Dans une lettre Ouverte intitulé « Portrait de Néofascisme en République de Guinée » dont copie a été transmise à la rédaction de Laguinee.info, Mamadou Baldé, Ph.D, interpelle le Ministre de la Défense Aboubacar Sidiki Camara (Idy Amine), sur son discours d’Avril 2023 titré “Armée Nation”.
Dans ce discours rappelle-t-il, Idy Amine a déclaré que la Guinée n’est pas “multicolore”, qu’elle comprend “deux composantes, et deux composantes seulement »
À travers cette lettre ouverte, Mamadou Baldé déplore l’analyse faite par le ministre de défense dans le discours « Armée Nation », qui va dans le sens de l’exclusion.
Laguinee.info vous propose ci-dessous la lettre ouverte :
Portrait de Néofascisme en République de Guinée
Lettre Ouverte à Monsieur Aboubacar Sidiki Camara, Ministre de la Défense
Mamadou Baldé, Ph.D, PG Austin, Texas
Première Partie
Ce Document Contient:
o Introduction au Sujet (Monsieur le Ministre)
o Oui, la Guinée n’est pas multicolore, mais elle consiste bel et bien d’une
multitude de “composantes”
o Stratégie Politique, ou Vanité et Exhibitionnisme? o Amalgame de Semi-Vérités et de Mensonges
• Non! La Guinée n’a jamais appartenu à une nation multiséculaire
• Maasaï-Tutsis-Fulfulbhé-Peulhs: un amalgame fantaisiste
• Les Conflits du 18èmesiècle au Fouta Djallon étaient plutôt religieux que
ethniques.
o Des Truismes et Platitudes, pourquoi faire ?
o Je Vous Accuse de Néofascisme, Monsieur le Ministre
Deuxième Partie
o Parlant de Linguistique, Ethnologie et Nationalité o Parlant de Race, Ethnicité et Migrations
• Race et Ethnicité
• Emigration versus Conquêtes
o Parlant de l’Empire du Mali ou Empire Manding o Parlant de Nation
o Parlant de la République de Guinée
Troisième Partie
o Les Précédents
Sékou Touré, Alpha Condé ou
o L’avenir
Références Bibliographiques Notes de l’auteur
Sékou Touré
Monsieur le Ministre,
Première Partie
J’ai écouté votre discours d’Avril 2023 titré “Armée Nation” [1] où entre autres vous déclarez que la Guinée n’est pas “multicolore”, qu’elle comprend “deux composantes, et deux composantes seulement“.
Votre rang de ministre, votre titre de Général et votre réputation d’être une des principales personnalités du régime militaire à la tête de l’état vous autorisent sans doute de dire ce qui vous plairait. Cependant, les pouvoirs et autorités que vous avez, auraient dû aussi, à mon humble avis, vous impartir la responsabilité de bien choisir ce que vous dites, au moins en publique. Vous avez clairement et publiquement choisi d’annoncer – comme un fait – que tous les Guinéens, absolument tous, font partie de la même “composante” à condition de ne pas être Tutsi-Maasaï-Fulfulbhé-Peulh. Vous dites en substance que, indépendamment de la langue maternelle qu’ils parlent, indépendamment de leur passé et leur histoire, indépendamment de la localité où ils vivent, quelque soient le patrimoine et fond d’héritage culturel, les coutumes et traditions ancestrales; quelque soient leur foi et croyances religieuses, quelque soient leur appartenance ethnique, tribales ou claniques, … tous les Guinéens qui ne sont pas des Peulhs sont les mêmes, puisqu’ils appartiennent tous à une de deux composantes de la “nation”: tout le monde d’un côté, les Peulhs de l’autre. Nonobstant le titre affiché, il ressort que l’essence de votre déclaration, l’objet du discours était de distinguer, puis différencier les Guinéens. Mais à quelle fin? c’est la question que nous nous posons ici.
Il est légitime, en fait indispensable de rechercher et de documenter notre passé. Nous sommes après tout un jeune pays aspirant à devenir une nation, un jour. Nous avons besoin de sociologues qualifiés, d’ethnologues et linguistes compétents et afro-centriques pour comprendre notre passé et reconstituer notre histoire, laquelle très souvent nous revient sous forme de bribes ou en lambeaux, n’étant pas nécessairement transcrite par des auteurs neutres ou désintéressés.
Je ne vous connais pas Monsieur le Général pour juger de vos connaissances martiales, vos compétences en génie militaire ou autres expertises que sans doute vous possédez. Je vous assure pourtant que vous n’êtes ni sociologue, ni ethnographe, ni linguiste et encore moins historien pour vous embarquer dans les “analyses” qu’on vous a entendu faire dans “Armée Nation” [1]. Il n’est donc pas clair c’est quoi l’objectif de votre démarche plutôt boiteuse.
L’assertion qu’en Guinée il y a les “Peulhs et les autres” est fallacieuse, mais resterait assez bénigne si elle n’était que le fait d’ignorance ou même de démagogie populiste à des fins électorales. La bipolarité que vous insinuez va pourtant au-delà d’ignorance ou de fins électoralistes; elle promeut la division.
Au lieu de “Armée Nation” [1] au sujet desquelles vous n’aviez franchement rien à dire à part des boniments, un ramassis de parlottes incongrues, je n’ai pas entendu grand-chose au sujet de “Nation” ou “Armée” sinon des phrases inachevées; des définitions escamotées; des idées mélangées et grossiers canulars. Il semble bien qu’il serait plus honnête de votre part de titrer votre discours “Les Peuls Ne Sont Pas Des Vrais Guinéens”.
Dites – donc:
o Quelles sont les références bibliographiques à la base d’une Guinée consistant en
“Deux Composantes”?
o Vous ne croyez tout de même pas que l’immigration attribuée aux Peulhs du Fouta Djallon est unique à ceux-là ? Sinon instruisez-nous des sociétés que vous considérez avoir été éternellement autochtones, dans notre sous-région ou dans le monde.
o D’où vient la théorie d’une “Nation Multiséculaire” dans laquelle la République de Guinée aurait appartenu pendant des siècles ? Pourriez-vous nous informer du nom, de l’étendue géographique et temporelle d’une telle nation ?
o Vous a-t-on nuitamment soufflé à l’oreille que l’ancêtre Djallonké de “Kapi” est le fondateur de l’Afrique de l’Ouest ?
o Au-delà de tout, c’est quoi le besoin d’injecter dans l’histoire des contes et fables, des fabrications et fictions ?
A vous écouter, il semble que votre démarche n’est pas limitée à tramer des fictions et prêcher l’ethnocentrisme. Vous faites aussi l’apologie des régimes criminels qui ont précédé le vôtre. Vous êtes, de toute évidence un avocat du PDG dans ses pratiques infâmes, ses crimes et brutalités traumatiques, et vous n’avez rien à reprocher aux régimes exécrables et corrompus qui l’ont remplacés.
Oui, la Guinée n’est pas multicolore, mais elle consiste bel et bien d’une multitude de “composantes”
Monsieur le Ministre, La Guinée n’est pas multicolore c’est évident, puisque nous sommes tous de la même couleur, la couleur noire. C’est différent de dire que la Guinée est ethniquement homogène – à part les Peulhs – comme vous inférez malicieusement. Ce n’est pas parce que certaines de nos langues sont en danger d’extinction et les populations qui les parlent sont minoritaires et quelquefois minimisées que vous avez le droit de les ignorer comme si elles n’existent pas. La multitude de dialectes Baga, Nalou, Landouma dans Boffa et Boké précédent en Basse Côte le Soussou – aujourd’hui lingua franca – de plusieurs siècles.
Le Tendanké (Tenda), Bassari, Badyaranké, Koniagui dans le Gaoual sont des langues Guinéennes comme les autres. Aucun linguiste – absolument aucun – ne les affilie ou classifie comme Mandé. Mais plus important, Bagas, Landoumas et Nalous, Tendas, Bassari, Badjaranké et Koniagui ne se reconnaissent pas et ne réclament pas de la “composante » où vous voulez les forcer à appartenir. Ils se targuent de leur propre patrimoine, se distinguent clairement d’autres ethnies sinon par les traits physiques mais certainement par la langue,
les coutumes et traditions. Ces Guinéens à part entière ont, dans un passé historique récent ou lointain, constitué leurs propres nations aussi petites en étendue géographique ou aussi simples dans la structure politique. Personne n’a le droit de les fondre arbitrairement dans l’une ou l’autre “des deux composantes” qu’arrogamment, mais aussi cyniquement, vous formulez pour la Guinée.
Pour être plus clair, et pour contrer votre affirmation qui est fausse, aucune de ces minorités n’appartient à la “composante” que vous leur imposez. Elles ne sont pas Mandé, pas dans le sens linguistique, encore moins dans le sens ethnique.
Le cas des Bagas [2] et leurs proches parents et voisins Landouma, Nalou (et Temné en Sierra Leone) n’est pas unique, mais il est représentatif des autres minorités ethniques en Guinée. Le groupe appartient à la branche linguistique Congo-Atlantique habitant les mangroves du Rio Pongo et Rio Nunez. Selon les sources et le contexte on se réfère à eux comme : Baga, Bagga, Baga-Binari, Baga-Koga, Bago,… Ethniquement le groupe comprend les Mandori, Sitemu, Pukur, Bulunits, Kakissa (ou Sobané), Koba, et Kalum [2].
L’art Baga – pour ne parler que de lui, est original et distinct. Le masque Nimba (ou D’mba), symbole de la fertilité de la femme Baga est reconnu être le plus grand masque produit en Afrique de l’Ouest [2]. Le masque Bansonyi etait utilisé dans les cérémonies d’initiation des hommes [2]. Malheureusement ces artéfacts et des centaines d’autres qui avaient à peine survécu à l’influence sinon l’empiétement des cultures Soussous et Peulhs pendant le 18ème et 19ème siècles furent complètement anéantis après l’Independence, durant la campagne de “démystification” forcée du PDG, dans les années 1960. Ce qui des vestiges en reste nous est à peine accessibles étant aujourd’hui confinés dans des collections privées de milliardaires que nous ne connaitrons probablement jamais, ou exposés dans les musées étrangers de pays lointains. Quelle perte, quelle tristesse !
Le même malheureux sort était réservé au riche patrimoine culturel des divers groupes ethniques de la Guinée Forestière. Pendant la dite “démystification” [3], les secrets centenaires de la “Forêt Sacrée” furent dévoilés, le cadre et les accessoires des rituels détruits, les rites et cérémonies interdits [3], [4].
On peut valablement argumenter que c’est rationnel de bannir des traditions avérées être rétrogrades à la lumière de nouvelles connaissances ou expériences. Par exemple si ces traditions sont porteuses d’abus, d’injustice sociale, de préjudice, de risques à la santé publique etc. …. Par contre c’est inapproprié et obscurantiste de s’acharner à détruire et éliminer des icônes, des représentations, des choses inertes c’est à dire des objets d’art qui, s’ils étaient préservés et étudiés pourraient éclairer des facettes voilées du passé des peuples et des nations qui les ont produits. Le sacrifice de cultures centenaires comme celles des Baga, Nalou, Kpellé, Loma, Kissi … à l’autel d’un certain Marxisme montre bien que Mr. Sékou Touré, le prêcheur en chef de cette idéologie ne comprenait pas mot du materialisme dialectique que tantôt il sermonnait à tue-tête.
La tentative d’homogénéiser la Guinée indépendante des années 1960 en dissolvant les petites minorités dans les grands ensembles ethniques et religieux était un désastre culturel
national. Mais l’approche, aussi égarée qu’elle était, avait le mérite d’être honnête. D’autre part, le concept d’une Guinée à “deux composantes” semble n’être qu’une manière d’homogénéiser et consolider une partie du pays contre une autre. La création de deux ensembles (ou peut être deux factions ?) où tous les Guinéens qui ne sont pas des Peulhs sont nécessairement des Mandés est une “Mandéisation” de facto du pays. Aussi subreptice et indirecte qu’elle soit cette proposition est dangereuse pour la Guinée et encore plus dangereuse pour les Mandings au nom desquels on prétend parler. L’assimilation des autres contre leur volonté est une forme de subordination. A travers le monde et les temps le mélange qui en résulte est explosif.
