Salifou Camara, bijoutier de longue date à Conakry, observe, impuissant, le désintérêt croissant des jeunes pour son métier. Pourtant, entre les coups de marteau et les reflets d’argent, il nous dévoile une vie faite de passion et de persévérance, dans l’espoir de transmettre cet héritage avant qu’il ne disparaisse.
Le battement discret des métaux
Au fond d’un petit atelier à Kountia nord, le son des marteaux résonne, martelant l’argent et le fer inoxydable avec précision. Ici, loin des paillettes et du clinquant, Salifou Camara façonne des bijoux, un à un, avec un savoir-faire qu’il a acquis il y a plus de quinze ans. « C’est un ami d’enfance qui m’a introduit dans le métier », confie-t-il, les yeux fixés sur le bracelet en cours de fabrication. Pour lui, chaque bijou est bien plus qu’un simple objet ; c’est le fruit de sa passion, forgée dans le feu de la patience et de l’amour du travail bien fait.
Les obstacles d’un métier à l’ancienne
Pour Salifou, les défis ne se limitent pas à la difficulté de la tâche. Aujourd’hui, se procurer les métaux précieux représente une bataille de chaque instant. « À l’heure actuelle, je peux dire qu’il y a plus de cinq types de fers que j’utilise : les pièces CFA, l’argent blanc, les fers d’inox », explique-t-il. Dans sa voix, on sent un brin de nostalgie pour une époque où les matériaux étaient accessibles. « Avant, ce qu’on achetait à 15 mille, on doit maintenant le payer 100 mille, voire 150 mille. »
À chaque commande, Salifou doit jongler entre coût et créativité. Les temps ont changé, et le bijoutier s’est adapté. « Maintenant, je travaille par commande, s’il n’y a pas de commande, je ne travaille pas », confie-t-il. Mais la satisfaction est là, dans ce sentiment de devoir accompli lorsqu’il finit une pièce : « Parfois, avec 500 mille investis, je peux gagner 800 mille, parfois plus. »
Une vie façonnée par la bijouterie
Ce métier, Salifou ne le voit pas comme une simple occupation, mais comme la colonne vertébrale de son existence. C’est grâce à la bijouterie qu’il est devenu père de famille, a acheté un terrain, et même aidé son petit frère à partir en France. « Mes sœurs sont à l’université, et c’est grâce à ce métier que j’ai pu les soutenir jusqu’ici », dit-il avec fierté. La bijouterie, c’est sa vie, celle qu’il défend avec passion et abnégation, malgré les vents contraires.
«Les jeunes ne manifestent pas de passion pour ce métier »
Dans son atelier, Salifou n’est pas seul. Autour de lui, quelques jeunes sont là, mais distraits, les yeux rivés sur leurs téléphones, absorbés par des discussions qui n’ont rien à voir avec la bijouterie. Cette scène le peine, lui qui aimerait tant que son savoir-faire inspire la relève. « Les jeunes ne manifestent pas de passion pour ce métier », déplore-t-il. Avec un regard plein de sincérité, il lance un appel à ces nouvelles générations : « Il y a beaucoup de méthodes pour pratiquer cette activité. J’invite tous les jeunes à faire quelque chose. La bijouterie m’a beaucoup aidé, j’invite tout le monde à s’y intéresser. »
Dans son petit atelier de Kountia, Salifou Camara continue de travailler avec la même ardeur, espérant qu’un jour, un jeune passe le seuil de son atelier, non pas par curiosité passagère, mais avec l’envie d’apprendre. Parce qu’au-delà des métaux précieux, ce sont les mains et le cœur des artisans comme lui qui donnent de la valeur aux bijoux, façonnant bien plus que des objets, mais des fragments d’histoires et de vies.