mercredi, octobre 9, 2024
spot_img
spot_img
spot_img
spot_img

Indépendance ou asservissement : la dictature des effigies à Kankan

À LIRE AUSSI

spot_img

Les tambours du pouvoir résonnent fort à Kankan, étouffant la voix du peuple, muselant toute tentative d’expression libre et critique. Dans une atmosphère déjà lourde de tensions, un message glaçant a retenti, à l’occasion du l’an 66 ans de la Guinée, censé célébrer l’indépendance : « Si nous attrapons une seule personne, elle subira le même sort que l’autre. » Des mots, choisis avec soin, prononcés par le préfet de Kankan, en guise de menace directe à ceux qui oseraient défier l’effigie du président, Mamadi Doumbouya.

Ce carrefour nouvellement aménagé à Banankoroda dans la commune urbaine de Kankan, avec à son centre l’effigie du président, est devenu, non pas un symbole d’unité nationale, mais un outil de répression. Ce que nous célébrons ce jour-là, n’est plus l’indépendance d’une nation, mais l’asservissement de son peuple à la peur, aux menaces, à la répression brutale de toute dissidence.

Le préfet a choisi de mettre en garde, non pas en tant que garant de la paix et de la cohésion sociale, mais en tant que représentant du pouvoir central, comme s’il avait pour mission non de protéger, mais de punir. Pire encore, il n’a pas hésité à évoquer le sort tragique de Dr Mohamed Dioubaté, mort dans des circonstances troubles après avoir été emprisonné pour avoir brûlé une effigie du président. Cet homme, au lieu d’obtenir justice, est devenu un exemple macabre de la répression en marche.

Quelle indépendance fêtons-nous réellement ?

Si l’indépendance est l’occasion de célébrer la liberté, pourquoi menace-t-on ceux qui osent exprimer leur désaccord ? Si les effigies présidentielles sont devenues des symboles sacrés, intouchables, alors qu’en est-il des vies humaines, des libertés fondamentales ?

Le pouvoir en place semble croire que le respect s’impose par la terreur, par des menaces, par l’intimidation. Mais la véritable autorité se gagne par l’écoute, par la justice en guise d’exemples, la mort de Dioubaté dans sa cellule n’est pas une leçon à enseigner, c’est une tragédie à éviter, une honte à réparer. Mais au lieu de cela, on nous dit que le prochain « partira comme l’autre ». Comme si la vie humaine n’avait plus aucune valeur.

Si la destruction d’une statue entraîne la mort d’un homme, quel genre de société sommes-nous en train de construire ? Une société où les symboles sont plus importants que les vies ? Où le désaccord est un crime passible de la pire des peines ?

L’histoire nous enseigne que les régimes de terreur finissent par tomber. Ils tombent sous le poids de leur propre violence, de leur propre injustice. Le peuple de Guinée n’a pas conquis son indépendance pour se retrouver à nouveau sous le joug d’un pouvoir qui ne tolère aucune critique. L’indépendance, c’est aussi la liberté d’expression, la liberté de contester, la liberté de dire que tout n’est pas parfait.

À quoi bon célébrer l’indépendance si nous sommes encore prisonniers de la peur ?

Le préfet de Kankan, avec ses menaces, ne fait que raviver les braises d’une colère populaire. Mais cette colère ne se combat pas par la répression, elle se combat par le dialogue, par la justice, par le respect des droits de chaque citoyen, même de ceux qui brûlent des effigies.

Nous, citoyens de Guinée, refusons de laisser la peur guider nos vies. Nous devons nous lever contre les menaces, contre l’intimidation, et défendre nos droits avec force et détermination. La liberté ne se mendie pas, elle se prend, elle se vit, elle se défend.

Non à la dictature des effigies ! Oui à la dignité humaine !

 

Cheick Boubacar BAH, consultant en communication politique et publique

spot_img
- Advertisement -
spot_img
spot_img

ECHO DE NOS RÉGIONS