Dans un cadre plus général, la théorie de “deux composantes” est frauduleuse. Il est transparent que c’est pour des raisons d’opportunisme politicien que vous vous évertuez à homogénéiser ethniquement la Guinée, à une exception près, bien sûr. Vous prenez des nuances pour des postulats comme si vous parliez à une audience d’idiots. Vous convertissez sans vergogne des semi-vérités en axiomes ; ultimement vous érigez de pures mensonges en faits établis. La vérité incontournable est que la Guinée est ethniquement diverse et cela est loin d’être un obstacle ; cette diversité devrait servir d’atouts.
o Le Soussou ou Sosso : Il y a une part de vérité dans votre assertion que le Soussou est une langue Mandé. Mais rappelez-vous – ou apprenez si vous ne savez pas – que “Langues Mandés, Langues Bantoides (nord et sud), Langues Atlantiques, Sénégambiennes, Oubanguiennes, Kordofaniennes etc…” sont des terminologies de linguistes, inventées pour le besoin d’étudier et comprendre le branchement des langues actuelles à partir de protolangues originelles qui n’existent plus. Il ne s’agit en aucun cas de classification ou distinction raciale, ethnique ou tribale.
Les Soussous, linguistiquement proches des Djallonkés font donc une ethnie à part entière ; les assimiler aux Maninkas est une manœuvre qui ne tromperait personne, certainement pas les Soussous eux mêmes, qui comprennent votre duplicité, votre hypocrisie et l’opportunisme qu’il ya derrière votre démarche. De toute évidence, ils ont formé durant des siècles une nation à part, sur un territoire qui leur est propre, où ils parlaient leur langue, pratiquaient leurs rites et religions, en poursuivant leurs mœurs, coutumes et traditions.
A croire qu’ils sont de la descendance de Soumaoro Kanté – que certains historiens disputent – leur territoire serait situé aux environs de Mopti dans la partie centrale de l’actuelle République du Mali. Dans tous les cas, leur nation ne daterait pas moins de 800 ans, certainement pas plus tard que le 13ème siècle. Vous le savez-vous même puisque l’empire du Mali – qui sans doute fait l’objet de vos manigances politiciennes – a été constitué seulement après la bataille de Kirina où, dit-on, le roi Sosso fut vaincu par Soundiata Kéita, le roi Mandingue, en 1235.
o Le Kissi : Vous vous trompez complètement au sujet des Kissis. Ils vivent en Guinée, Sierra Léone et Liberia et parlent deux dialectes apparentés mais distincts qui appartiennent à la branche des langues Atlantic-Mel dont le Temné et Baga sont aussi membres [5]. Aucune affiliation avec le Mandé et probablement pas plus proche de celui
là que le Pular, le Wolof ou Yoruba. Si par hasard les Kissis ont eu une connexion quelconque avec “Dankaran Touma en fuite”, vous ne le savez pas, parce que cela n’est pas connu. Sinon dites comment vous le savez.
o Le Kpellé (ou Guerzé) est effectivement classé parmi les langues Mandé [5]. La divergence linguistique, ethnique, culturelle, religieuse … entre Guerzés et Mandinkas ne date cependant pas d’hier. Les différences entre les deux groupes sont suffisamment visibles pour prétendre qu’ils sont cousins germains. Les récents pogroms qu’il y a eu dans la région sont douloureusement frais dans nos mémoires pour prétendre le contraire. Dans tous les cas, votre affirmation laconique et complaisante “ les Guerzés, c’est après la bataille de Kirina” est complètement vide de sens et ne repose sur rien du tout.
o Le Loma ou Loghoma (Toma) est linguistiquement apparenté au Kpellé (ou Guerzé) qui est, comme nous l’avons dit une sous branche des langues Mandé [5]. Votre théorie de la fondation de la nation Toma par un certain “fils aîné” d’un monarque sans nom à des temps inconnus me parait farfelue. Peut-être que vous nous donnerez quelques-unes de vos références. Dans tous les cas, votre extrapolation de la signification en Malinké de “Tom” (pour Toma) comme “Chart, Lois, Règlement” est ridicule puisque ceux que vous appelez Tomas se réfèrent à eux-mêmes comme Loma ou Loghoma [5].
o Les Diakhankés du Fouta et de la région côtière, les Koniankés de Beyla et de la région forestière, les Kourankos de Faranah parlent clairement des langues proto-Mandé très proches du Maninka avec lequel elles sont intelligibles. Leur ascendance Mandé n’est mise en question par personne, excepté qu’eux-mêmes sont suffisamment conscients de leur passer et patrimoine pour s’identifier séparément en Diakhankés, Koniankés et Kourankos.
Les Guinéens ne sont pas dupes. Ils savent que si vous réussissez aujourd’hui à isoler les Peulhs, demain ce sera le tour de quelqu’un d’autre : les Soussous d’abord, puisqu’ils représenteraient le plus sérieux challenge pour vous, à cause de leur grand nombre. Suivront sans ordre prédéterminé les Guerzés ou Kpellés, les Kissis, Loghomas etc … pour finir avec – pas tous les Maninkas, mais seulement les Camara. Attention, pas tous les Camara! seulement les vrais, les pures, la fine aristocratie dont vous vous réclamez ; mais pas « ces esclaves à qui vous colliez le nom » au hazard de leur capture et durant leur captivité qui dans votre tête continue d’endurer.
Personne n’a le droit d’adapter l’histoire à ses désirs et encore moins la façonner pour de minables intérêts économiques ou piètres ambitions politiques.
Stratégie Politique, ou Vanité et Exhibitionnisme?
Monsieur le Ministre, Je vous ai écouté avec curiosité, attentivement, sans anticipation ou préjudice ; ce que j’ai entendu m’étonne et m’attriste. Je comprends que ce ne sont pas tous les Guinéens qui ont eu comme moi le privilège de vous entendre. Certains d’entre nous ne comprennent pas l’expression en langue française. Beaucoup diraient qu’ils ont d’autres chats à fouetter que d’écouter des discours et discoureurs. Je ne blâme ni les uns ni les autres. Le
Français est une langue étrangère ; la très grande majorité d’entre nous ont réellement des chats à fouetter inclus survivre de jour en jour. Survivre du chômage et de la pauvreté extrême, le dénuement économique et l’insécurité physique, l’insalubrité de l’eau et de l’air, la morbidité croissante et les maladies sans soins ; les abus et la raison du plus fort… Hélas, je suppose tant de petites distractions pour se soucier de discours et discoureurs. C’est pourtant important que tous les Guinéens sachent de quoi il est question dans votre déclaration solennelle.
o Était-ce une session de M’as-Tu-Vu de quelqu’un d’important qui vient d’arriver au sommet du pouvoir ?
ou alors,
o La cérémonie de pose de la première pierre de fondation d’une théorie politique
féodaliste et fascisante ?
Ce serait sans goût, insipide mais inoffensif si ce n’est qu’une parade de grands boubous blancs immaculés, super-bazin, superbrodés, excepté que cela rappelle douloureusement le sinistre accoutrement “blanc-tête-à-pieds” de la période la plus noire de notre récent passé. Ça grince un peu à l’oreille et ce n’est pas très convainquant s’il s’agissait d’une démonstration de finesse intellectuelle, mais cela n’engagerait que vous. De grâce ne croyez pas un seul mot des petits crieurs et escrocs qui débitaient des dithyrambes en vrac pour vous flatter; à part le creux dans la substance de votre discours, il y a une myriade d’inexactitudes et trivialités qui n’ont rien à voir avec nos problèmes réels.
D’autre part, si par hasard vous cherchiez à justifier à priori une idéologie rétrograde ethnocentrique en gestation, je vous assure que vous auriez mordu sur un morceau très gros et trop dur pour être mâcher par vous ou n’importe qui d’autre.
Amalgame de Sémi-Verités et de Mensonges
Non, Monsieur le minstre! La Guinée n’a jamais appartenu à une nation multiséculaire
Vous semblez confondre langues parlées, ethnicité et identité nationale. Le manque de contexte temporel pour se situer dans le passé ; le manque de contour géographique des lieux, et de chronologie des événements dans votre déclaration n’aident pas non plus à comprendre votre raisonnement et élucider votre pensée. On ne peut pas dissocier la géographie de l’histoire. Vous parlez comme si la Guinée a appartenu dans le passé à une nation Mandé multimillénaire, aussi vieille et aussi large que le continent Africain lui-même, ou tout au moins sa partie occidentale. Je vous informe que cela est un mythe, une aberration qui ne repose sur rien que l’ignorance et peut être une vanité qui n’aurait pas dû être nécessaire. Il n ya jamais eu de nation qui ait contenue la Guinée, fit-elle éphémère ou multiséculaire.
Les frontières de la Guinée dans son étendue géographique actuelle étaient encore disputées au début du 20ème siècle pour n’être finalisée qu’en 1915. Elles furent enfin tracées sur la base de qui parmi les blancs est venu le premier (primauté sur les lieux), de force militaire, traités et consensus entre puissances d’occupation Portugaise, Anglaise et Française, ne tenant bien
sûr pas compte de géographie, d’histoire ou ethnicité. Expliquez donc comment ce conglomérat de sociétés – devenue soudainement une entité sous le nom de Guinée Française – créée dans le désordre, au hasard des circonstances peut contenir précisément et exactement “une composante, et seulement une composante”, excepté pour les peulhs.
Je vous informe aussi que l’Afrique de l’Ouest n’a pas été “fondée” par quelqu’un, incluant “l’ancêtre Djallonké de Kapi” dont vous parlez. L’Afrique de l’Ouest est un ensemble physique et géographique où des nations et communautés (maintenant des pays) ont cohabité en paix et en conflits ; en alliés et en adversaires. Il n’y a pas eu avant la CEDEAO une entité politique ou économique qui regroupe l’Afrique de l’Ouest, inclue durant les empires coloniaux du 19eme et 20ème siècles.
La langue Djallonké non plus n’est pas la plus vieille d’Afrique de l’Ouest. Elle est dans un sous-groupe et une des variantes d’une langue proto-Mandé qui a coexisté probablement pendant des siècles avec une multitude d’autres langues dont les langues Dogon (Mali), Nalu, Baga (Guinée), Kru, Kwa (Côte d’Ivoire et Ghana) etc….[5]
S’il y avait besoin de flatter les Djallonkés pour les allier à une cause inavouée et plutôt perverse, ce n’est pas en leur disant des contre-vérités facilement vérifiables pour être fausses ; en faisant d’eux les victimes des Peulhs comme si eux n’avaient pas fait de victimes parmi les Peulhs; en versant de fausses larmes pour des afflictions réelles et imaginaires qu’ils ont subi deux ou trois cents ans plus tôt, comme s’il ne s’agissait pas de coups donnés et de coups reçus.
Les Conflits du 18ème siècle au Fouta Djallon étaient plus Religieux que Ethniques
La coexistence pacifique des Djallonkés et premiers immigrants Peulhs du treizième /quatorzième siècles (les Poûlis(1)) dura probablement des siècles. La compatibilité mais aussi la complémentarité des deux groupes facilitaient le voisinage et la cohabitation. D’abord, les larges surfaces de croûtes latéritiques dénuées de sol (Bowal/Bowé) qui serviraient de pâturage aux nouveaux venus n’étaient en rien utiles aux natifs cultivateurs. Ces derniers tiraient l’essentiel de leur subsistance des marais (Dunkiiré/Dunkiidjé) et prairies (Hollaa- ndé/Kollaadhé) plus fertiles et donc plus propices à l’agriculture. Au-delà de la compatibilité, les besoins réciproques et complémentaires des deux groupes ne tardèrent à se manifester: Les échanges de denrées agricoles des uns, contre les produits d’élevage des autres étaient mutuellement bénéfiques. Les relations interdépendantes devinrent presque symbiotiques et assurèrent ainsi l’équilibre et la paix pendant très longtemps, certainement pas moins de 3 siècles.
