Que signifie la refondation ? À la différence de la définition donnée par les académiciens, le concept trouve une tout autre définition en Guinée. En français facile et du niveau du Guinéen lambdas, la refondation est un système de gouvernance prôné par un groupe de militaires, arrivés au pouvoir par coup d’Etat dénommé : prise de responsabilité. Elle promet une gouvernance vertueuse au service du peuple et une rupture avec les anciennes pratiques dans un élan de rassemblement, respectueux des principes démocratiques et de l’État de droit. Mais au CNT, les Conseillers nationaux ont aussi trouvé d’autres définitions qui collent au mieux à la refondation.
La refondation. Savez-vous, c’est le mot le plus prononcé du vocabulaire français par les Guinéens, depuis le 5 septembre 2021 ? Elle ressemble un peu au concept précurseur de gouverner autrement, tombé en désuétude dans le vocable guinéen. Ce n’est pas par amnésie ni de la fantaisie. Mais par le fait de l’enlisement dans l’embellissement.
Cet adornement de la refondation à cause de son chapelet de promesses, a de facto dévêtu le gouverner autrement, aussi fondé sur des promesses. Ce n’est pas mal parce que la refondation était nouvelle et c’est la nouveauté qui a toujours attiré les Guinéens depuis des lustres.
C’était le cas à l’avènement du CMRN en 84, du CNDD en 2008, du RPG en 2010 et du CNRD en 2021. Il n’y a donc rien de surprenant ou d’exceptionnel chez le Guinéen quant à son amour pour la nouveauté.
Maintenant, que la refondation a 2 ans, chacun apprécie sa beauté à sa manière. Pour certains, elle n’a rien perdu des valeurs et incarne toujours les merveilles qu’elle a promises aux Guinéens. Pour d’autres, la refondation a juste déshabillé Paul pour habiller Pierre avec les mêmes vêtements.
En dehors de ces partisaneries, c’est le CNT qui semble avoir trouvé les meilleures définitions qui collent au mieux à la refondation.
Selon les Conseillers nationaux, après d’intenses travaux de réflexion, d’analyse et d’évaluation, la refondation se définit comme un système de gouvernance, qui après deux ans, peine à éradiquer la gabegie financière telle que promis. Pour preuve, la saignée financière pour la location des bâtiments abritant certains services publics, est une hémorragie extrême. À titre illustratif, la Cour des comptes continue toujours de payer 823.443 598 francs guinéens par mois pour son siège. Et l’ancienne demeure de la Cour Constitutionnelle actuellement occupée par la Cour suprême, coûte 916.666.666 francs par mois à l’Etat guinéen. Les deux cumulés font 21 milliards de francs guinéens par an.
Le paradoxe de la refondation, est que ces bâtiments sont construits sur un domaine baillé de l’Etat. Mais ils reviennent plus chers à l’Etat qu’on ne peut le croire avec la refondation qui dénonce le manque de couveuses dans les hôpitaux.
Que dire des sommes faramineuses qui vont aussi dans la location des sièges des ministères de la Justice, de la jeunesse et des sports, de l’enseignement supérieur, de l’enseignement technique, de l’action sociale, des hydrocarbures, des bureaux de la SONAP, du fer, de la Caisse de prévoyance sociale et tant d’autres ? Dites à la refondation, que ces perditions ne sont nullement du fait des puissances étrangères.
Selon le CNT, la refondation se définit aussi comme la non-rétrocession des ressources affectées à l’ANAFIC. Pour preuve, sur 268,836 Mds encaissée par le trésor public au compte du Fonds de Développement des Communes de Conakry (FODECCON), aucun franc n’a été rétrocédé à l’ANAFIC. Ça, ce n’est pas un héritage de la colonisation.
L’autre définition de la refondation, est la non-redistribution adéquate des ressources du Fonds FODEL pour les communautés. Sur 346,927 Mds encaissés, seulement 100 Mds ont été reversés aux collectivités. 100 Mds sur un montant global de 615, 763 Mds qui doivent normalement servir pour le développement local. Ce n’est pas nous qui le disons mais le CNT.
La refondation, signifie également le non-paiement de la subvention dédiée à l’hôpital Donka et le non-paiement de la contrepartie guinéenne conformément aux clauses contractuelles de gestion de ce centre hospitalier. La refondation doit s’acquitter de ses obligations pour que cessent les plaintes pour le retard dans le fonctionnement effectif des services de Donka. Ce n’est pas nous qui le recommandons, mais le CNT.
L’autre définition donnée à la refondation par le CNT, est le non-respect des dispositions de la lettre de cadrage du Premier ministre. Les 20 % d’allocation devant être déduits du budget de fonctionnement des ministères pour les services déconcentrés, est toujours en l’état d’un verre moitié vide moitié plein. C’est le CNT qui le dénonce.
Au CNT, il y a encore une autre définition essentielle de la refondation. C’est le faible niveau d’exécution de la dette intérieure. Pour une liquidation de 722 Mds sur 1000 Mds prévue en LFI 2023, le trésor public n’a pu payer que 355 Mds.
La poche trouée à la Caisse Nationale de prévoyance sociale, qui faisait payer à l’Etat plus de 124 milliards par mois dans le paiement des pensions, n’est pas encore fermée. Malgré le CNT et le Ministère du Budget ajoutent 4 Mds dans le panier de cette caisse au nom de la refondation.
Une autre définition non des moindres de la refondation, est le paiement de 75 000 aux préfets et 250 000 aux sous-préfets par mois comme prime de fonctionnement. Pourtant, le budget de leur département de tutelle dans la loi des finances initiales 2023 était de 1.826 milliards de francs. Posez la question au CNT.
Une dernière définition encore plus éloquente de la refondation, est le très faible taux d’exécution des dépenses d’investissement de l’Etat. Ça, ce n’est pas du fait de la démocratie.
En clair, que signifie la refondation du CNRD ? En attendant une réponse claire, prions que son avenir ne soit pas comme le souvenir du redressement du CMRN de feu Général Lansana Conté.
Mamoudou Babila KEÏTA