Dans un climat diplomatique tendu, les autorités nigériennes ont réagi vivement aux remarques de la République fédérale du Nigeria concernant la récente décision des États de l’AES (Alliance des États sahéliens) de se retirer de la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest).
Dans un communiqué émis en début février 2024 par le Ministère des Affaires étrangères du Niger consulté par un journaliste de Laguinee.info, les autorités de Niamey ont directement interpellé le Nigeria, les accusant de jouer un rôle déstabilisateur dans la région. Le Niger a reproché au Nigeria, dirigé par le Président Ahmed Bola Tinubu, d’avoir soutenu des sanctions « iniques, illégales, injustes et inhumaines » contre le Niger au sein de la CEDEAO.
En réponse à ces sanctions, le Nigeria a également imposé des mesures punitives telles que la suspension de l’approvisionnement en électricité ainsi que le blocage des fournitures pharmaceutiques et alimentaires. Le communiqué nigérien, marqué par un ton résolu, dénonce fermement l’ingérence du Nigeria dans les affaires internes du Niger, soulignant que le pays n’a pas à recevoir de leçons de morale de la part de ses voisins. Il appelle également à la préservation des liens historiques et fraternelles entre les deux nations.
Cette réaction fait suite à un communiqué précédent émanant du Nigeria le lundi 29 janvier, dans lequel le pays exprimait son regret face à la décision des États de l’AES de se retirer de la CEDEAO. Le Nigeria avait critiqué les dirigeants militaires au Niger, les qualifiant de « non élus » et les accusant de priver leur peuple du droit souverain de choisir ses propres dirigeants.
Le différend entre le Niger et le Nigeria reflète les profondes divisions au sein de la CEDEAO, exacerbées par des considérations politiques et économiques. Alors que le Nigeria accuse le Niger de non-respect des principes démocratiques, le Niger, de son côté, reproche au Nigeria son ingérence dans ses affaires internes et ses sanctions économiques punitives.
La situation reste tendue et nécessite une attention diplomatique soutenue pour éviter une escalade des tensions et préserver la stabilité dans la sous-région.
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Réponse du Niger
Le dimanche 28 janvier 2024, le Burkina Faso, la République du Mali et la République du Niger rendaient publique, dans un communiqué conjoint, leur décision souveraine de quitter, sans délai, la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), Organisation régionale dont ils sont tous les trois, membres fondateurs.
Le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur exprime sa surprise quant au déni de réalité et du droit international dans lequel semblent s’orienter les autorités du Nigéria en refusant d’admettre pour la République souveraine du Niger, la faculté de se retirer d’une organisation régionale qui, plus est, a été véritablement détournée de ses nobles missions et ne répond plus aux aspirations légitimes du peuple Nigérien et de l’ensemble des peuples de l’Alliance des Etats du Sahel.
Aussi, le Gouvernement de la République du Niger rejette, avec sérénité, les propos impertinents et condescendants contenus dans le communiqué du Ministère des Affaires Etrangères de la République Fédérale du Nigéria en date du 29 janvier 2024. En effet, ces propos ne sont pas de nature à contribuer au dialogue nécessaire entre nos deux pays frères et sont, en réalité, portés par un groupuscule d’individus à la solde de puissances étrangères; ceux-là mêmes qui ont fait échouer tous les efforts pour une solution négociée à la crise consécutive aux événements du 26 juillet 2023 au Niger.
Le Niger rappelle que sa décision souveraine prise de concert avec le Burkina et le Mali, dans la solidarité et l’union, a été mûrement réfléchie. Elle fait suite aux constats suivants :
1. En plus d’une décennie de crise sécuritaire dans le Sahel et de lutte contre le terrorisme, la CEDEAO n’a jamais véritablement manifesté la moindre compassion vis-à-vis des peuples meurtris du Burkina, du Mali et du Niger, encore moins apporté le moindre soutien militaire, matériel ou financier significatif à nos pays.
2. En décidant, de façon irresponsable, de sanctionner illégalement et injustement le Niger et d’entreprendre une intervention militaire contre notre pays, la CEDI:AO est devenue une menace pour tous les peuples du Sahel et ses Etats membres ;
3. Non seulement, l’organisation, sous influence de certaines puissances étrangères, n’est plus véritablement maitresse de sa décision, mais n’a réellement pas de solution sérieuse de sortie de crise pour le Burkina, le Mali et le Niger.
S’agissant, singulièrement de la responsabilité du Nigeria, le Gouvernement du Niger relève, avec un profond regret, que l’histoire retiendra que les sanctions iniques, illégales, injustes et inhumaines contre le Niger ont été prises sous le leadership du Président de la République Fédérale du Nigeria, Président en exercice de la Conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement de la CEDEAO.
Ensuite, aux sanctions irresponsables de la CEDEAO, le Nigéria a, en dépit de nos liens de voisinage et de fraternité, ajouté ses propres sanctions punitives, à savoir : couper la fourniture de l’énergie électrique sans discernement, bloquer l’approvisionnement du Niger en produits pharmaceutiques et alimentaires, etc.
Cette attitude empreinte d’amnésie a également conduit le Nigéria qui héberge sur son territoire tous les fugitifs du régime déchu, à s’engager dans une action de déstabilisation du Niger avec la complicité de certains Etats de la CEDI:AO appuyés par la France (puissance coloniale) qui, hier encore, visait la partition de la République Fédérale du Nigéria, au grand dam de la République sœur du Niger dont le fort engagement lors de la guerre de Biafra a été déterminant dans la sauvegarde de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la République Fédérale du Nigéria.
En tout état de cause, le Niger n’a pas de leçon de morale, encore moins de démocratie, de gouvernance ou de patriotisme à recevoir des autorités actuelles du Nigeria. Aussi, le Niger les invite instamment à la retenue et à se ressaisir pour ne pas mettre en péril nos liens séculaires de fraternité qui méritent amplement d’être préservés dans l’intérêt supérieur de nos deux peuples.
Le Ministère des Affaires Etrangères, de la Coopération et des Nigériens à l’Extérieur réaffirme l’attachement du Gouvernement de la République du Niger au respect des règles du droit international ainsi que sa volonté d’entretenir des relations sincères d’amitié et de coopération avec tous les pays et peuples épris de paix et de justice.
Fait à Niamey le 1° Février 2024