Le 5 septembre 2021, le Colonel Mamadi Doumbouya, à la tête de la transition guinéenne, annonçait en grandes pompes la fin de la personnalisation de la vie politique et la politisation à outrance de l’administration publique en ces termes : «La personnalisation de la vie politique est terminée. La politisation à outrance de l’administration publique…Nous n’allons pas reprendre les erreurs du passé, nous allons nous concentrer sur le développement.» Ces mots, chargés d’espoir, promettaient une rupture avec un passé lourd d’erreurs. Pourtant, à peine trois ans plus tard, nous assistons à un spectacle pitoyable, celui d’une campagne effrénée de promotion de l’image d’un homme : le Général Doumbouya lui-même.
La distribution d’effigies du président de la transition par le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation n’est rien d’autre qu’un coup de poignard dans le dos de ces promesses de renouveau. Au lieu de concentrer nos efforts sur le développement du pays, sur la réconciliation des Guinéens et la mise en place d’institutions solides, nous voilà entraînés dans un culte de la personnalité qui rappelle tristement les dérives des régimes précédents.
Cette stratégie ne fait que masquer les véritables enjeux auxquels notre nation est confrontée. Les problèmes économiques, sociaux et politiques qui minent notre quotidien sont relégués au second plan, tandis que l’on nous impose cette glorification ostentatoire d’un homme. En fin de compte, qu’est-ce que cette manœuvre, sinon un aveu de faiblesse face à un avenir incertain, une tentative désespérée d’asseoir une légitimité contestée par le simple recours à l’image et à la propagande ?
En réalité, cette distribution d’effigies traduit une profonde insécurité politique. Plutôt que de bâtir des ponts entre les différentes composantes de notre société, on choisit la voie facile de l’adoration personnelle. Cela évite de s’attaquer aux questions épineuses qui demandent courage et vision. En nous présentant des portraits géants à chaque coin de rue, on nous détourne habilement des véritables défis qui nécessitent une attention urgente.
La volonté d’ériger un culte de la personnalité n’est pas nouvelle dans notre histoire. Elle est le reflet d’un passé lourd de souvenirs de régimes autoritaires où l’individu prenait le pas sur le collectif, où le succès d’un dirigeant était mesuré non pas à l’aune de ses actions pour le peuple, mais à la taille de son image sur les murs des villes. Ironiquement, alors que l’on nous promettait un souffle nouveau, nous voilà piégés dans une spirale qui rappelle ces temps sombres.
Ce culte de la personnalité ne fait qu’aggraver les fractures au sein de notre société. Les clivages se creusent davantage lorsque la figure d’un homme devient l’emblème de notre nation, reléguant au second plan les voix et les préoccupations de milliers de Guinéens qui aspirent à un vrai changement. Cette approche unilatérale empêche la construction d’un dialogue inclusif et d’un projet collectif capable de redresser notre pays.
La transition devait être une période de redressement, un moment où la politique se mettrait au service du peuple et non d’un homme. Or, ce que nous observons, c’est l’ombre d’un leader qui semble plus soucieux de sa propre image que des véritables enjeux auxquels notre pays fait face. Les promesses de renouveau se dissipent dans une atmosphère de glorification personnelle qui ne laisse entrevoir qu’un avenir incertain.
La distribution de ces effigies, loin d’être un acte innocent, apparaît comme une tentative désespérée de bâtir un socle de soutien populaire à une candidature qui pourrait, contre toute attente, s’annoncer à l’horizon. Cette manœuvre, plutôt qu’un véritable engagement envers le bien-être de la nation, ressemble à une stratégie cynique visant à légitimer un projet personnel. Nous assistons à la transformation d’un gouvernement de transition en un véritable spectacle de foire où la mise en scène prend le pas sur l’essence même de la gouvernance.
Il est impératif de se demander : que reste-t-il des idéaux de la transition lorsque la priorité semble être de flatter un ego démesuré ? Les véritables défis auxquels nous faisons face — la pauvreté, le chômage, la mauvaise gouvernance — sont relégués au second plan au profit de portraits grandeur nature. Cela soulève des questions légitimes sur la direction que prend notre pays. Est-ce que nous sommes en train de bâtir une démocratie ou simplement de reproduire les schémas des régimes précédents, où la personnalisation du pouvoir était la norme ?
Cette situation ne peut que susciter l’inquiétude. En concentrant les efforts sur l’image d’un homme plutôt que sur des politiques publiques concrètes, nous risquons de perdre de vue notre objectif : un pays où chaque citoyen se sent écouté et représenté. La transition devrait être synonyme d’inclusion, de dialogue et de progrès, mais ce que nous observons actuellement semble indiquer que nous dérivons vers une autocratie masquée sous le vernis d’une transition.
Il est temps de rappeler que la politique ne doit pas être une scène de théâtre où l’on distribue des rôles selon ses caprices. Elle doit, au contraire, être un espace de débat, d’échanges d’idées et de propositions concrètes pour le bien-être de tous. Nous exigeons des dirigeants qu’ils s’engagent dans une démarche inclusive, qu’ils écoutent les préoccupations des citoyens et qu’ils consacrent leurs efforts à bâtir une Guinée moderne, où l’administration publique sert réellement les intérêts des Guinéens, sans favoritisme ni arrière-pensée.
Nous ne pouvons pas nous laisser enfermer dans ce cycle de personnalisation qui nous a tant fait souffrir par le passé. Le Général Doumbouya et son gouvernement doivent comprendre qu’un véritable changement nécessite plus qu’une simple volonté affichée. Il nécessite des actes concrets, une vision claire pour notre avenir commun, et surtout, un respect des principes de la démocratie. Ce n’est qu’en se détachant de cette culture de l’image que nous pourrons réellement espérer un développement durable et inclusif pour notre pays.
Il est grand temps que nos dirigeants comprennent que la Guinée ne doit pas tourner autour de leurs ambitions personnelles. La vraie politique, celle qui doit nous guider, est celle qui remet le citoyen au cœur des préoccupations, loin des images et des effigies. La transition ne doit pas devenir un monument à la gloire d’un homme, mais bien un tremplin vers une démocratie authentique et participative.
La Rédaction de Laguinee.info