jeudi, septembre 19, 2024
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Guinée : le CNRD à l’épreuve de ses propres contradictions

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La transition dirigée par le Comité National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD) en Guinée, initiée après le coup d’État de septembre 2021, a de quoi laisser perplexe. Au lieu de suivre le chemin de la stabilité et du progrès promis, elle semble plutôt emprunter un sentier semé d’embûches, laissant le pays dans une situation de confusion et d’incertitude.

Une gouvernance déroutante ! 

Au centre de la transition guinéenne se trouve un gouvernement militaire qui, sous la bannière du Comité National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD), se présente comme le champion de la démocratie et du renouveau. Cependant, ce gouvernement se retrouve souvent à contredire les principes démocratiques qu’il prétend défendre, créant un climat de confusion et de méfiance parmi les citoyens et les observateurs internationaux.

Le CNRD, à la suite du coup d’État de septembre 2021, a pris le pouvoir avec des promesses claires : réformer les institutions politiques, lutter contre la corruption et restaurer un système démocratique fonctionnel. Pourtant, ces engagements se heurtent à une réalité troublante. En lieu et place des réformes annoncées, on observe une concentration du pouvoir entre les mains des militaires, des restrictions croissantes sur les libertés fondamentales et une répression accrue de l’opposition politique. Cette contradiction flagrante entre les discours et les actions du gouvernement soulève des questions légitimes sur la sincérité de ses intentions.

Les réformes promises, censées être le socle de la transition démocratique, avancent à un rythme alarmant. Les processus de révision des lois, de modernisation des institutions et de préparation des élections sont marqués par des retards considérables et des retours en arrière. Ce manque de progression tangible nourrit le scepticisme quant à l’efficacité du gouvernement militaire. La lenteur dans la mise en œuvre des réformes semble plus être un symptôme d’une gestion inefficace que d’une transition complexe.

L’opacité entourant la gestion de la transition est une autre source de préoccupation. Les décisions politiques majeures sont souvent prises en dehors du regard public, sans consultation suffisante des parties prenantes ni transparence dans les processus décisionnels. Cette absence de clarté alimente la suspicion et la méfiance envers le CNRD, qui apparaît de plus en plus comme un acteur qui manque de légitimité démocratique. Les mécanismes de gouvernance sont devenus opaques, et les citoyens se retrouvent déconnectés des décisions qui affectent leur avenir.

Face à cette gouvernance déroutante, l’inquiétude croît parmi la population et les observateurs internationaux. Le contraste entre les objectifs affichés et les actions concrètes du CNRD laisse planer un doute sur l’engagement réel du gouvernement envers la démocratie. Les signes d’une dérive autoritaire potentielle sont de plus en plus visibles, et le pays se trouve dans une situation d’incertitude où les promesses de renouveau semblent de plus en plus éloignées. En somme, la gouvernance du CNRD, loin d’apporter la clarté et la stabilité promise, semble plutôt exacerber les incertitudes et les tensions, laissant la Guinée dans un état de transition perpétuelle, mais non résolue.

Des réformes de façade 

L’un des aspects les plus déroutants de cette transition est la lenteur avec laquelle les réformes sont mises en œuvre. Les promesses de modernisation des institutions, de lutte contre la corruption et de rétablissement des droits humains semblent se dissoudre dans un marécage bureaucratique. Ce qui était censé être un élan vers un renouveau radical se transforme en une série de retards et de promesses non tenues. Les réformes, qui devraient radicalement transformer le paysage politique et économique du pays, stagnent à un rythme alarmant. Cette lenteur exacerbe le sentiment d’impatience et de désillusion parmi les citoyens, qui se retrouvent coincés dans une attente interminable. En conséquence, le scepticisme grandit, et la confiance dans la capacité du gouvernement à engendrer un changement véritable se réduit comme peau de chagrin. La transition, au lieu de propulser le pays vers l’avenir, semble enlisée dans des processus inefficaces qui freinent tout progrès tangible.

Le manque de transparence

La gestion de la transition par le CNRD souffre également d’un manque de transparence alarmant. Les décisions importantes sont souvent prises dans l’opacité, sans consultation significative des parties prenantes ni communication claire avec le public. Ce manque de transparence est particulièrement préoccupant dans un contexte où la confiance du public est cruciale pour la réussite d’une transition démocratique. Lorsque les choix politiques et les orientations stratégiques sont décidés en coulisse, sans explication ni justification, les citoyens se retrouvent dans l’ignorance quant aux motivations et aux objectifs réels du gouvernement militaire. Cette absence de clarté ne fait qu’amplifier les suspicions et les interrogations sur les intentions véritables du CNRD. La méfiance croissante parmi la population en est une conséquence directe, et la légitimité du gouvernement est mise à mal. En somme, cette opacité renforce les doutes sur la sincérité des engagements du CNRD et compromet la crédibilité de sa gouvernance.

Pourtant, face à ces dérives flagrantes, le silence de la communauté internationale, en particulier celui de la France, est assourdissant.