Les vagues d’émigration du 16ème et 17ème siècles introduisirent dans le Fouta un nombre croissant de Peuls musulmans venus probablement du Macina pour la plupart. Les pratiques religieuses de ces derniers se heurtèrent rapidement aux croyances et spiritualité des populations locales. En fait, Djallonkés et Poûlis étaient tous animistes [6] même s’ils adoraient de différentes déités. Les hostilités ont dû commencer avec des disputes de voisins et petites escarmouches. Elles s’aggravèrent sûrement avec le temps lorsque les musulmans
décidèrent de prier en publique, et envisagèrent la construction de mosquées ou autres lieux de congrégation religieuses.
C’est donc important de noter qu’au départ, le conflit n’était nullement ethnique, il était religieux. Les Poûlis(1)qui sont incontestablement Peulhs entrèrent en coalition avec les Djallonkés [6] pour protéger leurs systèmes de croyance. Les immigrés Djakankés et Sarakollés déjà islamisés ailleurs (Gao, Mali, Sonrai, Tekrour, Bhoundou …?) se rangèrent avec les Peulhs pour supporter l’avènement de leur religion dans le nouveau pays qui est maintenant le leur [6]. Aujourd’hui encore ces minorités ethniques vivent dans des villages et hameaux enfouis dans tous les coins du Fouta, en parfaite harmonie avec les voisins. Durant les 150 ans de l’Imaamate, Djakankés et Sarakollés du Fouta Djallon n’ont jamais été inquiétés en tant que groupe, à ce que je sache. Cela est aussi vrai pour les Malinkés musulmans librement entrés au Fouta à cette époque.
Les Sarakollés vaquent toujours à leurs professions libérales diverses de marchands et artisans. Les Djakankés continuent leur vocation de marabouts et cultivateurs. Beaucoup ont le flair pour le négoce et réussissent bien dans le commerce. Aujourd’hui on les retrouve à tous les échelons de l’administration publique, de la vie politique et intellectuelle du pays.
La Qadria de Touba est la quintessence même de l’identité Djakanké au Fouta. Elle est très distincte de la “Tidjania” qui prévaut chez les Foulbhés, mais les deux ordres religieux n’ont jamais été en conflit, ils coexistent en tandem. La confrérie de Touba fut fondée vers 1815 [7] par Karam Ba, (“le Grand Marabout”, de son vrai nom Alhadji Salimou) du clan Gassama. La présence des ancêtres de Karam Ba dans le Tenda (Gaoual/Koundara) remonterait au 17ème siècle [7] et expliquerait leur alliance avec les Peulhs dans les guerres d’expansion de l’islam dans la région. Karamoko Sankoun – fils et héritier spirituel de Karamoko Koutoubou – le pontife de Touba à l’occupation coloniale – fût déporté par les Français à Port Etienne (Mauritanie) en 1911. Il partagea sa captivité avec l’ami de son père, Alfa Yaya de Labé et fils Aguibou, ainsi que son confrère et ami personnel Thierno Aliou le Waliou de Gomba. Tous furent soumis à l’exil et aux travaux forcés (casser des pierres et faire des terrassements…).
En fomentant le concept de “Mandé Djallon”, Alfa Condé projetait enflammer les relations entre les habitants du Fouta en insistant sur leurs différences et prêchant aux uns qu’ils sont victimes des autres. Dans sa vision étroite, myopique, mais cynique au-delà de tout, il estimait que gagner des élections ou se maintenir au pouvoir est plus important que la fraternité et la cohésion nationale.
Personne ne nie qu’il y a eu dans le passé des injustices, des excès, des abus et même des atrocités. Il y’ avait des victimes dans tous les camps. Il faut donc remettre dans leur contexte les événements politiques et sociaux (géopolitiques dirait-on aujourd’hui) dans la région, entre le 17ème et 19ème siècle. C’est simpliste et historiquement erroné de voir l’émergence d’un état théocratique au Fouta comme le fait d’une guerre ethnique rangée entre Peulhs et Dialonkés.
Selon l’explorateur l’officier Ecossais Gordon Laing (en poste en Sierra Leone, 1820) les alliances Peulhs n’étaient pas limitées à leur coreligionnaires [8]. Ils entraient aussi en pactes
avec des communautés et nations animistes pour défendre des intérêts mutuels ou combattre des ennemis communs. Yina-Yalla (1730) et Yella-Dansa (1750) père et grand-père du redoutable Tahabaïré (ou Tahabayiré), roi du Solima, étaient des amis et alliés des Alamamis. Tahabaïré lui-même, avant d’envahir et mettre à sac plusieurs fois Timbo et Fougoumba (vers la fin des années 1760), avait participé à côté des Peuls à deux batailles dans le Wasulu (1762) l’une à Balia, l’autre sur les rives du Daïmouko [8].
Les batailles de Talansan (vers 1726) et Sira-Gouré (1778) furent déterminantes, d’abord pour l’avènement, puis la survie et la consolidation de l’État Théocratique du Fouta [6]. Ces victoires s’inscrivent pourtant sur une longue liste d’affrontements où les Peulhs essuyèrent aussi des défaites, quelque fois cuisantes. Alfa Saliou (Régent, fils de karamoko Alfa mo Timbo) couronné Troisième Almamy probablement au cours des années 1760 en sait quelque chose. Pieux musulman, il n’était pas le foudre de guerre, le capitaine de génie ou stratège militaire qu’était son oncle et prédécesseur l’Almamy Sori Mawdho [6]. Malheureusement pour le jeune et nouvel Almamy, son manque d’expérience dans l’art de combat n’était pas un secret. Ses adversaires le savaient et en profitèrent. Tahabaïré du Solima (dont il était question plus haut) s’avéra un terrible ennemi. En alliance avec l’indomptable Chef Wasulu, Burama Kondé ils attaquèrent de deux cotés. Parti du nord-est, Burama marcha impitoyablement sur le Koin et Kollaadhe semant l’effroi sur son passage. Avec Tahabaïre ils saccagèrent Fougoumba, centre religieux du Fouta, puis Timbo, la capitale politique. Sur le chemin, il est rapporté qu’ils brûlèrent des villages, décimèrent les troupeaux et vandalisèrent les lieux de culte pour ultimement profaner même la tombe de Karamoko Alfa à Timbo [6]. Ce n’est pas dire que des Peulhs victorieux seraient plus cléments ou moins atroces; c’est simplement observer que la violence était réciproque, les brutalités allaient dans les deux sens.
S’agissant de la servitude dont certains d’entre nous furent objets au Fouta Djallon et ailleurs, c’est la page la plus difficile à lire, la plus triste de notre passé. C’est notre responsabilité à tous de l’assumer. C’est embarrassant et hypocrite de fustiger les Européens pour les crimes commis contre nous durant le Commerce Triangulaire lorsque nous n’admettons pas que nous aussi faisions des esclaves parmi nous. Il faut rappeler que plusieurs états médiévaux Africains dont l’empire du Mali, pratiquaient l’esclavage. Plus récemment et plus près, Samori Touré l’empereur du Ouassoulou, farouche opposant des forces Françaises d’occupation, était pour autant un esclavagiste. Plusieurs de ses victimes étaient vendus au Fouta. L’Almaamate du Fouta Djallon était coupable d’esclavagisme. Il souscrivait à l’asservissement de captifs achetés, aussi bien que l’assujettissement de victimes que lui-même créait au cours de nombreux Djihads qu’il inspirait ou dirigeait. Déjà, la dissidence Houbbou(2) – dont le Waliou de Gomba et Karamoko Ndaama sont les derniers répresentants – avait clairement posé le problème : les Almaamis n’ont pas droit de se servir de l’Islam pour piller et accumuler des richesses (dont des esclaves) seulement pour élargir leur influence personnelle et commettre des fratricides pour le contrôle de l’état. Ces actions sont impies et immorales au vu des Houbbous(2) qui s’en eloignèrent autant qu’ils pouvaient.
Ceux qui capturent et confinent des hommes et des femmes comme une propriété personnelle; ceux qui capturent et revendent; ceux qui achètent et s’en servent sont les uns
et les autres coupables d’esclavagisme, d’avilissement d’êtres humains qui sont aussi nobles que quiconque sur terre.
L’esclavage est une abomination, quelques soient les circonstances et les auteurs – blancs ou noirs. Pour les musulmans que quelques-uns d’entre nous sont, c’est important de savoir la perspective islamique. Des sources diverses et vérifiées rapportent que le Prophète Mohamed (Paix à son âme) détestait l’esclavage, presque autant que l’idolâtrie [9]. Malgré le milieu et les pesanteurs sociologiques de son temps il s’attela sinon à l’abolir, certainement à le stigmatiser. Plusieurs passages du Qur’an énoncent l’égalité des hommes devant Dieu [10] et bénissent l’effort de réaliser sur terre l’idéal d’équité entre les Hommes [11]. Des multiples Hadiths exhortent à la justice et la bonté envers les esclaves, exaltent leur émancipation comme un des plus nobles acte de dévotion à Allah [12].
Il faut en plus, noter que la loi islamique demande que la Zakaat et autres ressources de l’état islamique soient utilisées (entre autres) pour libérer les hommes du joug de l’esclavage [13].
« Maasai-Tutsis-Fulfulbhé-Peulhs » un amalgame fantaisiste
Fusionner Tutsi-Massai-Fulfulbhé-Peulhs en une ethnie n’est que de la divagation. Linguistes et ethnologues ne sont pas allés au-delà de l’hypothèse que les Maasai (ceux parlant la langue Maa) du Kenya, les Tutsis du Rwanda et Burundi et plusieurs autres groupes ethniques vivant en Éthiopie, Soudan du Sud, Congo (RDC), Ouganda, et Tanzanie sont d’ascendance Nilotique, encore que le terme reste toujours vague. Il est estimé que la divergence ethnique et linguistique entre ces groupes date d’au moins 3000 ans [14] mais personne n’a exactement établit les circonstances, la chronologie et voies de leur éparpillement à travers l’Afrique orientale, encore moins vers l’Afrique de l’Ouest où on a spéculé, mais pas démontré que les Peulhs/Fulfulbhé sont des représentants. Les Maasaï ne sont donc pas des Tutsis et les Tutsis ne sont pas des Maasai. La connexion de l’un ou l’autre de ces groupes aux Peulhs et Fulfulbhés est absolument inconnue dans l’état actuel des recherches. Comme vous ne connaissez vraiment pas l’histoire de cette région, il serait sage de ne pas s’aventurer à des élucubrations qui n’ont absolument aucune référence écrites ou orales.
J’ai adressé plus haut avec quelques détails la substance de vos déclarations. Comme j’ai déjà dit, elles sont pleines d’inexactitudes et quelquefois de fabrications. Ce qui me préoccupe cependant ce ne sont pas les erreurs de noms, de lieux et de dates ; ou les creux et bosses dans le style et la syntaxe. Ce qui m’alarme ce sont les intentions qui ont fait que vous avez jugé nécessaire – je présume avec l’aval de vos supérieurs, de dire ce que vous avez dit.
