Depuis l’arrivée au pouvoir du Colonel Mamadi Doumbouya, aujourd’hui promu Général de corps d’armée, les manifestations de soutien au Comité national du Rassemblement pour le Développement (CNRD) avaient été formellement interdites. Pourtant, malgré ces interdictions, des mouvements et associations de soutien fleurissent à nouveau, avec une intensité sans précédent. Ces regroupements, jadis proscrits, semblent avoir trouvé une nouvelle dynamique.
Un retour inattendu
Le phénomène n’est pas nouveau. Durant les dernières années de la présidence d’Alpha Condé, ces mêmes mouvements s’étaient multipliés, offrant un soutien aveugle à un projet de modification constitutionnelle largement critiqué. À l’époque, les slogans résonnaient avec force : « Il est le seul capable de mener le pays au développement » ou encore « Il faut lui laisser le temps d’achever les chantiers en cours ». Pourtant, ces discours ont rapidement changé de camp, et aujourd’hui, ils sont scandés pour un autre pouvoir.
Me Mohamed Traoré, ancien Bâtonnier du Barreau de Guinée et membre actuel du Conseil National de la Transition (CNT), a réagi à cette situation, qu’il qualifie de répétition d’un scénario déjà bien connu. Sur son compte Facebook, il n’a pas mâché ses mots :
« En se rappelant tous les mouvements de soutien en faveur du Président Alpha Condé lors du projet de changement de constitution en 2020, qui pouvait imaginer vraiment que ses prétendus soutiens de l’époque allaient devenir aujourd’hui les soutiens de ses tombeurs ? ».
Des soutiens intéressés
L’analyse de Me Mohamed Traoré ne s’arrête pas là. Pour lui, les dirigeants, qu’ils soient d’hier ou d’aujourd’hui, se trompent lourdement en se fiant à ces soutiens de façade. « Pour [Alpha Condé], tous ces mouvements de soutien qui brillaient étaient de l’or alors qu’il n’en était rien. » Il souligne le caractère purement opportuniste de ces soutiens, dont la loyauté n’a jamais été envers un homme, mais plutôt envers le pouvoir en place.
Ce phénomène n’est pas une surprise pour ceux qui connaissent les rouages de la politique guinéenne. Les mouvements de soutien ont toujours servi un objectif : renforcer le pouvoir en place, quel qu’il soit, et en retirer des avantages personnels. Pour Me Traoré, cela n’a jamais été autre chose qu’« un véritable business ». Ceux qui portaient hier des pancartes à la gloire d’Alpha Condé brandissent aujourd’hui celles du CNRD.
Des slogans inchangés
Il ne manque pas de pointer du doigt la répétition constante des mêmes slogans. Selon lui, ces mouvements n’ont même pas la décence de renouveler leur discours. Les mêmes expressions sont utilisées pour glorifier chaque régime successif : « Il faut laisser le Président poursuivre et achever les grands chantiers qu’il a ouverts. » Me Traoré est formel : « Ils ont toujours le même logiciel. »
Une réflexion pour le futur
Ce phénomène soulève une question plus large sur la nature de la relation entre pouvoir et soutien populaire en Guinée. Les élites politiques, trop souvent dupées par ces soutiens, devraient tirer des leçons de cette mascarade. Comme l’explique Me Traoré, « aucun dirigeant prudent ne devrait se fier aux mouvements de soutien qui pullulent dans le pays toutes les fois que l’occasion se présente. »
La floraison des soutiens au CNRD n’est donc que la répétition d’un cycle déjà vu. Alors que la Guinée traverse cette nouvelle ère politique, les leçons du passé semblent ignorées. Mais à quel prix ?
Boundèbengouno, pour Laguinee.info