À Kankan, la suspension du grand imam, El Karamo Bangaly Kaba, fait grand bruit. Décision prise par le Sotikèmo de la ville, cette mesure met en lumière des tensions profondes au sein de la communauté islamique locale. Accusé de vouloir imposer son fils, Kalou Kaba, comme successeur à l’imamat, le religieux est au cœur d’un conflit mêlant tradition, autorité et divergences au sein des castes de la cité, rapporte Laguinee.info à travers son correspondant régional.
Un imamat contesté
D’après Assa Madi Kaba, un proche du Sotikèmo, la situation était latente depuis plusieurs mois. « Nous observions ce malentendu dans la grande mosquée depuis quelques temps. Après plusieurs tentatives en vain pour raisonner l’imam Bangaly (Grand Imam) sur le fait qu’il souhaiterait imposer son fils Kalou comme imam, comme son successeur légitime à la tête de la grande mosquée, les choses ont dégénéré. »
Face à cette volonté perçue comme contraire aux pratiques établies, les autres imams ont alerté le Sotikèmo. « Le caste de Timbön a soumis la situation aux trois autres castes pour une résolution, c’est-à-dire les 4 portes de Kankan (Timbönda, Bananköröda, Kabadada et Salamanida). Après concertation, on lui a demandé d’abandonner l’idée d’imposer son fils. Chose qu’il n’avait accepté en un premier temps, mais il a fini par céder sous pression car l’imamat n’a jamais été un héritage familial. »
Des tensions exacerbées
La situation a atteint un point critique lorsque le grand imam aurait insulté le Sotikèmo et des notables dans leur propre concession. « Il (Grand Imam) est allé manquer de respect au Sotikèmo jusqu’à dans sa concession. Il nous a tous qui y étaient, insultés. Je peux dire comme ça, y compris moi-même en personne et même Karamô Taliby (l’un des plus grands Walyou de Kankan). »
Face à cette escalade, les quatre castes ont décidé, à l’unanimité, de suspendre le grand imam. « Après concertation des 4 castes, on a décidé de suspendre Karamô Bangaly Kaba jusqu’à nouvel ordre parce qu’il a pris une autre dimension qu’on ne s’y attendait pas. Pour le moment, c’est Karamô N’Faly qui assume l’intérim. Une déclaration finale sera faite après les réunions de concertation. »
Un choix traditionnel sous pression
Historiquement, la désignation du grand imam relève des notables de Kankan, comme le rappelle Assa Madi Kaba. « En tout cas, depuis des décennies, le choix du 1er imam de la grande mosquée de Kankan relève de la décision collégiale de la notabilité, comme ce fut le cas de l’actuel imam, Karamô Bangaly Kaba, en 1995. »
La décision de suspension, bien que collective, soulève des questions sur l’équilibre des pouvoirs au sein de la communauté et les défis liés à la préservation des traditions dans un contexte de plus en plus complexe.
De Kankan, Karifa Kansan Doumbouya, pour Laguinee.info