jeudi, novembre 21, 2024
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Protester en Guinée, mourir en silence : le préfet de Kankan légitime l’assassinat (Edito)

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En célébrant le 66e anniversaire de l’indépendance de la Guinée, l’inauguration d’une statue à l’effigie du président de la transition, le Général Mamadi Doumbouya, à Kankan, aurait dû être un moment de réflexion et d’unité nationale. Cependant, ce symbole a été terni par les déclarations troublantes du préfet Kandia Mara, dont les menaces explicites à l’encontre des « perturbateurs » rappellent que la liberté d’expression est dangereusement menacée dans notre pays.

Les propos du préfet sont alarmants : il a fait allusion à la mort du Dr Dioubaté, pédiatre à Kankan, qui avait osé brûler une effigie de Doumbouya en signe de protestation. «Je reviens sur ce grand monument qui est là. Je préviens et j’insiste, en tant que préfet et représentant du pouvoir central : les pertirbateurs vont dire : “on va brûler, mettre la craie ou de l’huile dessus la nuit.” Si on attrape quelqu’un dans ça , la manière dont l’autre est parti, il s’en ira comme ça», a-t-il déclaré, faisant froid dans le dos. Dr Dioubaté, après avoir été arrêté pour ce geste symbolique, a été retrouvé mort dans sa cellule, dans des circonstances suspectes. Son crime ? Avoir peut-être exprimé son désaccord politique par une action certes provocatrice, mais non violente. Brûler une effigie n’est pas une atteinte à la vie humaine, mais l’arrestation et la mort d’un citoyen pour un acte de protestation sont une atteinte grave aux droits fondamentaux.

Monsieur le Président, ce n’est pas la Guinée que vous avez promis de servir. Le jour où vous avez pris les rênes du pays, vous avez proclamé vouloir diriger avec justice, respect des droits humains et rétablir l’ordre après des années de dérives. Cependant, aujourd’hui, les agissements de ceux que vous avez nommés trahissent ces engagements. En confiant le pouvoir à des individus comme le préfet Kandia Mara, qui n’hésitent pas à proférer des menaces de représailles fatales, vous donnez l’impression d’approuver, voire de cautionner, une gouvernance fondée sur la terreur. Comment peut-on garantir un avenir serein pour la Guinée si ceux qui sont censés représenter l’État, et donc le peuple, se permettent de faire régner la peur par des déclarations aussi effrayantes ?

Chaque mot prononcé par vos représentants résonne comme un avertissement : toute forme de dissidence est un crime, toute critique est une menace à neutraliser. Le préfet Kandia Mara, par ses propos, a planté une graine de terreur. Il a insinué que brûler une effigie – une forme d’expression certes symbolique mais légale – peut conduire à la mort. Cette déclaration ne laisse aucun doute : il est désormais permis de croire que dans votre Guinée, le prix à payer pour oser élever la voix est la disparition ou pire encore, la mort.

Les libertés individuelles, qui sont le socle de toute société aspirant à la démocratie, semblent aujourd’hui systématiquement piétinées par ceux que vous avez investis du pouvoir de protéger ces mêmes libertés. Quand un préfet menace de mort des citoyens pour avoir exprimé un mécontentement, c’est l’autorité morale de votre administration qui est en cause. En tolérant de tels propos, vous renforcez l’idée que l’État guinéen préfère l’intimidation à la justice, la répression à l’écoute.

Monsieur le Président, il est de votre devoir de mettre fin à cette dérive autoritaire. La Guinée ne doit pas devenir une prison pour ses citoyens, un espace où toute contestation est réduite au silence par la peur de représailles violentes. Le cas tragique du Dr Dioubaté, retrouvé mort après avoir exprimé son désaccord de manière pacifique, en est un exemple alarmant. Sa mort en détention, après avoir été arrêté pour avoir brûlé une effigie, illustre à quel point les libertés fondamentales sont menacées sous votre régime.

Ces violations des droits humains ne sont pas des cas isolés. Elles s’inscrivent dans une longue série d’atteintes systématiques aux libertés fondamentales, qui se manifestent par des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, et des morts mystérieuses. Depuis des années, la société civile guinéenne est témoin de l’impunité qui règne, et des personnalités emblématiques comme Foniké Menguè et Billo Bah en paient le prix ultime. Ces hommes, qui se sont levés pour défendre les droits des citoyens et critiquer les dérives du pouvoir, ont tout simplement disparu. Leurs voix se sont éteintes, non pas par choix, mais sous la pression brutale d’un régime qui ne tolère pas la dissidence.

Leurs disparitions plongent non seulement leurs familles dans l’angoisse, mais aussi toute une nation qui assiste, impuissante, à l’effondrement progressif de la justice. Chaque jour qui passe sans nouvelles d’eux est un jour de trop. Les familles de Foniké Menguè et Billo Bah, comme tant d’autres avant elles, vivent dans l’incertitude la plus totale. Sont-ils encore en vie ? Où sont-ils détenus ? Quel est leur sort ? Cette absence de réponses est un supplice insoutenable.

