lundi, septembre 16, 2024
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Procès du 28 septembre 2009 : le résumé de la semaine du 17 juillet

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L’interrogatoire du capitaine Marcel Guilavogui s’est poursuivi cette semaine au Tribunal criminel de Dixinn délocalisé à la Cour d’Appel de Conakry. L’heure était aux questions de précision chez les avocats. Dans ses premiers éléments de réponse lundi, Marcel a révélé qu’il n’était plus d’accord avec Dadis quelque temps après la prise du pouvoir par le CNDD.

Le capitaine Marcel Guilavogui était interrogé ce jour par les avocats des parties civiles. Avant de commencer à répondre aux questions de Me Hamidou Barry qui a ouvert le bal, l’accusé a formulé des prières afin qu’il soit davantage protégé et guidé par son seigneur. Ensuite, il a affirmé qu’il n’était pas en bon terme avec le capitaine Moussa Dadis Camara lorsque ce dernier perdait le pouvoir. Leur rapport s’est détérioré après la prise du pouvoir selon lui, quand son ancien patron a décidé de créer autour de lui, une garde parallèle. Marcel Guilavogui a aussi réaffirmé que c’est l’ex-Chef du CNDD qui a planifié les événements du 28 septembre 2009. Lui n’a pas fait partie de cette planification parce qu’il n’était qu’un subordonné à l’époque, a-t-il tenté de se disculper.

 

Marcel ne s’oppose pas à une confrontation avec Toumba Diakité. Il l’a dit lundi en répondant toujours aux questions de Me Hamidou Barry.

Cet avocat des parties civiles avait rappelé les propos de l’ancien aide de camp du capitaine Moussa Dadis Camara. Monsieur Marcel, quelle réponse avez-vous à nous donner à cette déclaration du commandant Toumba dans son procès-verbal, quand il a dit, à leur descente des véhicules, ils se sont mis à tirer en parlant de vous ? « Je n’ai pas d’avis. Et je maintiens mes déclarations », a répondu l’accusé. Pourquoi lorsque le commandant Toumba Diakité vous a demandé d’arrêter les tirs, vous avez refusé ? insiste Me Hamidou Barry. « Je n’ai pas vu Toumba me dire d’arrêter de tirer. Je n’avais même pas d’arme. Comment il va me dire d’arrêter de tirer ? », a vigoureusement réagi le neveu de Dadis. Ensuite, l’avocat a cherché à savoir si l’officier est prêt à une confrontation avec le commandant Toumba Diakité. « Si le tribunal le trouve nécessaire, je ne peux pas m’opposer à ça », a-t-il coupé court.

 

L’officier confirme que Dadis a préparé son arrivée au pouvoir avant le décès du général Lansana Conté.

Depuis sa nouvelle comparution, il y a une semaine, le capitaine Marcel Guilavogui n’a cessé de dire qu’il venait de loin avec l’ex-chef du CNDD. Il en veut pour preuve les nombreux déplacements qu’ils ont effectués ensemble à travers le pays avant la prise du pouvoir. Des avocats des parties civiles comme Me Alseny Aissata Diallo ont cherché à comprendre ce qui se cache derrière cette affirmation. Où vous étiez allés avec le capitaine Moussa Dadis Camara ? a-t-il interrogé. « Pour ne pas dire que Marcel est de mauvaise foi, je vais vous expliquer de façon formelle », a entamé l’accusé. « On est parti d’abord à Koulé. Il avait le grade de lieutenant. On était en compagnie de deux ou trois personnes que je ne vais pas nommer ici. Après nous sommes allés dans la sous-préfecture de Péla dans un petit village où on a fait un petit sacrifice. On a mangé ce sacrifice à deux. Ce jour-là, c’est moi qui ai tiré trois coups de PMAK pour l’annonce du pouvoir. Ça c’est au temps de Lansana Conté », a ajouté le capitaine Marcel Guilavogui. Selon l’ancien garde du corps de l’ancien président du CNDD, le féticheur consulté à Pela avait demandé à Dadis de lui revenir un mois après la prise du pouvoir pour de nouveaux travaux. Ce qui n’a pas été respecté, a témoigné Marcel. L’avocat a voulu savoir davantage où ils sont passés. Mais, l’accusé ne l’entendait pas de cette oreille. « Je ne vais pas rentrer dans tous les détails. Vous savez, nous sommes Africains, il faut se protéger contre les intempéries des armes », a-t-il précisé.

 

Le procès s’est poursuivi mardi. Et Marcel a eu affaire aux avocats de la défense. Il a été question du retournement de veste chez l’accusé en premier lieu.