Je suis sûr que vous et moi sommes d’accord que vous n’êtes pas sociologue, linguiste ou historien; vous n’avez pas la qualification et encore moins les compétences de ses professionnels pour apporter une contribution quelconque à l’avancement de ces sciences et de cet art. Vous ne pouvez donc pas éclairer le public sur des sujets que vous ne connaissez pas. Cependant, de la sommité de votre perchoir en tant que ministre, vous pouvez créer la confusion et vous savez très bien que d’aucuns s’en serviraient pour des objectifs délétères, inclus le ressentiment, la rancœur et l’incitation à la haine ethnique. C’est pour ces raisons que je vous accuse de propager des contre-vérités qui peuvent facilement servir de
combustibles aux feux de violences sectaires ; ceci n’est pas une simple spéculation : il y a bel et bien des exemples récents au Fouta et ailleurs qui montrent qu’il y en a qui ont le penchant et l’appétit pour de telles aventures.
Des Truismes et Platitudes, Pourquoi Faire ?
Si vous aviez quelque chose à dire aux Guinéens concernant leur “armée, état, “nation …” vous devriez leur dire la vérité. La vérité accablante qu’ils vivent tous les jours. La vérité suffocante qu’ils connaissent au fond de leurs âmes. La vérité sur l’abandon du petit peuple par l’état. La vérité sur le pouvoir personnalisé et les abus qui en découlent. La vérité sur les persécutions politiques, la kleptocratie, le népotisme et clientélisme. La vérité sur le manque d’eau au château d’eau même de l’Afrique occidentale, le manque de routes et d’électricité dans le pays réputé être un scandale géologique à cause de ses richesses. La vérité au sujet de la faim, la malnutrition, la mortalité infantile et l’accès impossible aux soins médicaux pour les indigents que sont la majorité d’entre nous.
Non, vous perdez le temps à ressasser des truismes qui ne nourrissent ou soignent personne: “c’est quoi un pays ? la patrie, nation, état, armée, droit …?”, comme s’il s’agissait de leçon d’instruction civique à l’ école élémentaire. Nous n’avons que faire de petites définitions, des récits inventés et anecdotes tirés par les cheveux.
● Avez-vous dit: “Neron, jaloux des richesses du Vatican”? Bien!! excepté que la mort du fameux César pré-date de plus de deux siècles la fondation du dit Saint-Siège.
• Avez-vous dit: “Textes des Lords d’Angleterre”? Excusez mon ignorance, je n’ai aucune idée à quoi vous faites allusion. Mais comme vous parliez des premiers « droits de l’homme » établis par un état, je suppose que vous parlez de la fameuse Magna Carta (La Grande Charte) que vous comparez à la charte dite de Kouroukan Fouga. Pour commencer, La Magna Carta qui fut proclamée le 15 Juin 1215 du calendrier Julien [15] n’est pas particulièrement impressionnante pour ses largesses en matière de droits humains. Elle fut après tout une simple concession de la monarchie Anglaise à la classe des « seigneurs » ou grands propriétaires terriens; son impacte sur la vie des serfs et sujets ordinaires était minimale; au-dessus de tout, elle n’a jamais découragé, encore moins empêché l’esclavage du commerce triangulaire dont l’empire Britannique était champion entre le 17ème et 19ème siècles.
Pour revenir á la Charte de Kouroukan Fouga qui est attribuée à Soundiata Kéita, elle ne peut pas être antérieure à la bataille de Kirina et la victoire de Soundiata vers 1235. Comment peut-elle être 400 ans plus vieille que la Charte des Anglais proclamée en 1215?. Les exagérations et les fabrications auxquelles vous vous livrez ne peuvent que nuire et discréditer nos mérites et notre passé.
La vérité que vous n’avez pas précisée, c’est que, comme la Magna Carta des Anglais, la Charte de Kouroukan Fouga – qui est sensée être un acte légal pour les droits de l’homme – n’a pas aboli l’esclavage au Mali, qui persistera jusqu’ à la fin de l’empire. Vous ne pouvez pas le contredire puisque vous même affirmez que “vous colliez aux esclaves votre nom de Camara”.
● A moins qu’il s’agisse de suggérer qu’avoir un général à la tête de l’état est requis pour que notre pays soit grand, l’affirmation que “les grands généraux” créent “les grands pays” n’est pas pertinente. Les exemples en Afrique et ailleurs où les militaires convertis en politiciens ont damné leur pays sont beaucoup plus nombreux que ceux qui y ont apporté le salut. Pour votre information Abraham Lincoln n’a pas fondé les États Unis d’Amérique comme vous affirmez. Il est né 33 ans après la guerre d’indépendance et la déclaration de la République en Juillet 1776. Il n’a non plus jamais été le général dont vous parlez, sa carrière militaire ne consistait pas plus que quelques semaines de service dans la malice de son Illinois natal, lorsqu’il était un jeune homme et pas encore l’homme d’état qu’il est devenu.
● C’était hors-sujet, mais je suis d’accord avec vous de la laideur de l’esclavagisme. L’esclavagisme arabe sur la côte orientale de l’Afrique était particulièrement cruel. C’est imprudent cependant pour l’officiel que vous êtes de donner des chiffres au risque de mentir au chapeau, puisque en toute vérité le nombre énorme des victimes ne sera jamais connu. Vous devriez à mon humble avis vous limiter à ce que vous avez probablement entendu de la bouche de Ms. Badawi, dans le magazine télévisé de la BBC, puisque je suis certain que vous ne connaissez pas mieux.
● La question du jeune homme au sujet de l’invention du canon à Siguiri était bel et bien dans le sujet du jour. Expliquez-lui donc pourquoi cela reste encore un secret que seuls les initiés savent. Votre réponse -je vous paraphrase, “allez donc parler aux aînés, moi je parle aux aînés” n’est pas très instructif. Nous n’avons pas tous, accès aux “aînés”, ou “érudits” dont vous parlez. S’il s’avère que notre inventeur est réel et qu’il était mis à mort par les Français comme vous dites, l’incident ne devrait pas être si anodin. Après tout, ça aurait dû se passer pas plus tôt que la 2ème partie du 19ème siècle; ce qui est suffisamment récent pour avoir échappé aux archives coloniales ou autre documentation historique, écrite ou orale. Publiez en ligne, dans la presse ou ailleurs; criez sur les toits, le nom du sacré ingénieur, racontez sa vie et sa mort si vous avez les preuves matérielles et historiques qu’il a existé; Nous tous, en Guinée, en Afrique et parmi la diaspora en seraient fiers. Gardons-nous cependant d’ébruiter de fabrications fallacieuses qui loin de rehausser notre standing nous rabaissent et discréditent davantage.
Il serait trop fastidieux et pas très utile de revenir sur chacune des locutions qui sonne faux dans votre discours; je ne vais pas m’y attarder davantage. Ce que vous avez dit avec des mots et les multiples points de suspension qui ne cachent pas ce qui est sous-entendu suffisent pour comprendre vos intentions et votre visée.
Je Vous Accuse de Néofascisme
Je ne vous connais Monsieur le ministre qu’à travers le discours dont il est ici question. Pourtant, ce que vous avez dit ressemble étrangement à la suite d’une page écrite par certains de vos prédécesseurs. Comme eux, il semble que vous cherchez à coller l’étiquette d’étrangers aux Peulhs du Fouta Djallon. Si cela était votre intention, je vous promet que
votre vision de l’avenir est opaque. En attendant votre démenti, j’affirme que vous êtes en train de jeter la base d’une théorie féodaliste et rétrograde; de promouvoir et disséminer une propagande réactionnaire et destructive. Se taire dans ces circonstances, c’est mentir. Je vous accuse de fascisme.
Je ne fais pas légèrement ces graves accusations. Elles découlent de vos propres mots, sans même se donner la peine de sous-entendre ou lire entre les lignes. Ce n’est pas parce que vous avez mémorisé un passage d’une lettre de Ché Guevara qu’on dirait que vous partagez les idéaux de ce dernier. Au contraire, vous apparaissez comme un archaïque féodal lorsque vous déclarez fièrement que vous, les Camara, colliez ce patronyme aux nombreux esclaves que vous aviez comme pour dire que vous, le ministre, serait d’un pédigrée aristocratique qui vous distingue du Camara ordinaire qu’on rencontre dans la rue. S’il y avait besoin, cette manière de voir devrait servir de leçon à tout le monde : les diables ne font pas les choses à demi; ce qui est aujourd’hui vrai pour le Peulh le sera demain pour le Soussou, le Kissi, le Loma, Kpelle etc … pour finir par distinguer et stratifier les Malinkés en vrais et faux, en nobles et esclaves. Je suppose que vous mettrez alors au sommet de la pyramide les pures Camara comme vous-même, mais qui sait lequel des autres noms de famille Mandingues se retrouverait dans le sous-sol ?
En ce qui me concerne, votre masque est tombé lorsque vous amalgamez Tutsi-Massai- Fulfulde-Peulh avant d’ajouter que les Tutsis – donc les Peulhs – ont bénéficié de l’hospitalité Africaine des Bantous (que sont les Houtous), comme si eux, les Tutsis, sont venus d’un autre continent seulement pour abuser la générosité de leurs “hôtes Africains”. La similarité que vous énoncez – avec nonchalance entre deux bouffées d’air, “Tutsis versus Houtous” et “Peulhs versus Djallonkés” donne la chair de poule quand on se rappelle des bestialités perpétrées au Rwanda en 1994. Ajouter à cela, votre fougue et vos instincts déchaînés d’imaginer une nation Mandé millénaire, (“multiséculaire” selon votre mot) qui couvrirait toute l’Afrique de l’ouest et regrouperait tout le monde – à part les Peulhs, ne sont pas de nature à rassurer. Cela bien sûr n’est que du fantasme, des affabulations qui ne relèvent que de la mythologie, mais nous vous prenons très au sérieux puisque la manipulation peut être une arme dangereuse.
Le problème n’est pas l’homogénéisation artificielle de communautés différentes, ou même la nostalgie pour un passé imaginaire ; c’est l’exclusion arbitraire et la stigmatisation d’autres groupes. C’est pourquoi je vous accuse de professer du néofascisme. A part le Rwanda, vous connaissez comme moi les conséquences à travers le monde de la poursuite de haine ethnique ou raciale à des fins politiques. Chez les Nazis la stigmatisation a commencé avec les juifs mais ne s’est pas arrêtée là; c’était ensuite les tziganes, les témoins de Jéhovah, les handicapés physiques et mentaux etc…. encore une fois, les diables ne font pas les choses à demi. Mussolini quant à lui, rêvait de reconstituer l’empire Romain… J’espère que vous connaissez la suite. L’ironie est que, il ya des rumeurs de plus en plus sonores qui disent que des putschistes à la tête de juntes militaires d’un certain nombre d’états d’Afrique de l’ouest se préparent ensemble à restaurer l’empire Manding – dans sa gloire et sa splendeur du 13ème siècle, je suppose. Je leur dirai simplement que nous sommes au 21ème siècle s’ils ont oublié, pas au moyen âge, Dieu merci. J’espère que nous autres, nous nous contenterons de la République de Guinée dans la fraternité Africaine.
Deuxième Partie
Parlant de Linguistique, Ethnologie et Nationalité
En accord avec les données (Glottolog) de l’Institut Max Planck d’Anthropologie Évolutionniste à Leipzig (Allemagne), les minorités Guinéennes Baga, Nalou, Landoumas, Tendanké, Bassari, Badiaranké, Koniagui parlent des langues “Sénégambiennes”, dans le sous-groupe “Atlantic- Congo” [5]. Au même titre que les langues Mandé, le Shona du Zimbabwe, le Yoruba du Nigeria, le wolof du Sénégal, le Dogon du Mali central, le Pular du Fouta Djallon et d’ailleurs, etc. …, elles sont classées par les linguistes dans le phylum Langues du Niger-Atlantic [5] qui englobent des centaines de million d’Africains, de la Mauritanie au Zululand.
