Avec 91,8 % des suffrages exprimés en faveur de la nouvelle Constitution, le Gabon tourne une page historique, mais les critiques sur le processus et les intentions du régime militaire restent vives. Ce référendum, orchestré par le général Brice Oligui Nguema, marque un jalon dans la transition entamée après le coup d’État du 30 août 2023. Mais derrière l’enthousiasme officiel, les doutes persistent.
Une victoire sans surprise, mais une faible participation
Le taux de participation de 53,54 %, bien en dessous des prévisions initiales de 71 %, nuance la légitimité d’un texte censé représenter un « tournant majeur ». Plus de 868 000 Gabonais étaient appelés aux urnes pour trancher entre le vert (oui) et le rouge (non). Si les résultats définitifs doivent encore être validés par la Cour constitutionnelle, le régime savoure déjà sa victoire.
Pourtant, certains se demandent si cette large approbation est réellement le fruit d’un engouement populaire ou plutôt le reflet d’une campagne verrouillée par une propagande omniprésente.
Une Constitution sur mesure ?
Avec 173 articles, le texte redéfinit les fondations politiques du pays : mandat présidentiel de sept ans renouvelable une seule fois, absence de Premier ministre, et une limitation claire des mandats pour éviter la transmission dynastique du pouvoir. Des dispositions intangibles, comme le mariage réservé à deux individus de sexes opposés ou l’instauration d’un service militaire obligatoire pour tous, viennent compléter ce cadre institutionnel rigide.
Mais ce n’est pas tout. L’article 170 offre une amnistie totale aux acteurs du coup d’État et des événements qui ont suivi. « La Fête de la libération », gravée dans la nouvelle Loi fondamentale, semble davantage célébrer la prise de pouvoir de la junte que l’avenir démocratique du pays.
Une élection présidentielle sous tension
La prochaine étape de cette transition sera l’élection présidentielle prévue en août 2025. Le général Oligui, qui a promis de rendre le pouvoir aux civils, ne cache pourtant pas ses ambitions politiques. À Libreville, il promet un « essor vers la félicité » pour un pays aux immenses ressources pétrolières mais lourdement endetté.
Cependant, cette promesse contraste avec les critiques des opposants qui dénoncent une Constitution consolidant un régime autoritaire. Certains y voient une stratégie savamment orchestrée pour pérenniser le pouvoir de l’actuel homme fort du Gabon sous un vernis institutionnel.
Une transition sous surveillance
Malgré l’apparente sérénité du scrutin, des zones d’ombre subsistent. Les observateurs internationaux, pour la première fois invités à surveiller l’élection, n’ont pas eu accès au dépouillement dans certains bureaux de vote. Une pratique qui, selon le Réseau d’observateurs citoyens (ROC), soulève des questions sur la transparence réelle du processus.
Dans ce climat, le couvre-feu instauré depuis le coup d’État reste en vigueur, symbolisant une transition encore sous contrôle militaire.
Une fête ou un écran de fumée ?
Alors que le régime célèbre cette nouvelle Constitution comme un moment historique, les critiques ne manquent pas de rappeler qu’un plébiscite dans un contexte de contrôle militaire n’est pas forcément synonyme d’adhésion populaire. Pour l’opposition, il s’agit moins d’une libération que d’une réorganisation autoritaire.
L’histoire retiendra peut-être ce référendum comme une étape importante, mais elle jugera aussi si le général Oligui a tenu sa promesse de bâtir un Gabon véritablement « pour tous ». Pour l’instant, la méfiance demeure, et l’avenir du pays reste suspendu à une transition dont les intentions réelles divisent profondément.