La préfecture de Siguiri, une zone aurifère en Haute-Guinée, subit une dégradation alarmante de son environnement. Cette situation est provoquée par l’exploitation anarchique de son sous-sol, menée par certaines entreprises d’orpaillage. Les pratiques illégales, notamment l’utilisation de machines lourdes comme les « poclains », inquiètent profondément les habitants. Le mouvement « N’fa-bara Tèdô-tignè », composé de jeunes de la région, se mobilise pour alerter les autorités et exiger des mesures concrètes pour stopper ces destructions.
Kéoulén Doumbouya, le meneur du mouvement, a tenu à clarifier leurs intentions : « La lutte que nous menons, c’est contre la parcellisation, l’utilisation des poclains clandestinement. Pour ne pas que notre zone soit similaire à Banakoro. Si non, il n’y a rien derrière, je ne veux pas de poste ni autres choses, c’est juste amener nos parents à faire une prise de conscience. Pour ne pas que nos villages s’effondrent un jour, je n’attends rien au retour. »
La colère des habitants est également alimentée par le rôle controversé de Tidiane Koïta, président de l’Union Nationale des Orpailleurs de Guinée (UNOG). Selon Khèoulén Doumbouya, ce dernier aurait utilisé ses fonctions pour mener des activités illégales. « Vous savez, il est à la tête de l’UNOG. Il avait pris plusieurs permis de recherche, nous avons pensé que c’était une bonne initiative. Mais il s’est servi de ce permis de recherche pour faire l’exploitation clandestine partout. Quand il a su que cela créera des problèmes un jour, il a fait une demande au ministère pour accorder une parcellisation aux orpailleurs, pour que l’exploitation clandestine leur soit accordée. »
Les accusations contre Tidiane Koita sont graves et s’étendent à ses tentatives d’obtenir des autorisations pour des exploitations en dehors des normes légales. « Parce que tu ne seras pas autorisé à exploiter si tu n’es pas dans les normes. C’est le chef de l’État qui offre le permis, il ne sera pas accordé si tu travailles dans les rivières ni dans les domaines agricoles. Pour atteindre son objectif, il a porté le manteau de l’UNOG », a dénoncé Kèoulén Doumbouya.
Lors d’une visite récente à Siguiri, le ministre de l’Administration et celui des Mines ont affirmé qu’ils ne donneraient pas de suite favorable à la requête de Tidiane Koita sans s’assurer que les 13 préfectures concernées par l’exploitation minière soient d’accord. « Quand le ministre de l’Administration et son homologue des Mines sont venus ici, dans leur discours, ils ont dit de ne pas donner de suite favorable à la requête faite par Tidiane Koïta, sans s’être assurés que toutes les treize préfectures où se déroule l’exploitation soient favorables à cet avis », a rapporté Doumbouya.
Malgré les difficultés, le mouvement « N’fa-bara Tèdô-tignè » reste déterminé à poursuivre la lutte. Doumbouya a souligné les nombreuses démarches entreprises par les jeunes pour obtenir le soutien des autorités locales et des sages. « Nous avons mené plusieurs démarches, notamment nous avons rencontré les sages du Manding, le patriarche de Siguiri, toutes les structures, à Mandiana, Dinguiraye, ils sont tous unanimes pour stopper le travail. On se souvient de ce qui s’est passé à Banankoro, alors si on voit ce système en train de venir, moi je dis que ça serait méchant de laisser faire. »
Des tentatives de corruption ont également été signalées, mais Kéoulén Doumbouya refuse de céder. « Même aujourd’hui, ils nous ont envoyés des gens pour la négociation, mais en vain. Je leur ai dit non, ce n’est pas une question de négociation. Ce qui est clair, c’est de créer des sociétés industrielles qui ne vont pas causer de problème à la nature, c’est ce que nous souhaitons à tous les Guinéens. Mais tripoter nos terres et aller vous asseoir en Europe, non. Si je prends de l’argent avec vous, pour vous accorder cela, je vais manger seul, mais combien de personnes subiront les conséquences ? », a-t-il insisté.
Le mouvement bénéficie du soutien croissant des habitants de Siguiri, dont plusieurs familles voient en Doumbouya un espoir pour la sauvegarde de leurs terres. Un citoyen du district de Danka a exprimé son désespoir face aux dégâts causés par l’orpaillage illégal. « Ce que je demande à Kéoulen Doumbouya, c’est de faire tout son possible pour prendre à bras-le-corps la défense des paysans de la localité de Siguiri, à commencer par Danka, en passant par Köbala, vers Bouré et Mia. 452 jardins et 78 champs agricoles sont détruits par cette pratique illégale. Siguiri et ses environs sont presque finis maintenant. Aujourd’hui, tu es l’espoir de nous, paysans », a-t-il confié.
Le mouvement « N’fa-bara Tèdô-tignè » parviendra-t-il à freiner la dégradation environnementale dans cette région aurifère ? La bataille semble encore loin d’être terminée, mais les jeunes de Siguiri n’ont pas dit leur dernier mot.
De Kankan, Karifa Kansan Doumbouya, pour Laguinee.info