vendredi, septembre 20, 2024
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An 3 du CNRD : une journée de deuil et de regret plutôt que de célébration festive en pompe avec de l’argent public (Edito)

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Nous voici le 5 septembre 2024. Il y a exactement 3 ans que le peuple de Guinée a été réveillé par la nouvelle d’un coup d’Etat militaire contre le régime d’Alpha Condé. Ce jour, plusieurs militaires guinéens de la sécurité présidentielle ont été tués par les éléments du groupement des forces spéciales, avec à leur tête le Colonel Mamadi Doumbouya. Dans une vidéo préenregistrée et diffusée sur les réseaux sociaux, cet ancien caporal de la légion étrangère française proclamait la fin du règne d’Alpha Condé et le début d’une nouvelle ère sous l’hospice du Comité National pour le Rassemblement et le Développement (CNRD). Dans les rues de Conakry, la joie était au comble pour dit-on fêter la fin de « la dictature ». Partout dans les rues, des pas de danses et des chants en l’honneur du nouvel homme fort, étaient sans cesse. Trois ans après, les guinéens vivent toujours dans l’impasse et dans le désespoir.

Le dimanche 5 septembre 2021, reste un jour mémorable dans l’histoire politique de la Guinée. Pour la première fois, un Président au pouvoir se fait renverser par un groupe militaire avec à sa tête le Colonel Mamadi Doumbouya, commandant du groupement des forces spéciales. Il annonce la dissolution du gouvernement ainsi que celle des institutions de la République et de la constitution du pays qui a permis à Alpha Condé de s’offrir un 3ème mandat à la tête de la Guinée dans la plus grande contestation.

Le 5 septembre 2021, pour les putschistes, est un jour de « libération » marquant la fin d’une gouvernance qualifiée de « dictatoriale », en raison du non-respect de l’alternance démocratique, des nombreuses violations des droits humains par la restriction des libertés publiques individuelles et collectives et la répression des opposants au régime.

Le coup d’Etat du 5 septembre 2021, a aussi été qualifié de prise de responsabilité face à la « situation sociopolitique et économique du pays », pour dit-on mettre fin à : « au dysfonctionnement des institutions républicaines, à l’instrumentalisation de la justice, au piétinement des droits des citoyens, à l’irrespect des principes démocratiques, à la politisation à outrance de l’administration publique, la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique… », déclarait le Colonel Mamadi Doumbouya.

Exaltée, une frange importante de la population lui a attribué toutes sortes de qualificatifs légendaires pour magnifier sa « bravoure ». D’aucuns vont jusqu’à lui attribuer le sobriquet de  »lion noir », en lien avec le rêve prémonitoire de l’écrivain Camara Laye dans son roman : DRAMOUSS.

Pour davantage bercer le cœur de ses compatriotes emportés dans l’euphorie, le Colonel Doumbouya, de manière populiste, a immédiatement fait libérer des prisonniers politiques en dehors de toute procédure judiciaire. Il a tenu également à rassurer qu’il n’y aura pas de « chasse aux sorcières » ni de « règlement de compte » et que les « erreurs du passé » ne seront plus qu’un lointain souvenir.

En réalité, les différents discours annonciateurs du renouveau avaient suscité assez d’espoirs au sein de la population. Tout semblait sonné la fin de la « récréation ». Les choses étaient tellement bien maquillées qu’il était difficile d’entrevoir un minimum de laideur.

Le 5 septembre 2021, au-delà des réjouissances, a été aussi une « journée noire » pour de nombreuses familles en raison du caractère sanglant du coup d’Etat. Au cours des combats entre les éléments du groupement des forces spéciales et la sécurité présidentielle, plusieurs soldats ont été froidement abattus et des dizaines d’autres blessés. C’est le seul coup d’Etat des dernières années à avoir fait autant de victimes.

Trois ans après, les guinéens ne sont toujours pas édifiés sur le nombre de soldats tués pendant les événements du coup d’Etat. Au sein de la garde présidentielle d’Alpha Condé, des sources militaires nous parlent de 14 morts. Mais dans les rangs du groupement des forces spéciales, le nombre exact n’est toujours pas connu. De part et d’autre, les familles des victimes ignorent jusque-là le lieu et les conditions dans lesquelles les corps ont été inhumés.

Malheureusement, le CNRD au lieu de penser à essuyer les larmes des familles victimes dont les siens sont tombés dans l’attaque du palais Sekoutoureya, par des cérémonies dignes du nom en leur mémoire, s’évertue dans les événements de célébration festive au rythme des concerts et des tournois de football. La moisson semble tellement juteuse qu’elle a fini par embarquer de nombreux artistes dont la carrière est en berne pour la plupart, et reconnus pour leur virtuosité dans le changement de discours à coût des billets de banque.

Partout à Conakry et dans certaines villes de l’intérieur, des industries de propagandes ont été créées. Les rues de la capitale sont désormais colorées par des images du chef de la transition. Des posters géants sont érigés partout. Conakry pourrait même être appelée « Doumbouya ville » où les photos du président empêchent le sommeil de toutes les victimes de son régime et d’autres citoyens hostiles à la propagande dans l’argent public.

Or, à son avènement au pouvoir, il s’était indigné contre ce qu’il a qualifié à l’époque de « personnalisation du pouvoir ». Mais avec lui, ce cap a été franchi. On a l’impression d’être dorénavant dans un royaume où tout se fait en l’honneur et pour le plaisir du roi.

Ce troisième et dernier anniversaire du CNRD au pouvoir, selon le chronogramme de la transition, qui devrait être une opportunité de présenter le bulletin de santé de leur gouvernance au peuple de Guinée, est malheureusement transformé en fête de Madame de pompadour dans la dilapidation des fonds publics.

Le « lion noir » qui s’est annoncé comme un sauveur de la République, de l’unité des guinéens, de la bonne gouvernance et des principes démocratiques, contre le 3ème mandat d’Alpha Condé, n’aura été qu’une déception avec son cortège de malheurs pour le peuple de Guinée. Aucune des promesses et des engagements n’a été au rendez-vous de sa gouvernance.

Les pratiques dénoncées pour être éradiquées, ont été enracinées et institutionnalisées. La démocratie est plus que jamais bafouée et les droits et libertés complètement enterrés. Les médias qui ont clamé leur indépendance sont fermés et des milliers d’emplois sont sacrifiés. Plus personne n’est libre de critiquer ou dénoncer. La corruption a été érigée en système de gouvernance pendant que la course effrénée à l’enrichissement illicite s’est amplifiée. Le trafic de drogue semble désormais autorisé. La justice est instrumentalisée pour emprisonner des opposants politiques, des citoyens sont arbitrairement arrêtés, certains kidnappés et d’autres tués. Depuis plusieurs mois, l’électricité n’est plus fréquente dans la cité et la pauvreté galopante expose les populations à la précarité.

En vérité, le coup d’Etat du 5 septembre 2021, n’avait pas sa raison d’exister. Chaque jour qui passe sous le règne du CNRD, le guinéen vit de mieux en mal et de mal en pis.

Vivement le retour à l’ordre constitutionnel !

Mamoudou Babila KEITA

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