Un des projets phare du nouveau président Sénégalais Bassirou Diomaye Faye est de faire quitter le Sénégal de la monnaie franc CFA au profit de l’éco, la future monnaie de l’Afrique de l’Ouest. Son abandon pourrait avoir de nombreuses conséquences dans divers domaines au Sénégal, selon les spécialistes.

Ce projet qui consiste à enterrer le franc CFA au Sénégal pour retrouver sa souveraineté monétaire, rompre le lien de dépendance avec l’ancienne puissance coloniale, est un sujet très populaire.

Cette rupture pourrait, selon plusieurs économistes entraîner le pays dans une crise financière inédite. « Une rupture brutale pourrait faire fuir les investisseurs et précipiter le pays dans une crise financière. »

Pape Ibrahima Kane, spécialiste des questions régionales en Afrique affirmait dans une interview qu’il a accordée à RFI, que la sortie du Sénégal de la monnaie franc CFA, pourrait entraîner le départ rapide des militaires français présent sur le sol sénégalais depuis 1958: « Certainement et la fermeture des deux grandes bases qui se trouvent à Dakar, la base maritime qui se trouve au port de Dakar et peut-être ce qu’on appelle les éléments français de Dakar, qui se trouvent à Ouakam. Ça, je pense, d’un point de vue symbolique, ça va montrer que l’État a commencé à agir dans la reprise de la souveraineté sénégalaise sans beaucoup de conséquences, parce que les Français, eux-mêmes, sont en train de réfléchir sur leur présence militaire sur le continent et donc ça peut aller très vite. »

Le 5e président sénégalais, Diomaye Faye ne compte pas aller à la hâte, il souhaiterait d’abord se concerter avec les pays concernés par l’éco, la future monnaie commune de l’Afrique de l’Ouest. Un fait conforme à l’esprit de la réforme du franc CFA entérinée en 2020 par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron.

Les pays membres de la zone franc CFA ont alors prévu d’abandonner le CFA au profit de l’éco en 2027, date butoir fixée.

Ce projet sera avantageux pour des pays les plus puissants économiquement de la sous-région. Le Sénégal pourrait ainsi perdre le siège de la future Banque centrale de la monnaie, l’éco: «… Peut-être que le Sénégal va perdre le siège de la Banque centrale, mais peut-être qu’il va, en contrepartie, obtenir des positions, pourquoi pas gouverneur de cette banque. De toute façon, à partir de l’instant où on mettra en place cet Eco, ce sont les économies les plus puissantes de la région qui vont nécessairement imposer leurs vues et leurs stratégies. Et là, de ce point de vue-là, il y a la Côte d’Ivoire, il y a le Ghana et le Nigeria qui vont jouer les grands rôles», a argumenté Pape Ibrahima Kane.

Chacun des 15 pays membres de la Cédéao intéressé par cette monnaie sait que parvenir à un tel accord exige de gros efforts de convergence économique et budgétaire. Si les conditions ne sont pas réunies au niveau régional, le Coordonnateur du programme économique du Pastef estime que « le Sénégal pourrait considérer l’option de cette monnaie nationale », a indiqué Cheikh Fatma Diop.

L’économiste explique que son pays devra assainir « ses comptes publics en renégociant sa dette, améliorer la balance commerciale aujourd’hui déficitaire et se constituer des réserves d’or pour garantir la future monnaie. » , un processus qui pourrait prendre plusieurs années avant la concrétisation de ce projet.

Après sa libération de prison, Ousmane Sonko dans sa première sortie affirmait devant ses militants et sympathisants que « Nous sommes convaincus qu’il y a des problèmes avec cette monnaie. Il ne colle pas avec nos impératifs de développement« , affirme-t-il ?

Il faut préciser que la politique monétaire de la BCEAO et la gestion du franc CFA souffrent incontestablement d’une inadaptation du rôle et des missions d’une banque centrale et de la monnaie au contexte d’économies en développement, parmi les plus pauvres du monde, faiblement monétisées et bancarisées.

Ibrahima Alhassane Camara, pour Laguinee.info