Loin des sanctions drastiques ou des pressions diplomatiques fermes que l’on aurait pu attendre, Paris semble adopter une posture de spectateur distant, presque indifférent. Pourtant, la France, forte de ses liens historiques, politiques et économiques avec la Guinée, aurait le poids nécessaire pour peser sur l’évolution de cette transition. Alors, pourquoi ce silence ? Pourquoi une si faible réactivité face à des abus qui, dans d’autres contextes, auraient déclenché des condamnations fermes et des actions concrètes ?

Une diplomatie de connivence

Les raisons de ce mutisme peuvent être multiples. D’abord, il y a les intérêts économiques sous-jacents. La Guinée, riche en ressources naturelles, en particulier en bauxite, est un partenaire stratégique pour la France et d’autres puissances occidentales. Intervenir trop fermement pourrait compromettre ces intérêts, notamment ceux de grandes entreprises françaises présentes dans le secteur minier.

Ensuite, la France, comme d’autres puissances, pourrait être influencée par un certain pragmatisme géopolitique. La stabilité de la Guinée est primordiale dans une sous-région marquée par des menaces terroristes et des conflits politiques. Pour Paris, il est peut-être plus facile de composer avec un régime autoritaire, mais stable, que de risquer un nouveau bouleversement en soutenant une opposition fragilisée. En outre, Doumbouya bénéficie d’une aura de légitimité auprès de certains Guinéens, fatigués des dérives du régime précédent, ce qui pourrait rendre toute intervention perçue comme de l’ingérence extérieure malvenue.

Une communauté internationale hésitante et complice

La France n’est pas seule dans cette complaisance. La communauté internationale dans son ensemble semble adopter une posture similaire. Les Nations Unies, l’Union européenne, et même la CEDEAO, qui avait pourtant initialement exprimé des réserves et imposé des sanctions symboliques après le coup d’État, ont vite relâché la pression. On pourrait y voir une lassitude générale à l’égard des transitions militaires en Afrique de l’Ouest, ou encore une volonté de privilégier la diplomatie de coulisses plutôt que les prises de positions publiques.

Ce silence devient, de fait, une forme de complicité passive. En choisissant de ne pas agir ou de réagir mollement, la communauté internationale légitime indirectement les dérives du régime. Le général Doumbouya et son gouvernement intérimaire continuent de gouverner sans rendre compte de leurs actes. Les répressions violentes des manifestations sont passées sous silence, et l’opposition, muselée, n’a aucun levier pour exiger des comptes.

Les conséquences pour le peuple guinéen

Pendant ce temps, c’est le peuple guinéen qui paye le prix fort. Les promesses de réformes politiques et institutionnelles faites par le CNRD (Comité National du Rassemblement pour le Développement) se transforment peu à peu en mirages. Les libertés publiques sont de plus en plus restreintes, et la transition, qui devait être une opportunité de renouveau démocratique, devient une parodie de pouvoir avec une militarisation croissante de l’appareil d’État.

La France et la communauté internationale auraient pu faire pression pour un retour à l’ordre constitutionnel plus rapide, pour une véritable inclusion des forces politiques et de la société civile dans le processus. Mais l’inaction et l’indifférence manifestée renforcent l’idée que cette transition peut se prolonger indéfiniment, tant que la stabilité de façade est maintenue.

Le risque d’une impasse

À force de fermer les yeux, la communauté internationale risque de permettre à la Guinée de basculer dans une impasse politique et sociale. Sans véritable feuille de route claire et consensuelle, et sans pression extérieure, le pouvoir en place pourrait continuer à dériver vers une autoritarisation plus marquée. Or, l’histoire récente de la sous-région montre que les transitions mal gérées ne conduisent jamais à une paix durable.

La France, si elle souhaite réellement jouer un rôle dans la stabilisation de la Guinée, devra sortir de son silence et repenser sa stratégie. Loin d’une ingérence brutale, elle pourrait initier des discussions avec les autres acteurs internationaux pour encourager une transition inclusive et respectueuse des droits humains. La Guinée ne peut pas se permettre de voir ses espoirs de démocratie s’évanouir une fois de plus.

Le peuple guinéen a fait preuve d’une grande résilience à travers les décennies de bouleversements politiques. Ce peuple mérite mieux que l’indifférence des puissances étrangères qui, par leur silence, finissent par cautionner l’inacceptable.

À l’état actuel des choses… 

Pour que la transition guinéenne ne soit pas une simple parenthèse mais une véritable opportunité de renouveau, il est impératif que le CNRD réaffirme son engagement envers une gouvernance transparente et efficace. Le peuple guinéen mérite un avenir où les promesses ne sont pas que des mots vides, mais des engagements concrets en faveur du progrès et de la démocratie. Le temps est venu pour le CNRD de démontrer qu’il est prêt à investir dans des réformes authentiques et à restaurer la confiance publique en fournissant des résultats tangibles.

En l’état actuel, la transition du CNRD semble davantage une dérive qu’une avancée, et le pays se retrouve à la croisée des chemins. La lenteur des réformes, la gestion opaque et les dérives autoritaires mettent en péril la stabilité et l’avenir de la Guinée. Sans une direction claire et un retour tangible à la démocratie, la transition risque de rester une période de stagnation et de frustration plutôt qu’une étape vers un véritable progrès. Le CNRD doit saisir cette opportunité pour prouver qu’il peut conduire le pays vers une gouvernance démocratique durable et un développement véritable.

La Rédaction de Laguinee.info 

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