Dans un état juridiquement immature, la corruption emporte facilement le juge.
Le magistrat est souvent menacé par le pouvoir, par la population et par soi-même.
I – Le Juge face au pouvoir public
La fonction de Magistrat est difficile et délicate à exercer. La justice est un attribut de DIEU. Certes, des magistrats jugent et ils seront jugés.
Aguesseau disait : je cite « les Juges de la terre, vous êtes des Dieux et les enfants du Très Haut. » fin de citation, rapporté par le feu Juge Kéba Mbaye.
Le Juge est un Agent public. Il n’est rien d’autre qu’un homme, un fonctionnaire ; mais il doit se conduire en tout temps et en tout lieu avec réserve et dignité en faisant l’effort de ne pas être ‘’comme tous les fonctionnaires’’. Je dirais même qu’il doit élégamment déployer les moyens professionnels pour se placer hors toutes les influences gouvernementales.
En l’espèce, dans une procédure judiciaire à laquelle le pouvoir public est partie, il doit, sans provocation, opposer aux tentatives correctrices une fermeté inébranlable. Cette habitude est quelquefois difficile, mais elle finit par devenir un trait de caractère, une manière d’être et constituer une sorte de bouclier qui défend le juge contre ceux que la témérité pourrait encore pousser à faire des tentatives pour l’influencer.
Toutefois, il ne faut pas que cela amène le juge à refuser le contact avec les représentants du pouvoir public. En revanche, il faut même profiter de ces contacts avec eux pour les amener à comprendre qu’il n’y a pas de place dans la fonction judiciaire pour l’acceptation de conseils, encore moins d’instructions.
II- Le Juge face à la population
Les procédures judiciaires sont souvent influencées par les médias, la politique, les corporations, les confessions religieuses, par la population en général ou par son entourage en particulier.
Face de telle situation, il faut que le juge ait la même attitude de fermeté pour se sauver définitivement de toute tentative tendant à l’influencer.
Certes, le juge ne vit pas dans un monde clos, mais il doit cloisonner sa fonction de telle sorte que le monde comprenne que personne ne doit y avoir accès. Le Juge n’est pas accessible à tout venant. Il peut informer, renseigner sur des questions à caractère général et même dans une certaine mesure sur une affaire, sans mentionner des détails et sans donner de précisions. Ce passage ne remet nullement, en cause, l’interdiction faite aux magistrats, notamment ceux de la Cour des comptes de Guinée de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence de la juridiction financière du pays. (V. l’art. 19 de la loi organique 046 relative à la Cour des comptes de Guinée. ) Je vais plus loin, les juges qui ont la change d’enseigner le droit dans les Universités, peuvent exposer les affaires complexes sous une autre forme à ses étudiants ou apprenants pour recueillir leurs avis et cela peut bien les inspirer dans leur décision.
III – Le Juge face à lui-même
Dans la conduite d’une procédure judiciaire, l’ennemi sournois et difficile à manœuvrer par le juge, c’est soi-même.
Il faut éduquer son moi, fermer sa conscience à l’appel du profit que l’on ne mérite pas, des honneurs faits pour vous acheter. Il faut se le répéter et le répéter tout haut. Je suis tenté de dire que le juge doit refuser d’être décoré : l’ordre national du mérite, car il ne rend pas un service plutôt il rend la justice.
Que le Juge, au lieu d’avoir la photo du Président de la République (Président du conseil supérieur de la magistrature) dans son bureau qu’il dépose la photo de sa famille ou du moins de ces enfants afin de les regarder pendant la rédaction de chaque dispositif de sa décision (jugement, arrêt…).
Enfin, qu’il se souvienne que dire le contraire de la loi dans une affaire pour faire plaisir à un individu, revient à dire que par sa bouche le peuple dit cela. Il rendra compte à ce peuple devant Dieu qui va le juger en dernier.
Le juge doit toujours se rappeler la mention « au nom du peuple X ».
Conclusion
Définitive, la recette n’existe pas pour se préparer une formule de vie de Juge. Il n’y a que des attitudes et une conduite que la foi et les convictions enseignent et sous-tend une volonté sans faille d’être à tout moment et partout un bon juge exempt de reproches.
En tout cas, il faut dès l’abord se forger une mentalité de Juge. Autrement, il faut avoir la vocation de l’être et de le rester.
Il faut s’abstenir de lorgner vers ceux qui ont réussi à faire fortune et à attirer des envies en embrassant le plus facile des métiers : la politique politicienne…
Djibril MAGASSOUBA
Enseignant à la Faculté des sciences juridiques et politiques et à la Faculté de l’économie et de gestion à l’Université GLC de Sonfonia Conakry.