En plein cœur de Boké, l’École Franco-Arabe de Dibia est à la fois un vestige historique et une caricature vivante de l’échec du système éducatif local. Créée en 1982, cette institution semble aujourd’hui tenir davantage du miracle que d’un lieu d’apprentissage. Entre l’absence de latrines, de personnel enseignant et de conditions dignes, ce lieu défie toutes les normes imaginables, rapporte Laguinee.info à travers son envoyé spécial.
En visitant l’école franco-arabe de Dibia, le premier choc n’est pas la chaleur accablante ou l’odeur des machines à arachides broyées à côté. Non, ce qui frappe, c’est l’état des lieux : des murs décrépis, des classes sans plafond et des araignées qui semblent être les seules élèves régulières. Selon Mariama Diouwé Diallo, directrice de l’établissement :
« Une école sans toilettes, ce n’est pas une école. Les enfants vont chez les voisins pour se satisfaire, et je reçois des plaintes tous les jours. Une fois, un voisin est venu me dire qu’un élève avait déféqué devant sa terrasse. Que répondre à cela ? »
L’école ou une fabrique de bruit ?
Autre fait accablant déplorable : les cours se déroulent en plein concert industriel. Les trois salles de classe partagent un mur avec des machines à broyer fonio et arachides. Résultat ? Les élèves doivent rivaliser avec le ronflement des moteurs pour entendre les leçons. Madame Diallo résume avec amertume : « Quand ils allument les moteurs, c’est terminé. Impossible de s’entendre. C’est comme si on enseignait dans un marché. »
Entre le vacarme et l’environnement délabré, on se demande si les élèves apprennent vraiment l’alphabet ou plutôt l’art de survivre dans le chaos.
Un drapeau, enfin… mais à quel prix ?
Même la question du drapeau national, symbole de toute institution éducative respectable, est un roman à elle seule. Madame Diallo a dû, de ses propres moyens, se procurer un drapeau en 2015. Avant cela ? Rien. Absolument rien. « Une école sans drapeau, c’est une honte. Mais même avec ça, personne ne s’en soucie», déclare-t-elle sans détour.
Enseignants ? Quels enseignants ?
Et pour compléter ce tableau pathétique, l’école manque cruellement d’enseignants. Si l’arabe est « presque » couvert, le français, lui, est laissé pour compte. Avec un seul enseignant pour six groupes pédagogiques, c’est la directrice elle-même qui jongle entre plusieurs niveaux: « Comment m’occuper de quatre niveaux à la fois ? J’ai écrit, j’ai parlé, mais rien. Les autorités restent muettes. »
Une question brûlante demeure : comment, en 2024, peut-on encore confier l’éducation d’une centaine d’enfants à une seule personne, dans des conditions aussi déplorables ?
Un appel pressant
Malgré tout, Madame Diallo ne baisse pas les bras. Avec le soutien de la Ligue Islamique, un terrain a été attribué pour relocaliser l’école. Mais les fonds pour bâtir une nouvelle structure se font toujours attendre.
« J’appelle tous les musulmans à nous venir en aide. Nous avons besoin d’un bâtiment digne de ce nom pour que nos enfants étudient dans de bonnes conditions. »
Une honte collective
L’école franco-arabe de Dibia n’est pas seulement une école. Elle est le miroir d’un système éducatif qui tourne en dérision les idéaux de progrès et d’égalité. Alors que d’anciens élèves devenus cadres s’enorgueillissent de leurs origines, leur silence face à cette déchéance est assourdissant. Madame Diallo le dit sans détour : « Beaucoup disent qu’ils ont étudié ici. Mais regardez où nous en sommes. C’est une honte. »
L’heure n’est plus aux lamentations. Si l’éducation est vraiment une priorité, il est temps que les mots se transforment en actions. Parce qu’à ce rythme, ce n’est pas seulement une école qui meurt, mais l’avenir de toute une génération.
De retour de Boké, Ibrahima Alhassane Camara, pour Laguinee.info