En Guinée, le secteur de la peinture est comme un diamant brut, éclatant de potentiel mais laissé à la poussière. Ce vendredi 6 décembre 2024, nous avons rencontré Guy Pascal Guillawo, peintre renommé, dont les mots sont aussi puissants que ses coups de pinceau. À travers ses propos, il dévoile un paysage artistique à la fois fascinant et désolant.
Une passion, une vocation, un combat
Dès l’enfance, Guy Pascal Guillawo avait un talent inné pour le dessin. Aujourd’hui, il expose ses œuvres à Paris, Bordeaux et même aux États-Unis. Mais ici, dans son propre pays, il lutte pour faire entendre sa voix.
« La peinture est bien, mais seulement actuellement, la peinture est un peu lente. Et nos mécènes et nos promoteurs, tous ceux qui s’intéressent à la peinture, sont un peu rares actuellement. C’est l’œuvre qui parle, c’est l’œuvre qui appelle les gens », déplore-t-il.
Dans cette réalité, le peintre devient tour à tour artiste, commercial, et entrepreneur pour survivre. Pourtant, l’amour de son art reste intact.
Une clientèle rare mais précieuse
Dans son atelier, des tableaux de toutes tailles et styles sont suspendus, chacun racontant une histoire unique. Mais trouver des acheteurs est un véritable parcours du combattant.
« Les clients, de temps en temps, nous gagnons les clients par rapport aux besoins de ce que nous faisons. Parce qu’il y a des clients, ce n’est pas tout le monde qui a le même goût en art. Il y a des clients qui viennent, ils voient leur goût, ils apprécient et sur le marché, ça passe », explique-t-il.
Un tableau original, peint sur une toile conventionnelle avec une peinture de qualité, peut coûter jusqu’à 4 500 000 GNF. « C’est une innovation de l’artiste, ce que je fais moi-même. Ce n’est pas un tableau qui est copié », précise Guillawo. Mais cette originalité a un prix que peu sont prêts à payer.
La Guinée : un désert pour les artistes?
La Guinée manque cruellement d’infrastructures culturelles. Musées, galeries d’art ou centres d’exposition, tout semble inexistant.
« Les événements se font quelquefois en plus. Des fois, nous ne sommes pas informés. Bon, il y a l’exposition d’une telle ambassade. Moi, naturellement, j’ai une fois exposé à l’ambassade de France, mais ça, c’est les années passées, les années antérieures », raconte-t-il. Il se souvient aussi avoir exposé dans quelques hôtels, mais ces opportunités restent rares et peu accessibles.
Ce manque de structures pousse les artistes à s’isoler dans leurs ateliers. « On est dans notre atelier, on attend les clients », dit-il avec une pointe d’amertume. Pour lui, cette situation nuit non seulement aux artistes, mais aussi à l’image culturelle du pays.
Un appel vibrant aux autorités
Pour Guillawo, la peinture pourrait devenir un pilier de l’économie culturelle guinéenne, mais cela nécessite un engagement politique.
« Les autorités, elles ne savent pas, c’est une question de volonté. Sinon, les autorités, d’abord, on n’a pas même un grand centre artisanal. On n’a rien. Quand tu vas au Mali, quand tu vas au Zaïre, tu verras que ce métier est bien développé », souligne-t-il. « Cela va être l’identification de tous les grands artistes de Guinée. »
Il plaide pour la création de centres d’exposition modernes et accessibles à tous. « Pas une baraque comme les poulailler, une commune. Cela va être l’identification de tous les grands artistes de Guinée », martèle-t-il.
L’art comme boussole de la civilisation
Pour Guy Pascal Guillawo, l’art n’est pas qu’une simple activité, c’est le fondement d’une société. « Le dessin permet à l’homme nouveau d’être cadré, de faire bien la classification de tout ce qu’il veut faire », explique-t-il.
En insistant sur l’importance de l’art pour les générations futures, il conclut avec force : « Vous savez, le socle d’un pays, c’est la culture. Et là, si le Sénégal et le Burkina Faso brillent aujourd’hui, c’est en grande partie aussi la peinture, le dessin peinture. »
Une richesse culturelle à réveiller
La peinture en Guinée est une mine d’or inexploitable faute de soutien et de structures. Le message de Guy Pascal Guillawo est un cri du cœur : reconnaîtrez-vous enfin la valeur de vos artistes ?
Ibrahima Alhassane Camara, pour Laguinee.info