Transition CNRD : 150 milliards de francs guinéens décaissés pour…
Alors que les Guinéens attendent avec impatience la fin de la transition militaire pour le retour à l’ordre constitutionnel prévu pour le 31 décembre 2024, sur le terrain, aucune activité n’est en train d’être menée dans ce sens. D’ailleurs, cet engagement pris avec la CEDEAO, n’est plus en phase d’être respecté à en croire le Premier ministre chef du gouvernement.
« L’objectif principal pour l’année 2024, c’est l’organisation du référendum constitutionnel à la fin de l’année. Lorsque ceci sera fait, cela veut dire que nous avons un fichier électoral qui permettra de servir pour l’organisation des autres élections, qu’elles soient communales, législatives ou présidentielles. En d’autres termes, nous travaillons d’arrache-pied pour que les directives présidentielles soient respectées pour la fin de l’année à travers l’organisation du référendum constitutionnel. Lorsque ceci sera fait, le reste du programme, c’est-à-dire l’organisation des élections, se fera de manière concertée avec tous les acteurs, selon des délais qui répondront aux obligations réglementaires des codes et de la Constitution », déclarait Bah Oury au mois de juillet au micro de la BBC.
Au-delà de cette inquiétude qui laisse entrevoir une volonté de « confiscation du pouvoir », selon une frange importante de partis politiques et d’organisations de la société civile réunie au sein des Forces Vives, une autre question se pose quant à l’organe devant organiser les élections qui vont mettre fin à la transition.
En décembre 2023, le Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation, avait défendu l’idée de confier l’organisation des élections au ministère de l’administration du territoire et de la décentralisation.
« Nous sommes tous conscients qu’à notre arrivée, l’essentiel de l’équipe de la CENI était composé de cadres du ministère de l’administration du territoire. Donc, les compétences dont les gens (acteurs politiques) parlent, ce sont des cadres de l’administration publique. Les politiques qui étaient là-bas n’apportaient pas grand-chose. On n’a rien demandé. L’organisation des élections par le ministère de l’administration du territoire, c’est pour réduire les coûts du processus électoral », a indiqué Mory Condé.
Or, dans le décret N°0261, portant missions et organisation du Ministère de l’Administration du Territoire, il n’est nullement attribué au MATD la responsabilité de l’organisation des élections.
« Le MATD est chargé entre autres d’appuyer l’élaboration des textes législatifs et réglementaires, relatifs au processus électoral, l’organisation des élections politiques et des référendums, ainsi que l’établissement et la mise à jour du fichier électoral », selon ledit décret.
De leur côté, les partis politiques qui font actuellement partie des Forces Vives et d’autres, militent en faveur de la mise en place d’un organe technique de gestion des élections. Cette position fait partie des premiers engagements du Président de la transition.
Pour preuve, dans la lettre de mission assignée au Premier ministre par le Président de la transition en date du 18 novembre 2021, il est indiqué parmi les « grands objectifs » à atteindre, de : « garantir un processus électoral inclusif, équitable, crédible et apaisé. Cela par la réforme du système électoral et la refonte du fichier ; la mise en place d’un organe technique et indépendant de gestion des élections et l’organisation d’élections libres et transparentes de la base au sommet. »
Par ailleurs, le choix d’un organe technique et indépendant chargé de la gestion des élections, est nettement consacré dans le protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance de la CEDEAO en son article 3 et dans la charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance à l’article 17.
Outre cela, le sous-titre 3 de l’avant-projet de nouvelle constitution qui est actuellement en discussion, consacre aussi la mise en place d’un organe technique indépendant chargé de la gestion des élections.
Cependant, une autre confusion demeure toujours autour de la question. Le Président de la transition par ordonnance N°2021/001/PRG/CNRD/SGG du 18 septembre 2021, a prorogé les lois nationales, conventions, traités et accords internationaux en vigueur à la date du 5 septembre 2021.
Partant de ce fait, la loi organique L2012/2012/016/CNT, portant Création, Organisation, Attributions et Fonctionnement de la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI), la L016, reste et demeure en vigueur.
Malgré, en moins de quatre (4) de la fin de la transition, ni la CENI, ni l’OGE, aucune institution n’est mise en place dans le cadre de l’organisation des élections qui vont mettre fin à la transition militaire du CNRD. Néanmoins, aucune action concrète n’est visible sur le terrain allant dans le sens du retour à l’ordre constitutionnel.
Jusqu’à date, la refonte du fichier électoral pourtant annoncée par le président de la transition, n’est encore à l’ordre du jour. Tout semble adosser au RAVEC dont la mise en œuvre manque toujours de lisibilité, de visibilité et de consensus.
Contrairement à toutes ces réalités, au niveau de la chaîne des dépenses de l’Etat, il a été procédé le 30 août dernier, sur ordre de virement N°2024, à la mise à disposition du Ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD), un montant de cent cinquante milliards de francs guinéens (150 000 000 000 GNF), dans le cadre de l’organisation des élections.
Dans l’ordre de virement, il est indiqué que ce fonds destiné au cabinet du MATD, doit servir à la mise en œuvre des activités menant au retour à l’ordre constitutionnel.
Il revient aux autorités de la transition, d’édifier l’opinion publique sur le mode d’emploi de cet argent ou sur les activités en cours qui ont nécessité ce décaissement.
Mamoudou Babila KEITA