Je comprends à un certain niveau votre confusion : vous utilisez une terminologie linguistique pour des déterminations ethnologiques – et malheureusement, vous essayez de vous en servir pour des objectifs ethnocentriques. Je vous rappelle, sinon je vous apprends que le groupement des langues en phylums, groupes, familles et branches est un concept moderne, une hypothèse scientifique de travail. C’est une approche qui consiste à délicatement désambiguïser les vocabulaires, lexiques, structures grammaticales, phonétiques pour essayer de comprendre et expliquer la diversité des langues actuelles. Vous entendrez parler de langues Bantoides, Mandé, Yoruboide, Oubanguienne, Dogon, Kourdofaniennes, Sénégambiennes, etc…. Au niveau du phylum, il s’agira des langues Indo-Européennes, Niger-Congo, Austronésiennes, Afro-Asiatiques, Indo-Tibetaines [5], etc …
Comprenez qu’il ne s’agit pas là de pays, ou nations ou groupes ethniques. Ce sont des schémas scientifiques conçus pour le besoin de comprendre l’évolution, la diversification et la complexité des relations généalogiques et sociologiques. Vous ne pouvez pas donc utiliser le critère linguistique pour imaginer une nation nébuleuse (que vous appelez “multiséculaire”) dont nul ne connaît la période où les frontières. Pour votre information, il y a plus de 60 variantes dans la famille des langues Mandé comme définie par les linguistes [5]. Elles ne sont souvent pas mutuellement intelligibles et incluent le Samo au Burkina Faso, le Sangha au nord-ouest du Nigeria, Dan et Mano en Côte d’Ivoire et Guinée, Maninka, ou Malinké ou Mandingo en Guinée, au Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal et Gambie etc. …
C’est raisonnable d’essayer d’associer les langues aux groupes ethniques. Ce n’est pourtant pas dire que les Indiens de Delhi; les Iraniens de Téhéran et les Suédois de Stockholm sont de la même ethnie parce que les uns et les autres parlent des langues appartenant à la famille indo-européenne. Ce n’est pas vrai non plus que l’Inde et le Pakistan, Sri Lanka et Bangladesh font partie de la même nation parce que leurs langues sont affiliées à la souche, leurs territoires sont contigus, ou leurs populations ont la même apparence physique. Le cas des Tutsis du Rwanda et Burundi est un exemple éloquent qui démontre qu’on ne peut pas déduire l’ethnicité à partir de la langue parlée. Les Tutsi, unanimement considérés par les anthropologues d’ascendance Nilotique parlent la même langue que les Houtous, le Kinyarwanda, démontré être Bantoide. Comprenez donc l’absurdité d’empaqueter toutes les ethnies et tribus Guinéennes dans un lot Manding, seulement pour le besoin d’isoler les Peulhs.
Parlant de Race, Ethnicité et Migrations
Race et Ethnicité :
Les religieux et les scientifiques, les créationnistes et évolutionnistes, les écritures saintes et la dernière édition d’Encyclopedia Britannica sont d’accord que l’espèce humaine s’est progressivement diversifiée en races, ethnies, tribus, familles et individus au cours des temps. Il est donc simplement question de remonter assez dans le passé pour trouver une intersection, une convergence des origines des races et ethnies. Vous pouvez donc miser que Maninkas et Guerzés ont la même ascendance à condition de ne pas prétendre que vous ou quiconque connaissez la base historique ou généalogique. Les espagnols et autres habitants de la péninsule Ibérique ne sont pas particulièrement connus pour leurs traits négroïdes, ou une culture afro-centrique. Une analyse de leur génome montre pourtant que leur grande majorité possède toujours un petit héritage génétique sub-saharien.
Si vous disiez donc que dans un passé très lointain et surtout inconnu, la mosaïque de communautés et nations en Guinée (même si vous choisissez d’exclure les Peulhs) ou plus généralement en Afrique de l’Ouest a évolué à partir du même lignage, de la même extraction, ce serait une hypothèse de travail et de recherche acceptable, mais qui reste à démontrer.
Émigration vs. Conquêtes :
Qu’il s’agisse de la dispersion de la descendance d’Adam et Eve à partir du Jardin D’Eden comme décrite dans les livres sacrés ; ou qu’il s’agisse des pérégrinations de la progéniture de Lucy, l’hominid Éthiopien de la littérature archéologique; tout le monde a dû émigrer à un moment ou un autre de la terre de ses ancêtres. Il y a bien sûr toujours une antériorité : les uns viennent après les autres. De là à dire que les premiers occupants ont un droit exclusif et éternel sur les terres qu’ils habitent n’est pas raisonnable et causerait bien de remous à travers le monde. Les Amérindiens (populations dites indigènes des Amériques) sont sur place estime-t-on depuis 10.000 ans. Ils n’ont cependant pas commencé ici; c’est durant la période de glaciation qui a commencé il y a à peu près 30 mille ans qu’ils ont traversé en petites vagues le Détroit de Béring, gelé à l’époque, séparant l’Alaska du continent Eurasiatique. Sera t-il question de légalement reléguer en étrangers les Européens arrivés avec ou après Christophe Colomb 9500 ans plus tard ?
Plus près, des milliers de gravures rupestres témoignent de la présence de multiples cultures et civilisations dans le Sahara durant la période humide du Néolithique sub-pluvial. La désertification qui y est advenue a sûrement été à l’origine de migration tous azimuts. Devrait- t-on faire le détective pour dépister ces vieux immigrés du désert pour les rappeler qu’ils viennent d’ailleurs et surtout les stigmatiser comme intrus ou envahisseurs ?
Vous même reconnaissez que l’émigration est due à des nécessités de survie, des circonstances naturelles ou socio-économiques que les migrants ne contrôlent pas toujours. Les migrations interafricaines dont il est ici question n’ont rien à voir avec la traversée des océans dans des armadas. Rien à voir avec des plans préconçus d’occupation et des projets de colonisation et de subordination par des étrangers armés venus d’outre-mer. Il s’agirait
plutôt de trouver un sol arable pour le paysan laboureur, de s’assurer d’eau et de pâturage pour le berger ; de s’éloigner des zones de conflits et d’autres calamités. C’est exactement de ce forfait que vous accusez les Peulhs du Fouta Djallon. Mais qui de nos autres communautés réclame avoir perpétuellement vécu où elle se trouve aujourd’hui ?
Vos propres récits de conflits, de fuites et échappatoires à l’avènement de l’empire Manding sont la meilleure preuve que tout le monde a été immigrant à un moment ou un autre. Puisqu’il s’agit ici des Peulhs, dites donc Monsieur le Ministre, combien de temps il leur faut pour cesser d’être des intrus, immigrés, étrangers sur les terres où leur 10ème, 20ème, nème grand-père et grand-mère sont nés, morts et enterrés ?
Il y a une distinction claire entre immigrés et conquérants, nous ne pouvons pas les confondre. Les arabes, puis les européens ont conquis et occupés l’Afrique par la force. Sur la côte-est les séquelles de la conquête et de l’esclavagisme arabes sont indélébiles. La brutalité de ces conquérants s’inscrit dans les annales comme une des plus sauvages de l’humanité. Les plaies béantes sur le corps et dans l’âme de nos confrères de la région sont à peine refermées. Les dégâts culturels sont presque irréparables. Il semble malheureusement que nous n’avons toujours pas appris la leçon.
Commençant avec nos dits pairs Maghrébins, le Maroc la Tunisie, la Libye, traitent aujourd’hui même nos compatriotes comme des déchets au vu et su du monde, sous le regard impuissant sinon indifférent de ceux qui nous gouvernent. Quant à nos voisins de la péninsule arabique nos chefs continuent de nous humilier en s’agenouillant devant, ou en rampant autour de racistes potentats pour des miettes qui ne servent qu’eux, les mendiants.
Je ne reviens pas sur la dévastation épique de la traite négrière sur la côte ouest avec ses répercussions globales. Cela est connu universellement. Les vols, viols et violences inouïes et institutionnalisées dont les Amérindiens, Aborigènes et autres populations natives ont été victimes de la part de conquérants Européens sont bien documentés. Ce n’est pourtant pas nier qu’il ya actuellement au Canada, en Australie, Nouvelle Zélande et même aux États Unis des efforts encore modestes, mais sincères d’exposer le passé diabolique pour essayer de corriger le tir. Je ne crois pas que c’est intelligent ou stratégique pour nous de prendre la direction opposée en réveillant nos vieilles querelles intestines de voisins, déjà résolues. Je ne vais pas pousser trop la ressemblance parce que les circonstances sont différentes: je dis simplement que je suis né et j’ai grandi en Guinée, mais mes enfants nés aux USA ont droit – malgré Trump et son Trumpisme – de pleine citoyenneté, inclus aspirer à être président de la république fédérale. L’avenir est probablement dans ce genre de tolérance et d’acceptation de l’autre ; pas dans la théorie des “2 composantes” qui risque de coûter cher à tout le monde, les instigateurs en premier lieu, je prédis.
Parlant de l’Empire du Mali ou Manding
Considérant les investissements dérisoires dans les fouilles archéologiques en Afrique subsaharienne; la rareté sinon le manque de textes écrits contemporainement aux événements; l’optique intéressée, sinon les préjudices des auteurs et chroniqueurs étrangers, il est indéniable que la dimension orale de notre histoire soit essentielle pour reconstruire
notre passé. Les riches chroniques des voyageurs arabes contemporains, Ibn Batuta, puis Ibn Khaldun sont bien sûr très importantes dans la reconstitution de l’histoire de l’empire du Mali. Elles corroborent dans certains cas les narrations locales et fournissent un contexte temporel et géographique, qui autrement pourraient être diffus ou imprécis. Malgré leurs cachets, ces chroniques de visiteurs étrangers ne peuvent pourtant être que des balises sur la très longue et très riche histoire de l’état Manding. De sa naissance, son expansion à son déclin nous devons la substance de ce que nous connaissons de l’empire du Mali à la tradition orale.
Les récits des griots – Djeli, Farba, …- ces poètes et musiciens, ces archives ambulantes qu’on retrouve quasiment dans toutes nos cultures peuvent être de véritables bibliothèques. Attention cependant : l’histoire ne consiste pas en une collection de contes et légendes. Les faits et réalités ne doivent pas être encombrer de mythes. C’est pourquoi le rôle curateur de l’historien – mais pas celui de censeur – est essentiel pour la reconstitution rationnelle de l’histoire de l’Afrique. Quoiqu’approximative et encore balbutiante, il y a heureusement une approche scientifique dont les outils incluent l’archéologie, l’ethnographie, l’ethnologie, la sociologie, la linguistique, la musicologie, la géographie physique et humaine…, et le bon sens.
L’empire du Mali (13ème -17ème siècle), puisque c’est de lui sans doute que vous parlez fut constitué sur les ruines de l’empire du Ghana, (Sarakolé, Marka, 4ème -12ème siècles) ; et suivi par l’empire Songhai (1430 – 1591). En occupant plus ou moins le même espace géographique les trois royaumes étaient d’essence nègres, d’une africanité incontestée. Ils constituaient cependant des nations distinctes avec des dynasties et princes régnants de différentes ethnies et clans [16].
Ces exemples d’États anciens prestigieux sur notre continent enorgueillissent tous les Africains de l’est à l’ouest, du sud au Sahel. Ils sont souvent cités fièrement comme équivalents, sinon preuve de parité avec les États Européens médiévaux contemporains, avant la dévastation du commerce triangulaire humain qui a sévit sur nos côtes à partir du 17ème siècle.
