Le président Félix Tshisekedi veut une nouvelle Constitution, jugée « dépassée ». L’opposition, elle, voit dans ce projet une manœuvre politique pour s’éterniser au pouvoir. Les prochains mois s’annoncent décisifs.
Une réforme nécessaire ou une ambition personnelle ?
Félix Tshisekedi a annoncé son intention de créer une commission nationale pour rédiger une nouvelle Constitution. Officiellement, l’objectif est de moderniser un texte « dépassé ». Officieusement, selon l’opposition, c’est une tentative à peine voilée de rester au pouvoir au-delà de la limite des deux mandats prévue par la loi actuelle.
« Cette Constitution avait pour but de prévenir les dérives autoritaires et de garantir des transitions démocratiques du pouvoir », rappelle Shadary Ramazani, porte-parole de Joseph Kabila. Une pique à peine déguisée à un président qui semble décidé à tailler le texte fondateur à sa mesure, quitte à sacrifier son rôle initial de garde-fou.
Un président en quête de légitimité
Depuis son arrivée au pouvoir en 2018, Félix Tshisekedi peine à asseoir son autorité. Son premier mandat a été marqué par des résultats contestés et une gestion critiquée, notamment sur le conflit armé qui gangrène l’est du pays. Pourtant réélu en 2023, les doutes sur la transparence de cette victoire continuent de planer.
Aujourd’hui, il attaque la Constitution sur plusieurs fronts : processus décisionnel lent, tensions entre gouverneurs et assemblées provinciales, et inadaptation aux « réalités actuelles ». Mais l’argument qui attire le plus l’attention reste celui des mandats. « C’est au peuple de décider, et non au président », clame Tshisekedi. Une déclaration qui pourrait se lire comme un appel à un référendum… mais qui, pour ses détracteurs, sent surtout la tentative déguisée de prolonger son séjour au sommet de l’État.
Une opposition déterminée à résister
L’opposition, unie pour une fois, ne cache pas ses craintes. Martin Fayulu, Moise Katumbi et Joseph Kabila dénoncent une tentative d’enterrer les acquis démocratiques du pays. « Nous ne pouvons pas accepter que cette commission soit utilisée comme un prétexte pour prolonger le mandat du président », souligne un proche de Fayulu.
En réponse, les partis d’opposition appellent à des manifestations nationales. La rue pourrait devenir le théâtre d’une nouvelle confrontation entre un pouvoir qui joue la carte des réformes et une opposition qui crie à la dérive autoritaire.
Une manœuvre risquée
Félix Tshisekedi marche sur un terrain miné. Si le projet de réforme est perçu comme une attaque contre les institutions démocratiques, il risque de perdre le peu de crédit qu’il lui reste, autant au niveau national qu’international.
Les experts rappellent que, même s’il a le pouvoir de proposer une modification constitutionnelle, celle-ci devra passer par le Parlement (avec 60 % d’approbation) ou un référendum. Mais dans un pays où les tensions politiques sont aussi vives, rien n’assure que ces étapes se dérouleront sans heurts.
En tentant de « moderniser » la Constitution, Tshisekedi pourrait bien déclencher une crise politique majeure. Une chose est sûre : entre ambition réformatrice et soupçon de calcul personnel, le président s’engage dans une bataille où il n’aura pas droit à l’erreur.