Mais au-delà des individus concernés, c’est l’ensemble de la population guinéenne qui est affectée. Ces disparitions envoient un message clair à tous ceux qui osent critiquer le régime ou exprimer des opinions divergentes : vous aussi, vous pouvez disparaître sans laisser de trace. Ces pratiques instaurent un climat de terreur où les citoyens vivent dans la peur de voir leurs proches être enlevés, emprisonnés, ou pire encore, tués sans raison ni procès. Jusqu’à quand la Guinée tolérera-t-elle cette barbarie ? Jusqu’à quand le silence servira-t-il de complice à ces exactions ?

Les arrestations arbitraires se multiplient, les disparitions forcées deviennent monnaie courante, et les morts mystérieuses en détention sont trop souvent déguisées en suicides ou en accidents. Les exemples sont nombreux, et chacun d’eux illustre l’effondrement de l’État de droit en Guinée. Les autorités, au lieu de garantir la sécurité et la protection de tous les citoyens, se transforment en bourreaux, instaurant un climat de répression où la contestation est punie par la violence.

Brûler une effigie est un acte symbolique qui, dans toute démocratie digne de ce nom, serait considéré comme une forme d’expression de mécontentement, un geste de contestation pacifique. Ce type de protestation, bien qu’il puisse être perçu comme provocateur, est protégé par la liberté d’expression dans les États de droit. Prenons l’exemple de la France, où un citoyen a giflé le président Emmanuel Macron lors d’une visite officielle. Cet acte, qui constitue une agression physique directe, bien plus grave qu’un simple geste symbolique comme brûler une effigie, a entraîné l’arrestation du coupable. Toutefois, en aucun cas sa vie n’a été mise en danger. Il a été jugé conformément à la loi et a purgé une peine, mais ses droits fondamentaux ont été respectés.

De même, en Grande-Bretagne, il n’est pas rare de voir des manifestants brûler des images ou des mannequins de leaders politiques lors de rassemblements. Ces actes, bien que controversés, sont protégés par la liberté d’expression, et les autorités s’efforcent de maintenir cet équilibre délicat entre la sécurité publique et la protection des droits des citoyens. Les personnes impliquées peuvent faire face à des poursuites légales, mais leurs droits fondamentaux, notamment le droit à la vie et à un procès équitable, sont garantis.

C’est là que réside la différence fondamentale avec ce qui se passe en Guinée aujourd’hui. Ici, brûler une effigie, un acte pacifique par nature, conduit à des représailles mortelles. Le cas du Dr Dioubaté, retrouvé mort après avoir brûlé l’effigie du président Mamadi Doumbouya, en est un exemple tragique. Dans un État de droit, un tel acte aurait pu mener à une sanction légale, mais jamais à une disparition ou à une exécution extrajudiciaire. La violence ne peut être la réponse à la dissidence.

La Guinée ne peut effectivement pas continuer sur cette voie de la répression et de l’intimidation. Monsieur le Président, il est de votre devoir de garantir que justice soit rendue pour le Dr Dioubaté et pour toutes les autres victimes de cette répression brutale. Le rôle d’un État, en particulier dans une période de transition, n’est pas d’écraser la contestation sous le poids de la répression, mais de protéger les droits fondamentaux de chaque citoyen. Les autorités doivent cesser de considérer la contestation politique comme un crime passible de mort. L’État de droit doit prévaloir, non l’État de la peur.

Votre crédibilité, ainsi que l’avenir de notre nation, sont en jeu. Une transition réussie ne repose pas uniquement sur des réformes structurelles, mais aussi sur le respect des libertés individuelles et collectives. La Guinée doit avancer vers un futur où les libertés d’expression et de manifestation sont garanties et respectées. Un pays où l’on peut critiquer pacifiquement sans craindre pour sa vie. Un pays où brûler une effigie, un acte symbolique de désaccord, ne conduit pas à la mort. Un pays où les citoyens ne disparaissent pas après avoir osé élever la voix.

Monsieur le Président, les Guinéens attendent des réponses. Il ne suffit plus de promettre des changements ou de tenir des discours sur la justice. Il est urgent d’agir. Il est urgent que vous preniez des mesures concrètes pour que justice soit faite pour le Dr Dioubaté, pour Foniké Menguè, Billo Bah, et toutes les autres victimes de la répression. Ne laissez pas le silence de vos autorités locales enterrer ces vies, ces voix, et l’espoir d’une Guinée juste et libre. L’Histoire vous jugera non seulement sur vos actes, mais aussi sur votre capacité à garantir les droits fondamentaux et à restaurer la confiance dans les institutions guinéennes.

Rédaction de Laguinee.info 

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