A son apogée, sous l’égide dynastique de princes Mandingues, le Mali couvrait une superficie plus grande que la Guinée actuelle et comptait sûrement des douzaines de nations vassales parmi plusieurs groupes ethniques qui vivent encore sur ces terres [16]. De là à parler de “Mandé ou Ifriqiya” comme si les deux noms sont interchangeables, c’est aller un peu trop loin. Aussi grand que fut l’empire Manding on ne peut pas l’assimiler ou le confondre à Ifriqiya, sous-entendant le continent africain dans son étendue géographique. Ses 400 ans d’existence sont très longues mais pas comparables à plus de 4000 ans d’histoire enregistrée du continent. La civilization Nok au centre du Nigéria, les royaumes Haussa, l’empire Bornou Kanem, les royaumes Nubiens de Kerma et Koush, le royaume d’Aksoum, le Royaume de Zimbabwe, le Tekrour, l’Egypte Pharaonique (dont certains continuent de nier les origines nègres malgré les recherches conclusives de Cheick Anta Diop) sont tous des vestiges d’un passé africain illustre plusieurs fois millénaires.
Présenter donc l’empire du Mali comme vous faites, comme un exemple unique ; un pays mythique immémorial au contour géographique nébuleux, est une farce et cela n’honore pas le passé de ce grand état, mais le diminuerait.
Parlant de “Nation”
Si une Nation est une entité politique établie sur un territoire défini et représentée par une autorité souveraine ; un groupe conscient de son unité, revendiquant la même appartenance, avec la même volonté de vivre en commun; partageant les mêmes aspirations …, en quoi les Peulhs seraient différents des autres Guinéens pour les classer à part. Suggère- t-on qu’ils sont d’un autre territoire? Lequel ? Ont-ils une allégeance à d’autres autorités souveraines? N’ont-ils pas la volonté de vivre en commun et partager les mêmes aspirations avec d’autres Guinéens ?
Si plus simplement une Nation était une communauté de territoire, de langues, de traditions, pourquoi n’y aurait-il pas en Guinée autant de nations que de terroirs, de langues et traditions ?
Il faut bien qu’on se mette d’accord sur l’une ou l’autre des définitions de Nation. Soit :
1. Nous sommes une multitude de communautés et d’ethnies vivant sur le même territoire partageant les mêmes aspirations et en quête d’un avenir de bonheur en commun – dans ce cas nous sommes une nation sans composantes, diverse bien sûr, mais unie par des idéaux communs; ou
2. Nous sommes une Nation à deux composantes où, bon gré malgré tout le monde est tassé dans une des composantes et les peulhs sont isolés dans l’autre. Dans ce cas, j’entrevois pour vous un problème de logique dans votre conception de “nation”. La “composante unique” non-Peulh que vous envisagez pour la Guinée s’étend aussi dans les pays voisins : Guerzés au Liberia et Côte d’Ivoire ; Malinkés et Peulhs au Mali; Soussous en Sierra Léone et Guinée Bissao, etc. …
Considérez-vous reconquérir les portions de la “composante” en dehors de nos frontières pour compléter la “nation”? ou allez-vous sacrifier ces portions aux autres et ainsi amputer “la nation” de plusieurs de ses membres légitimes? Sans l’intention d’être sarcastique en demandant ces questions vous devez aux Guinéens des réponses si vous ne plaisantez pas au sujet de ce que vous dites.
La vérité est que vous n’avez pas de réponse à ces questions. Vous divaguez dans la chimère d’une “Guinée appartenant à une nation multiséculaire” en ignorant la réalité que la Guinée que nous avons hérité de l’occupation coloniale est une création Française du vingtième siècle.
Parlant de la République de Guinée
Lesfrontièresdespaysafricainsmodernesdatentdu19ème et20ème sièclesetétaienttracées par les occupants Européens au hasard de leurs pérégrinations et leur fortunes militaires. Elles furent tracées dans le désordre sur la base de qui ? d’entre eux est arrivé le premier (primauté sur les lieux), de traités et consensus entre eux, et bien sûr du poids de leurs forces sur le terrain, ne tenant aucunement compte de géographie, d’histoire ou d’ethnicité.
Au départ donc, la Guinée n’était une entité que dans un contexte colonial imposé par une occupation étrangère. Ses frontières actuelles étaient encore disputées au début du 20ème siècle et finalisées seulement le 27 février 1915, par un décret du gouvernement Français [17]. La réalité de conglomération d’ethnies/nations et la dislocation de communautés – souvent de familles – au hasard des circonstances fut inévitable pour la quasi-totalité des pays Africains. La Guinée n’est pas l’exception. Les Kpellé de N’Zérékoré ont dû se retrouver de l’autre côté des frontières Libérienne et Ivoiriennes où vivent leurs cousins. Les Malinkés sont de part et d’autre de la frontière Malienne et Ivoirienne; Il y a un continûment du Sosso Land de Basse Guinée en Sierra Leone et au sud-ouest de la Guinée-Bissao; Les Peulhs et peuplades du Badiar – Koniagui, Bassari, Badiaranké sont partagés entre le Gaoual, la Casamance et Bissao.
Soyons clairs : Nous avons hérité de l’occupation Française un territoire qui est devenu un pays indépendant avec des frontières définies, il nous reste à en faire une nation. Les premiers obstacles à franchir sont ceux qu’on est en train de créer artificiellement : l’homogénéisation irrationnelle et forcenée des diversités ethniques d’une part, la division du pays en “deux composantes” (sinon deux factions) d’autre part.
Avant de remonter aux périodes lointaines et quelque fois ténébreuses de notre histoire, il n’est pas inutile de rappeler un passé plutôt récent et tout à fait vérifiable. Le Non au Référendum du 28 septembre et l’avènement le 2 Octobre 1958 d’un État souverain, un pays et une République sont – à ce que je sache – le fait de tous les Guinéens, pas seulement d’une « composante ».
La participation du paysannat pauvre et opprimé du Fouta – dont mon propre père, un compagnon de l’indépendance sans banderoles ou fanfares – et le soutien inconditionnel au PDG-RDA durant des temps critiques, ne sont niés par personne. Le concours de l’intelligentsia Peulh de l’époque, son appui et contributions aux plans et programmes politiques et intellectuels pour l’indépendance sont plus que évidents, Sékou Touré lui-même serait le premier à le reconnaître. Doute-t-on donc du patriotisme de ces individus qui pour certains d’entre eux travaillaient pour une Guinée nouvelle contre leur intérêt de classe, leur apanage, puisqu’ils appartenaient à des familles dynastiques qui jouissaient de tous les privilèges féodaux et colonialistes de l’époque ? Ne soyons pas ridicule, bon dieu.
L’histoire millénaire de la région est plus compliquée puisqu’elle est moins connue. Ce que nous en savons est pourtant suffisamment clair pour barrer la route aux colporteurs de mensonges à des fins piètres de vanité personnelle ou pire, pour semer le doute et la suspicion qui engendreraient une discorde qui ne sert personne, plutôt nuirait tout le monde.
Qu’il soit dit: la Guinée fût une création Française, il appartient aux Guinéens d’en faire une entité viable, une nation. La Guinée n’a appartenu dans le passé à aucune “nation multiséculaire”; c’est sa partie orientale, particulièrement le nord-est qui fût partie de l’empire Manding. C’est arrogant et inacceptable d’assimiler la Haute Guinée à la République de Guinée, la première n’est qu’une portion de la seconde. Le passé et l’histoire de la Guinée sont la somme du passé et de l’histoire de chacun des terroirs des quatre régions naturelles qui la compose. L’héritage de l’empire du Mali et états successeurs, aussi riche qu’il soit, fait donc partie du patrimoine de la Guinée, ce n’est pas le Patrimoine National de la République de Guinée comme on essaie de faire croire. Dire le contraire est une injure grave à la vérité historique et une brèche mortelle à la cohésion nationale.
Nous nous réclamons tous fièrement Guinéens, et il y a de quoi: le démantèlement du colonialisme Français en Afrique a commencé ici. Je cautionne cependant de ne pas jouer aux complaisances, à la démagogie de supériorité par rapport à d’autres : “nation coriace ; dureté de caractère, fierté atavique etc. …”. Ces flatteries sont pour certains une manière de redorer le blason et réhabiliter le règne médiéval et la dictature honnie du PDG de Sékou Touré. A mon avis, si les Guinéens ont un caractère distinctif, c’est le stoïcisme; cette capacité d’endurer la peine et les douleurs qu’on nous inflige quotidiennement pendant des décennies. Heureusement cela aussi est en train de changer. La jeunesse bouillante et déterminée que j’aperçois à l’horizon est prête à réclamer et à obtenir ses pleins droits de citoyen, ses droits à l’éducation, à la vie décente dans la paix et la liberté.
L’agrandissement, l’embellissement et l’élévation de faits ordinaires en exploits sont des actes de démagogie et un signe saillant que nous sommes en train de nous contenter de médiocrité pour standard. Le ministre affirme que Nelson Mandela et Thabo Mbeki ont été formés militairement à Kindia. Ce serait beau, mais c’est faux. Dans son autobiographie [18] Mandela a amplement détaillé ses tribulations de jeune militant patriote en quête d’aide et d’assistance pour résister à l’Apartheid dans son pays. Selon ses propres mots, il a été initié au combat de guérilla à Oujda au Maroc où le Front National de Libération de l’Algérie (FNLA) de Ben Bella l’avait accueilli et entrainé. Juste avant son arrestation pour “sabotage” et “trahison” le 5 Août 1962, il confirme avoir reçu une autre formation militaire à Adis Abeba sous le pseudonyme de David Motsamayi avec les auspices de Hailé Selassié, qui lui avait accordé le passeport Ethiopien.
A la suite de sa sortie clandestine d’Afrique du Sud en 1962, peu de temps avant son retour et son incarcération en Août de la même année, la Guinée faisait partie d’une très longue liste de pays Africains nouvellement indépendants que Mandela visita pour solliciter un support politique et matériel pour aider la résistance. Personne que le ministre ne saurait quand et en quoi consisterait la formation militaire à Kindia de Mandela et MBeki. Entre le 7 Novembre 1962 et le 11 Février 1990 (28 ans) Mandela était prisonnier politique à Robben Island ensuite à Pollsmoor, Capetown. Pour qu’il soit venu à Kindia avec M’beki durant cette période, il a dû demander et obtenir une permission spéciale de la clique fasciste Vorster, Botha ou DeKlerk. Il n’y avait pas de raison d’embellir en mentant si ce n’est pas pour réhabiliter et glorifier au- delà du mérite la dictature haïe et honnie de Sékou Touré.
Les autres bravades au sujet du Congo de Patrice Lumumba en 1960 et l’Angola de Agostino Neto au début des années 1970 sont de la même nature : beaucoup plus de pompes que de substance. Au Congo, la présence de la Guinée était symbolique ; la quasi-totalité des troupes Africaines venaient du Ghana de Kwamé Nkrumah, d’Algérie, d’Éthiopie et de la Tunisie. La participation de forces Guinéennes à la guerre de libération de l’Angola s’inscrivait dans le cadre de l’alignement géopolitique de l’époque, et elle est louable dans un contexte historique. Il n y a pourtant rien de foudroyant dans cette participation comme prétend le ministre. Tout le monde sait que l’intervention Cubaine était le facteur déterminant de la victoire du MPLA sur Jonas Savimbi, un auxiliaire de l’Afrique du Sud fasciste.
Les piteuses interventions en Sierra Leone et Libéria pour sauver la peau de Siaka Stevens et celle de William Richard Tolbert n’ont rien de grand ou d’honorable. Elles s’inscrivent dans le cadre informel d’un syndicat de chefs d’états ou les uns assistent les autres à se cramponner au pouvoir à tout prix, à moins qu’on soit occupé à comploter l’un contre l’autre pour assurer sa propre pérennité.
Troisième Partie
A l’instar de certains de vos prédécesseurs à la tête de l’État je suspecte que vous cherchez
à isoler et à stigmatiser les Peulhs comme des étrangers.
