comment expliquer que la France, si prompte à défendre les droits humains ailleurs, détourne aujourd’hui les yeux face aux enlèvements, disparitions forcées et assassinats politiques qui gangrènent la Guinée ? Foniké Menguè et Billo Bah, figures emblématiques de la société civile, sont portés disparus depuis des mois. Les médias sont bâillonnés, les journalistes persécutés, et des opposants forcés à l’exil. Et pourtant, pas un mot, pas une condamnation ferme de la part de Paris.
Ce silence contraste cruellement avec l’attitude adoptée sous Alpha Condé, où chaque écart était scruté et dénoncé avec vigueur. À l’époque, les droits de l’homme étaient un cheval de bataille. Aujourd’hui, ils semblent relégués au rang de variable d’ajustement diplomatique.
Les intérêts avant les principes
Ce changement de ton soulève une question fondamentale : la France pactise-t-elle avec la junte pour préserver ses intérêts stratégiques ? Les ressources naturelles de la Guinée, notamment la bauxite, sont-elles devenues plus importantes que la vie et la liberté des Guinéens ? Ce silence complice laisse penser que Paris préfère ménager les militaires au pouvoir plutôt que de risquer ses relations économiques.
Une trahison des valeurs universelles
En fermant les yeux sur les exactions commises par la junte, la France trahit non seulement les Guinéens, mais aussi les principes qu’elle prétend incarner sur la scène internationale. Comment peut-elle encore prétendre être un modèle de défense des droits de l’homme, alors qu’elle s’accommode de régimes autoritaires lorsqu’ils servent ses intérêts ?
Le silence est une forme de complicité. Et aujourd’hui, ce silence est un affront aux victimes, une insulte aux valeurs humaines, et une tache indélébile sur la conscience française.
Un appel à la responsabilité
Les droits de l’homme ne sont pas un luxe, mais un fondement essentiel de toute société juste. Il appartient à chaque acteur – citoyen, organisation, et communauté internationale – de dénoncer ces dérives et d’exiger des comptes. L’histoire de la Guinée ne peut être écrite par ceux qui piétinent ses principes. Elle doit l’être par ceux qui défendent la liberté, l’égalité et la dignité humaine.
Il est temps d’agir avant que le pays ne sombre davantage dans l’arbitraire et la violence.
Laguinee.info