Sous un ciel légèrement clair, au cœur de l’Université Gamal Abdel Nasser de Conakry, une scène singulière attire les rares passants en cette période de vacances. Une jeune femme, sourire en coin, manie habilement une tondeuse, concentrée sur la tête d’un client. Ses cheveux noirs, joliment arrangés et maintenus par un bandeau, ajoutent une touche gracieuse à cette image. Un tissu noir recouvre sa poitrine pour la protéger des mèches coupées qui tombent. Voici Cathérine Dédé Béavogui, une étudiante en Licence 3 en informatique, qui jongle entre sa passion pour la coiffure masculine et ses études.
En temps normal, quand les cours battent leur plein, Cathérine installe son petit coin de coiffure en face du bâtiment où elle suit ses cours d’informatique. C’est là qu’elle coupe les cheveux de ses clients pour subvenir à ses besoins, un art qu’elle exerce avec amour et détermination. « Quand j’ai commencé, c’était par pure nécessité, mais maintenant, c’est devenu une vraie passion », confie-t-elle, le sourire aux lèvres.
Un parcours atypique, une passion héritée
L’histoire de Catherine dans le monde de la coiffure masculine remonte à 2014, une vocation qu’elle n’a pas choisie au départ. Fille d’une réparatrice de téléphones connue à N’Zérékoré, la jeune fille a commencé à s’intéresser à l’électronique, suivant les pas de sa mère. Mais c’est sa mère elle-même qui a eu une autre idée pour son avenir.
« C’est une longue histoire. Tout a débuté par une passion pour l’électronique. J’aimais réparer les téléphones comme ma mère. Mais, un jour, elle a décidé de m’envoyer dans un salon de coupe masculine. Une fois au salon, mon maître m’a directement mise à l’épreuve. Après, il m’a dit que je suis différente des autres. Il m’a dit que ma main n’avait pas tremblé. J’ai aimé le métier puisque c’est ma maman qui me l’a choisi», dit-elle, son regard fixé sur ses clients, et son sourire s’élargit, révélant une fierté indéniable.
Depuis ce jour, Dédé n’a plus quitté le monde de la coiffure. De N’Zérékoré à Conakry, en passant par Siguiri et Kissidougou, elle a affûté son savoir-faire, coiffant des hommes avec une précision qui ne laisse personne indifférent. Pour elle, chaque coupe est une étape de plus dans son rêve de réussir.
Entre passion et obstacles
Aujourd’hui, Cathérine ne coiffe plus seulement par passion. Son art est aussi un moyen de survie dans la capitale guinéenne, où la vie estudiantine n’est pas toujours facile. « Quand je suis venue à l’université, c’était difficile pour moi au début. Mais la passion pour cette activité m’a permis et me permet de ne pas tout le temps demander de l’aide à mes parents. Pour moi, c’est un rêve qui se réalise maintenant », explique-t-elle avec fierté. Elle rêve même de coiffer de grandes personnalités, et commence déjà à se rapprocher de cet objectif.
Cependant, la jeune coiffeuse doit faire face à de nombreux défis. Sans salon de coiffure fixe, elle doit improviser dans l’enceinte de l’université, un endroit qui n’est pas toujours idéal. « J’ai plein de difficultés. J’ai un problème de local. Des gens se moquent de moi, mais je gère. Ce n’est pas du tout facile », confie-t-elle avec résilience.
En plus de ces difficultés matérielles, Dédé doit aussi faire face à des préjugés. Certains hommes refusent de se faire coiffer par une femme, et elle subit parfois des moqueries. « Il y a certains qui se moquent de moi et me minimisent. Certains me disent que je suis une femme et que je ne peux pas les coiffer. Je suis beaucoup marginalisée par certaines femmes. Certaines même me disent que je pique leur mec en les coiffant. Mais, je suis focus sur mon objectif »,ajoute-t-elle, ses mains s’arrêtent un instant, et elle inspire profondément avant de reprendre le travail, déterminée à prouver sa valeur.
Un rêve en construction
Malgré les obstacles, Cathérine garde la tête haute et les pieds sur terre. Elle aspire à bien plus qu’une simple activité de coiffure. Son rêve est d’ouvrir un jour son propre salon de coiffure, un lieu où hommes et femmes pourraient apprendre cet art qui, pour elle, est bien plus qu’un métier. « Quand j’apprenais la coupe masculine, je voulais coiffer des grandes personnalités et aujourd’hui, je commence à le faire », se réjouit-elle.
Etienne Kamano, l’un de ses clients fidèles, ne tarit pas d’éloges sur elle. « Je me sens très bien et beau. Elle coiffe bien, c’est exceptionnel. Je l’ai testée au début, mais j’ai été satisfait », raconte-t-il, sourire aux lèvres, après une coupe.
En attendant de réaliser ses rêves, l’étudiante continue de tracer son chemin, un coup de tondeuse après l’autre, toujours guidée par cette passion transmise par sa mère et nourrie par des années d’efforts. Son histoire n’est pas seulement celle d’une coiffeuse, mais celle d’une jeune femme qui, malgré les moqueries et les difficultés, refuse d’abandonner ses rêves.
Ibrahima Alhassane Camara, Laguinee.info