Sékou Touré: L’estime, la fierté et la promesse en cet homme n’avaient malheureusement duré que le temps de conquérir un pouvoir personnel et asseoir un régime autocratique et tortionnaire. Pourtant, ceux qui connaissaient intimement Mr. Touré et ceux qui de près ont suivi la trajectoire de son ascension politique n’étaient pas surpris de ce qui est advenu. Pour lui, tous les moyens sont bons pour atteindre l’objectif. A Conakry, il ne se priva pas des services de loubards durant la campagne électorale de l’Assemblée Territoriale de Mars 1957: ici ce sont les Baroudeurs de choc du PDG ; là ce sont les « gônes » du « Général » Momo Jo, armés de matraques et bars de fer ; érigeant des barricades sur les rues pour exiger de montrer la carte du parti ou de l’acquérir sur place. La violence qui en résulta n’était malheureusement pas limitée à quelques flâneurs malchanceux. Au debut de 1957 elle dégénéra en terreur publique à coloration ethnique [19], où des centaines de victimes perdirent la vie. Les puits d’eau à Conakry où les morts étaient fourrés de nuit furent l’objet de hantise publique plusieurs années après les évènements.
La victoire écrasante du PDG à ces élections dans les conditions précitées (56 des 60 sièges de l’Assemblée) va en partie consacrer l’émergence de micro-états en Afrique Centrale et Afrique de l’Ouest, au lieu des grands ensembles envisagés par les Africains idéalistes et Africanistes visionnaires. Dans tous les cas, Sékou Touré a maintenant sa part du gâteau, la Guinée, qui est désormais sa propriété personnelle.
Avant d’aller plus loin, c’est peut-être important de rappeler quelques faits, et les replacer dans le contexte élargi. Sékou Touré avait d’emblée embrasser la Loi-cadre Deferre (23 Juin, 1956) qui préconisait la création d’assemblées territoriales au niveau des colonies [20], une loi décriée et vivement contestée par les groupes progressistes, panafricanistes qui y voyait une intention et un stratagème de balkaniser le continent, au lieu de l’unifier ; c’était, disent- ils un moyen de pérenniser l’empire colonial en remplaçant «l’Union Francaise», par «la Communaute Francaise» .
Il faut rappeler aussi que Mr. Touré avait été à l’origine des initiatives de rupture du PDG-RDA avec le Parti Communiste Français (PCF) ainsi que le divorce en février 1956 avec la Confédération Générale du Travail (CGT) [19]. Si ces décisions de sevrage avec des organisations progressistes et anticolonialistes n’étaient pas inspirées par l’administration Française, elles n’étaient sûrement pas de nature à déplaire à cette dernière. En fait, la rupture avec le PCF cadrait bien avec l’effort de Houphouet-Boigny de réaliser la Communauté Française envisagée par la métropole, et elle collait bien avec le sentiment de ce dernier que les colonies que nous étions sont une partie intégrale de la « Mère-patrie », la France, « une et indivisible ».
Les Précédents
La marginalisation (puis la persécution et l’élimination) de cadres fondateurs du PDG et du RDA qui suivra à la fin des années 1950s et après [21 ], [19 ] prouvera que l’avenir de notre pays dépendait désormais des ambitions personnelles de Sékou Touré. Sorti de l’ombrage des grands pionniers comme Mamadou Madeira Kéita, de retour au Soudan Francais, sa terre natale; après la mort soudaine de Boubacar Yacine Diallo en 1954; l’absence de Ray Autra3, exilé au Niger et Dahomey par affectation punitive de l’administration coloniale; le silence de Saifoulaye Diallo – modeste, discret, il parlait si peu que ses amis le surnomment le Sphinx [19]. Mr. Touré a maintenant les mains libres et ses instincts de dictateur incontesté n’étaient pas loin derrière(4) . A part Koumandian Kéita qui avait personnellement du dédain pour lui (en partie probablement par complexe de supériorité intellectuelle) les autres leaders politiques étaient plutôt frustrés par l’opportunisme et les allures démagogiques de Sékou Touré. La Section PDG de Mamou était Typique. Ces membres dont Pleah Koniba, Bela Doumbouya, Fatou Aribot, Saifoulaye Diallo, Samba Lamine Traoré, Aboubacar Doukouré, tous du Groupe d’Etudes Communistes étaient considérés par l’administration coloniale comme des récalcitrants, de réfractaires intraitables [21]. Ils se sont retrouvés à Mamou en exilés pour les punir de leurs activités « subversives » dans leurs fiefs respectifs. Ils étaient « déportés » dans cette ville, alors la plus cosmopolitaine du pays pour les isoler de leurs relations personnelles ou ethniques, et pour être sous l’œil veillant de l’Almamy Sori Daara II(5) qui, par la force des choses était devenu un employé de la France.
Ces visionnaires et panafricanistes préconisaient l’indépendance et la démocratie plutôt que le style bolchevik de « démocratie populaire » et « centralisme démocratique » qui devinrent le talisman et fétiches du PDG. Ils ne passaient pas sous silence l’embourgeoisement des « élus » ; ils dénonçaient crûment les tendances dictatoriales de plus en plus manifestes et ils exigeaient la tenue du Congrès du Parti (indéfiniment suspendu) où ils auraient des comptes à demander. Mis en minorité par des tractations malhonnêtes après la grève des enseignants en Septembre 1957, la Section de Mamou fût dissoute et ses membres humiliés. Le traitement de Pleah Koniba était particulièrement honteux. Cet honorable patriote d’origine Malienne, panafricaniste de première heure, imbu d’idéalisme que l’Afrique est un tout indivisible, avait consacré sa vie au service de la Guinée pour seulement se voir irradié et renvoyé après être personnellement insulté par Sékou Touré lui même: “Intellectuels déracinés, qui ne sont même pas Guinéens” [21]. S’ il y avait besoin, cela prouve bien que Mr. Touré ne croit qu’à ce qui lui sert. Il n’hésite pas de jetter par la fenêtre son manteau de « père du panafricanisme » lorsque le nativisme Guinéen, le nombrilisme qui écarte les adversaires politiques est plus efficace pour l’occasion. N’est-ce- pas un prélude de ce qui allait suivre ? le modèle dont il se servira plus tard, avec son « Complot Peulh » en 1976? La différence était que, en 1976 il avait perfectionné ses techniques de sévices. Il avait derrière lui 20 ans d’expérience de mater – lâchement- ses supposés adversaires, isolés et sans défense: diète noire en tombeaux ouverts(6), privation totale de sommeil, isolation totale dans l’obscurité, bastonades sanglantes et autres supplices que Amnistie Internationale qualifia d’être parmi les plus sauvages du monde [21], [22], [23], [24].
La verité est que, en 1976, il n’y avait en Guinée aucune velléite d’opposition interne, le pays apeuré par la brutalité des répressions était résigné à la soumission. L’opposition désorganisée qui faisait du bruit à partir de l’exterieur n’avait pas de racines dans le pays et
était complètement coupée de lui. Le ciblage de fonctionnaires, étudiants et simples citoyens Peulhs dans le pays n’était donc qu’une vengeance rancunière, une persécution d’innocentes victimes pour des « crimes » fictifs commis par des individus qui ne sont pas accessibles au régime. Il faut dire que ces « criminels » étaient des Guinéens exilés de tout bord, intelligentsia, ouvriers, et artisans de toutes les ethnies. Le dit « Complot Peulh » fit des milliers de suppliciés à mort ou purgés de l’appareil de l’état; les privilèges associés à l’enseignement supérieur supprimés pour des étudiants qui ont certains patronymes.
Avec la frénésie d’un psychopathe on avait décapité plus tôt – toutes ethnies confondues – la crème intellectuelle et militaire, la classe des entrepreneurs et homme d’affaires de notre jeune pays. Des centaines de milliers d’exilés, inclus le paysannat le plus pauvre des campagnes qui ne trouvait plus à manger face aux taxes en nature qui les écrasaient, et les travaux forcés impudemment rebaptisés “investissements humains” [22], [23], [24] [19].
On a voulu faire de Sékou Touré un révolutionnaire. Non, il n’a jamais été. Il avait des attributs d’un révolutionnaire : stratégique, audacieux, tranchant et même téméraire. Mais au delà de tout, il etait oppportuniste et démagogue. Il n’avait aucun scrupule de vêtir le boubou et s’approprier des idées de son plus grand adversaire politique lorsque cela résout le problème de l’heure. Son flirt avec le Marxisme était plus que superficiel. Il ne se gênait pas de faire réciter la Fatiha pour se « protéger de l’impérialisme » au milieu d’un sermon sur la Révolution Culturelle, ou une conférence magistrale sur le matérialisme dialectique et la lutte des classes.
De tous les tournants de la decolonisation le « NON » au referendum du 28 Septembre est le plus mystifié. Loin d’être une initiative personnelle de Sékou Touré comme on veut maintenant faire croire, le « Non gagnant » était le fruit du labeur d’une multitude de patriotes, intellectuels Guinéens, Africains et étrangers auxquels Sékou Touré ne s’est joint que très tardivement [19]. Les vrais partisans et promoteurs du « NON » que Mr. Touré rejetait encore des semaines avant le referendum étaient les étudiants, jeunes et travailleurs de Guinée réunis en congrès au Vox le 24 Juillet 1958 [19]. C’était sans doute aussi l’exemple Ghanéen et les encouragements pressants de Kwamé Nkrumah(7).
Dr. Charles Diané membre de la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) témoigne [19] qu’il il s’agissait non seulement de mobiliser l’opinion mais aussi et surtout d’amener les responsables Guinéens (dont les positions sont estimées équivoques) à prendre une décision ferme.
Echos du Congres: Plus que jamais en étroite union avec tous les Etudiants d’Afrique Noire (FEANF), les jeunes et les travailleurs de Guinée,… ce congrès décide en effet de lancer une vigoureuse campagne pour le Non malgré l’opposition du PDG.
Toujours selon Dr. Diané [19] : Début septembre 1958, les responsables étudiants et quelques dirigeants du PAI (Parti Africain pour l’indépendence) ont un entretien avec Sékou Touré dans sa mairie-résidence de Conakry. Le général de Gaulle avait alors fini son périple africain et Sékou Touré semblait encore obstinément accroché à ses espoirs de voir réviser certains paragraphes de la Constitution (Française) afin d’expliquer un éventuel réajustement de ses positions et de faire voter oui. Le président de la FEANF introduit la délégation étudiante et demande à Sékou Touré de bien vouloir expliciter la position de son parti face au
referendum. Celui-ci fait une longue tirade sur les luttes du RDA et du PDG, puis, répondant à la question, Sékou Touré ajoute:
Nous avons proposé, lors de la rédaction du projet de Constitution, de prévoir la création à Dakar ou à Abidjan d’un exécutif fédéral, avec un gouvernement fédéral et un parlement fédéral. A cette demande rien de concret n’a encore été répondu par la métropole. Cela peut être pour nous un motif valable de répondre « non ». Seulement, ce n’est pas une question institutionnelle. C’est un problème de capacité d’exercer le pouvoir d’Etat tel qu’il résulterait d’un vote négatif. Voyez vous- même la Guinée pour ne parler que d’elle. Nous n’avons aucune infrastructure, nous ne savons même pas fabriquer une allumette, à plus forte raison bâtir des usines. C’est pourquoi nous suivrons le mot d’ordre qui sera adopté par le comité de coordination.
— FEANF: Mais, monsieur le president, vous savez que Houphouet a déjà fait savoir que le RDA fera voter « oui ».
—Sékou Touré: Si telle est la position de la majorité, la Guinée votera « oui » car elle n’est pas mûre pour une indépendance dans de pareilles conditions; elle manque de tout: techniciens, cadres administratifs, etc.
— FEANF: Si c’est la raison essentielle qui vous fait hésiter, nous sommes prêts à demander à tous les universitaires et progressistes africains de venir relever les cadres français. Vous ne pouvez pas laisser passer une occasion aussi unique de creuser une brèche dans l’édifice colonial français.
