Le gouvernement guinéen a récemment rappelé aux acteurs miniers qu’ils doivent rapatrier au moins 50% des recettes issues des exportations minières avant le 31 août 2023, conformément au code minier . Le gouvernement a également indiqué qu’il disposait de leviers pour sanctionner les sociétés qui ne se conformeraient pas à cette exigence
Les règles et pratiques de rapatriement des devises des sociétés minières en Guinée sont complexes et sujettes à discussion car si la loi minière et la réglementation des changes sont claire, les conventions des sociétés en exploitation y dérogent.
Cet article donnera dans un premier temps un aperçu des règles et pratiques de rapatriement des devises des sociétés minières en Guinée, et dans un second temps, Il discutera également de quelques conventions qui dérogent à ces dispositions légales.
A- LES ARGUMENTS AVANCES PAR L’ETAT GUINEEN ( LE CODE MINIER ET LA REGLEMENTATION DES CHANGES EN REPUBLIQUE DE GUINEE) :
Art.12.- Les exportations de biens autres que les matières précieuses, quelle qu’en soit la destination, doivent être domiciliées auprès d’une banque de la place dès lors que la valeur FOB est égale ou supérieure au montant minimum fixé par les Autorités compétentes et ce, quel que soit son mode de financement. Une exemption de domiciliation ne peut être accordée que par la Banque centrale.
Art.15.- Le rapatriement du montant des exportations doit, sauf autorisation spécifique de la Banque centrale, intervenir dans un délai maximum de 90 jours à compter de la date d’expédition des marchandises.
Les conventions minières signées entre l’État guinéen et les sociétés minières complètent le cadre juridique du rapatriement des devises. Ces conventions fixent les conditions spécifiques d’exploitation des gisements miniers, ainsi que les droits et les obligations des parties contractantes. Elles prévoient généralement que les sociétés minières bénéficient de certaines facilités en matière de rapatriement des devises.
B- L’ultimatum du gouvernement pourrait épargner les sociétés CHALCO, HENAN DE CHINE, SPIC qui opèrent suivant les termes de L’ACCORD-CADRE AVEC LA CHINE Projet de route Coyah–Mamou–Dabola Mode de remboursement : Compte d’engagement qui reçoit les recettes minières destiné au remboursement de la dette C’est la BCRG qui donne l’ordre à la banque domiciliaire du compte, La banque publique chinoise Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) de payer.
C- Certaines entreprises bénéficient d’une dérogation partielle ou totale à l’obligation de rapatriement des devises en vertu de leurs conventions minières signées avec l’État guinéen avant l’entrée en vigueur du code minier de 2011 et d’autres après l’entrée en vigueur du Code de 2011. Ces conventions prévoient généralement que les entreprises peuvent conserver une partie ou la totalité de leurs recettes d’exportation sur des comptes ouverts à l’étranger, sous réserve d’en informer la BCRG et d’utiliser ces fonds pour financer leurs activités en Guinée ou rembourser leurs emprunts.
Les entreprises qui bénéficient d’une telle dérogation sont notamment :
–la SMB en vertu de : CONVENTION MINIERE DE LA CONCESSION DE SMB POUR L’EXPLOITATION DES GISEMENTS DE BAUXITE Y COMPRIS SANTOU II ET HOUDAENTRE LA REPUBLIQUE DE GUINEE (<«< ÉTAT >>) ET LA SOCIETE MINIERE DE BOKE (SMB)
« Article 30 : Garantie de tenue des comptes et Transferts en devises étrangères
(a) Pour les revenus découlant de la vente des produits et pour les autres capitaux en monnaie étrangère, il est autorisé à SMB, à ses Affiliés et aux Contractants du Projet constitués en Guinée d’ouvrir à l’étranger des comptes en devise étrangère auprès de banques commerciales étrangères d’envergure internationale et d’obtenir des prêts en dehors de Guinée en n’importe quelle devise. Ils n’ont pas l’obligation de rapatrier en Guinée les sommes créditées sur ces comptes en devise étrangère, exception faite des sommes requises pour les dépenses en tout genre qu’ils engagent en Guinée en Francs guinéens dans le contexte du Projet, étant stipulé que toutes les transactions et tous les mouvements financiers ayant trait à ses activités devront se refléter dans leurs comptes et les registres conservés en Guinée.
(b) Un compte en devises sera intitulé « nom du titulaire – Guinée >>(le «Compte Spécial »). Le Compte Spécial enregistrera exclusivement lesdits revenus. »
« L’Etat garantit à l’Investisseur que :
25.1. L’Investisseur, la Société, les Sociétés Affiliées et les Sous-traitants Directs sont autorisés à ouvrir et à maintenir des comptes en devises dans des pays étrangers auprès de banques commerciales étrangères de réputation internationale. L’Investisseur, la Société, les Sociétés Affiliées et les Sous-traitants Directs ne seront pas tenus de rapatrier en Guinée les sommes détenues dans ces comptes en devises à l’exception des sommes nécessaires aux dépenses de quelque nature que ce soit engagées par l’Investisseur, la Société, les Sociétés Affiliées et les Sous-traitants Directs. Sous-traitants en Francs Guinéens en Guinée dans le cadre du Projet, étant précisé que toutes les opérations et mouvements financiers correspondant aux activités de l’Investisseur doivent être reflétés dans la comptabilité nationale de la Guinée. »
« 33.5 SMM n’est pas tenue de rapatrier les montants en Francs Guinéens sur ses comptes en devises à l’étranger. SMM n’est pas tenue de rapatrier en Guinée les montants en devises sur ses comptes en devises. »
Le rapatriement des devises des sociétés minières en Guinée vise à renforcer la balance des paiements du pays, à soutenir le franc guinéen face aux fluctuations des monnaies étrangères, à favoriser le développement du secteur bancaire national et à financer les besoins en devises du pays. Il s’agit également d’un moyen de garantir que les richesses minières du pays profitent aux Guinéens et contribuent au développement économique et social du pays.
Le gouvernement devrait continuer à travailler avec les sociétés minières et le secteur bancaire pour simplifier le processus de rapatriement. Il doit également engager un dialogue constructif au cas par cas avec les sociétés exportatrices car comme on a pu le constater certaines conventions dérogent au principe.
Mohamed CAMARA, Economiste Consultant Associé Gérant du cabinet Conseil MOCAM CONSULTING