La mystique que Sékou Touré a d’une main arraché à la France l’indépendance de la Guinée n’est donc rien d’autre qu’une mystique. Si ce n’est pas pour l’arrogance de l’administration coloniale, l’orgueil fragile de De gaulle et sa décision émotionnelle de punir la Guinée pour son choix, rien n’empêchait notre pays de rester comme les autres dans la sphère française, en néocolonie. L’ironie est que nous avons fini au purgatoire, où nous sommes toujours, ballottés entre idéologies étrangères exotiques et nécéssités peremptoires de survivre.
Les complaisances et flagorneries des historiographes du PDG [25], tel que Sidiki Kobélé(8), passées pour des catéchismes durant le règne du PDG, sont malheureusement de plus en plus recyclées par des nostalgiques et des malintentionnés. La mise au point faite ici était simplement pour replacer les faits dans leur contexte; les reconstruire comme ils furent, sans les encombrements romanesques d’enthousiastes mal informés, ou les mensonges habilement tissés par ceux à qui cela profite. Il ne s’agit pas de minimiser la participation substantielle du PDG et de Sékou Touré à l’avènement de l’indépendance de la Guinée; et mieux encore, au desserrement de l’étreinte colonialiste sur l’Afrique. L’homme était très intelligent, habile, tacticien et calculateur. Il était fougueux, haut en couleur et ambitieux. Il est en même temps indéniable que le syndicaliste affûté, bien d’aplomb sur ses revendications sur le droit du travail, avait aussi et surtout un grand appétit pour le pouvoir politique. Il est par nature avide de contrôle, de contrôle absolu(4), donc un anathème de la consultation démocratique. Lorsque l’opportunité s’est présentée, il a saisi le pouvoir pour le garder à tout prix. Le prix n’était pas moins que 25 ans de galère, un quart de siècle de bagne ou d’exile, de torture et de meurtres dont la totalité des Guinéens, classes sociales et ethnies confondues étaient directement ou indirectement victimes.
Alpha Condé est le plus répugnant des hommes. Il n’a ni foi, ni loi; ni conviction politique ou religieuse. Il ne croit à rien et il n’est concerné par personne que lui-même. Le cynisme,
l’égotisme et les réflexes narcissiques sont les monuments de son personnage. Quelqu’un a
dit de lui qu’il vendrait sa mère pour un gain; moi je n’hésite pas à dire qu’il brûlerait la Guinée pour s’approprier du pouvoir de l’État. Son initiative suivie d’effort soutenu d’embraser le Fouta Djallon en l’opposant à un “Manding-Djallon” de sa création est exceptionnelle même pour le plus ignoble des individus.
Détestant Sékou Touré du plus profond de lui, Alpha était pourtant très envieux de lui. Tous deux sont très rancuniers et super-ambitieux ; malheureusement pour Mr. Condé, il n’a pas le charme et l’exubérance de Mr. Touré ; encore moins le charisme et le courage personnel de ce dernier. Pour le professeur qu’il est sensé être, Alpha Condé est une médiocrité intellectuelle, un nain parmi les grands. Dans le meilleur des cas, Alpha ne pouvait être qu’un petit Sékou.
J’espère que vous, Mr. le ministre avez le bénéfice du recul pour vous raviser de votre erreur et des autres erreurs du passé.
L’Avenir…
Nous autres Guinéennes et Guinéens, sommes intéressés d’apprendre notre histoire à la lumière d’investigations scientifiques rigoureuses, sans parti pris ou objectifs inavoués. Nous sommes confiants que la vérité historique n’est pas limitée aux anecdotes ; elle n’est pas une épopée où les grands faits et la légende s’entremêlent. Elle n’excusera pas les exactions humaines de qui qu’il soit ; elle ne justifiera pas les abus des uns et des autres de nos ancêtres et leurs ancêtres. Elle expliquera les faits et circonstances du passé, les nécessités durant les époques révolues, les réflexes inévitables de survie. Nous sommes certains qu’elle distingue et différencie les conquêtes étrangères des migrations interafricaines dont chacune de nos communautés ont été sujette. Au-dessus de tout, nous sommes conscients que loin de nous diviser en composantes, c’est seulement la vérité historique qui peut contribuer à bâtir un élan commun et une force nationale, conjuguée à partir de nos diversités. C’est elle qui résoudra nos différends en pointant les erreurs du passé à éviter dans le présent et le futur. C’est elle et seulement elle qui peut aider à réconcilier notre peuple et cimenter ses différentes unités en la nation à laquelle j’espère nous aspirons tous.
Parlant pour la grande majorité de Guinéennes et Guinéens – certainement pour la jeunesse émergente négligée; jeunesse en chômage perpétuel ou éprouvée par l’exil.; jeunesse résignée à l’oisiveté sur place ou décidée de risquer les sévices des passeurs et les tourments impitoyable des sables mouvants du Sahara; jeunesse prête à affronter la mort et ses aléas dans les ténèbres d’une Méditerranée hostile sur les deux rives, je dis :Nous autres, on se fout de lignées – qu’elle soit impériale ou paupérisée; on se moque d’origines ethniques; de classes sociales; de diplômes universitaires; de galons ou grade militaires : qu’ils viennent de quelque région géographique de la Guinée, de la plus petite des minorités, des hameaux les plus éloignés, des familles les plus modestes. Nous voulons à la tête de l’État des patriotes inspirés et visionnaires. Nous ne voulons pas d’ethno- partis et de régionalisme. D’emblée nous ne reconnaissons, et jamais nous n’accepterons les pratiques féodales chauvinistes déguisées en nationalisme blasé. Nous rejetons la bureaucratie des crâneurs et kleptocrates de quelque bord qu’ils soient.
Nous sommes sûrs et certains que l’avenir serait de faire de nos différences et diversités les outils de chantier, la force motrice d’une nation en construction. L’émiettement qui nous guette viendrait sûrement de prétentions hypocrites et fausses que nous sommes une masse homogène à part une minorité d’étrangers envahisseurs. Étrangers dont les péchés des parents – vrais et inventés – doivent être purgés par la sueur et le sang des enfants, et les
enfants des enfants … L’ultime déchéance serait garantie si au lieu de regarder en avant nous sommes fixés sur le passé, surtout si la fixation est la nostalgie d’un passé imaginaire.
Acceptez Monsieur le ministre mes considérations et salutations respectueuses.
Ré
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11. Qur’an 90:13 et 18 “Delier un joug” (affranchir un esclave) “Ceux-là sont les gens de la droite”.
12. Hadith (Narration de Abu Zar in [9]): A la question d’un bedouin “que dois-je faire pour aller directement au paradis …”, le prophète répondit: “Libère un esclave”.
Hadith (Narration de Abu Massoud in [9]): “Je punissais mon esclave lorsque la voix très fâchée du prophète m’interpella: que fais-tu Abou Massoud? Le baton tompa de ma main et je m’exclama: Que Dieu me pardonne. Le prophète fit: Si tu n’avais pas dit cela, les flammes de l’enfer auraient dévoré ta face”.
Hadith (Narration de Abu Hurayra in [9]): “Ne dites pas mon esclave, dites mon garçon ou ma fille”.
13. Qur’an 9:60 “Les sadaqats ne sont destines que pour les pauvres, les indigents, (…) l’affranchissement des jougs, ceux qui sont lourdement endettes, dans le sentier d’allah, et pour les voyageurs en détresse. C’est un décret de Allah! Et Allah est omniscient et sage”.
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NOTES:
(1) Poûli: nom attribué aux Peulhs non islamisés du Fouta Djallon (différent de albinos pour le même mot). Ils étaient les premiers à émigrer au Fouta où ils arrivent quelques 2 ou 3 siècles avant les Peulhs musulmans. Ils étaient animistes et avaient Ghéno pour déité. Il est invraisemblable qu’on puisse aujourd’hui distinguer leur lignée du reste des Peulhs.
(2)Houbbous: membres du mouvement islamiste contestataire du 19 siècle. Insoumis et opposé particulièrement aux taxes excessifs et autres abus, les marabouts dissidents à la tête de ces congrégations estimaient que les prérogatives des Almamis devenaient plus royales que leur mandat d’émir autorise. Plusieurs d’entre eux étaient menacés et obligés de s’installer en dehors de la juridiction de l’état théocratique. Les derniers chefs rebels Houbbous, dont Thierno Aliou (le Waliou de Gomba) et Thierno Ibrahima (Karamoko Ndaama) s’installerent respectivement en pays Sosso, à Gomba dans le Kindiya et dans le Nghaabou, aujourd’hui Guinée Bissao. Ainsi, le premier échappa au contrôle de Timbo pour seulement faire face aux Français qui l’emprisonnent à Conakry en 1911 avant de le deporter en Mauritanie où il mourut. Les démêlées du second avec Alfa Yaya du Labé l’ oblige a émigrer au Nghaabou où il subira le même sort que Thierno Aliou: Karamoko Ndaama était déporté au Gabon en 1913 ou il mourrut la même année.
(3) Ray Autra: de son vrai nom Mamadou Traoré. Membre fondateur et influent du RDA. Apres l’independence Il passa plusieurs années dans les prisons de Sékou Touré.
(4)Sékou Touré (ST) avait tous les reflexes du potentat. Il ne cache pas son mépris pour la consultation démocratique; Time, le magazine hebdomadaire américain du 16 février 1959 rapporte la conversation suivante qu’il a eu avec Saifoulaye Diallo (SD), alors numéro 2 du PDG:
– ST: Le gouvernement n’a pas de rôle dans le parti. C’est le parti qui a un rôle dans le
gouvernement.
– SD: Le Parlement c’est donc pourquoi?
– ST: Le Parlement, c’est une institution pour légaliser les décisions du parti.
– SD: Pourquoi alors il (le Parlement) se donne la peine de débattre?
– ST: Il n ya pratiquement pas de discussion au Parlement. Discussions, c’est pour les journalistes.
(5) Almaamy Sori Daara II, Alfaya, petit fils du vaillant Almamy Boubacar Mawdho (9eme Almaamy du Fouta), lui-même petit fils de Karamoko Alpha mo Timbo, fondateur de ce qui deviendra la théocratie Peulh ou l’Almaamat du Fouta Djallon. Sori Daara II, comme tous les autres chefs féodaux de la Guinée occupée étaient devenus des auxilliires de l’administration coloniale qui servaient tout d’abord les interêts de la France.
(6) Diète noire a tombeau ouvert: Privation totale d’eau et de nourriture jusqu’à la mort, laquelle advient quelque fois plus d’une dizaine de jours plus tard. Dans certains cas les prisonniers sont jettés dehors, dans des trous a ciel ouvert où ils meurent seuls et lentement. Alsény Réné Gomez, un rescapé du camp Boiro rapporte un incident où, accidentellement, lorsqu’il faisait sa corvée d’arrosage d’un jardin de la prison, il se trouve face à face avec une telle victime. C’est le temoignage le plus pathétique que j’ai jamais entendu.
(7) Kwame NKrumah: grand visionnaire, le premier chef d’état du Ghana était un vrai panafricaniste. Même si on ne connait pas exactement comment, on sait pour sûr qu’il a influencé et motivé Sékou Touré (qui vacillait encore entre l’indépendence complète et le confort d’avoir l’aide et la protection de la France) a opté pour le non au referendum du 28 Septembre. Selon Time (16 Fevrier 1959) le Ghana offrit à la Guinée 28 millions de dollars (une somme enorme en 1958) pour combler le trou financier béant causé par le retrait massif et systématique des capitaux Français.
(8) Sidiki Kobelé Kéita: le mercenariat de la plume de cet individu va au delà de l’ordinaire; son effort de rationaliser les motifs, pour justifier les crimes de Sékou Touré au camp Boiro et ailleurs est un des exercices intellectuels le plus repoussant de notre histoire.
Mamadou Baldé