C’est Me Almamy Samory Traoré qui a ouvert le bal. Cet avocat de la défense du capitaine Moussa Dadis Camara a commencé par tenter de savoir ce qui a changé chez l’homme entre sa première et sa deuxième comparution, d’autant plus qu’il vient désormais à l’audience en boubou et un chapelet accroché au cou. « Rien n’a changé chez moi », a aussitôt réagi Marcel Guilavogui. Mais vous reconnaissez au moins que vous ne veniez pas avec le chapelet ? a insisté l’avocat. « C’est vous qui le dites. Moi je suis chrétien. Et je prêche la parole de Dieu », a répondu l’accusé. Me Almamy Samory Traoré a ensuite voulu savoir ce qui a motivé l’adoption de la stratégie visant à opter pour le silence au début. « J’ai beaucoup expliqué mon silence. Je crois bien que c’est largement suffisant. Non seulement c’était une stratégie, mais aussi pour préserver ma propre vie », a rappelé l’ex-garde du corps de Dadis. Marcel reconnaît avoir été arrêté le 31 mars 2010, alors que Dadis est parti du pouvoir. Mais, dit-il, il y avait toujours des menaces qui planaient sur lui, parce que les proches de l’ancien président du CNDD comme le colonel Moussa Tiegboro Camara et le général Baldé, ex-haut commandant de la gendarmerie, étaient toujours aux commandes. En réplique à cette réponse de l’accusé, Me Almamy Samory Traoré a rappelé que Marcel avait déclaré qu’après le départ de Dadis du pouvoir, toutes les personnes supposées proches de l’homme comme lui, ont été traquées.

 

Marcel insiste sur la responsabilité de Dadis dans les évènements du 28 septembre 2009, même s’il manque de preuves matérielles. C’était d’ailleurs l’objet d’une des questions d’un des avocats du colonel Claude Pivi.

Tout au long de sa nouvelle comparution, le capitaine Marcel Guilavogui n’a cessé d’accuser son ancien patron d’avoir planifié les événements du 28 septembre 2009. Puisqu’il était désormais interrogé par les avocats de la défense, certains comme Me El hadj Fodé Kaba Chérif, ont cherché à savoir s’il a des preuves pour étayer ses affirmations. Est-ce que vous avez la preuve que c’est le capitaine Moussa Dadis Camara qui a commandité et orchestré tout ce qui s’est passé au stade du 28 septembre en 2009 ? « Rien ne pouvait se passer dans l’armée sans qu’il ne le sache. Depuis la commission du massacre du 28 septembre 2009, il n’a même pas pu arrêter une seule personne. Il était le président, le commandant en chef des forces armées. L’armée, c’est un nom commun. Même si c’est un seul élément qui gâte dans l’armée, c’est le commandant en chef qui a gâté. Ça, c’est la logique militaire. C’est donc l’armée qui a gâté, et c’est cette armée qui est en face du tribunal aujourd’hui », a répondu l’ex-garde du corps de l’ex-chef du CNDD. Pour Marcel donc, c’est cela son raisonnement. C’est cela la preuve que c’est Dadis qui a planifié les événements du 28 septembre 2009. Cependant, il avoue qu’il n’a ni vidéo ni photo, en guise de preuve.

 

Au cours des débats et contre toute attente, le capitaine Marcel a révélé qu’il a un projet de livre.  

‘’Le guide de l’homme perdu’’, c’est le titre de l’ouvrage du capitaine Marcel Guilavogui. Il l’a annoncé mardi au Tribunal. L’officier répondait aux questions de Me Jean Moussa Sovogui, un des avocats du colonel Moussa Tiegboro Camara. Ce dernier voulait savoir pourquoi l’accusé n’a pas fait de déclarations spontanées quand il a décidé de reprendre la parole pour dit-il, dire sa part de vérité. Pourquoi vous vous êtes livré monsieur Guilavogui à une longue et si difficile lecture à cette barre de vos notes ? a interrogé l’avocat. « C’est moi qui me suis assis pour écrire ça. Je ne l’ai pas fait un seul jour. Je suis en prison, ça fait 14 ans. J’ai déjà fait un livre. Et ça va vous étonner.  » Le Guide de l’homme perdu », c’est le titre », a annoncé spontanément Marcel Guilavogui, avant d’ajouter : « quand tu le lis, tu trouveras le chemin ».

 

Tout au long de son interrogatoire, Marcel Guilavogui n’a cessé d’égratigner le colonel Moussa Tiegboro Camara. Il est allé jusqu’à l’accuser de trafic de drogue sous le CNDD.

Depuis qu’il a repris la parole, il y a plus d’une semaine, l’ex garde du corps de l’ex-chef du CNDD n’a jamais lâché les baskets à l’ex ministre secrétaire général chargé des services spéciaux. Au terme de son interrogatoire dans la soirée du mardi, Marcel l’a accusé de trafic de drogue. Il répondait à cette question de son propre avocat : Le service anti-drogue de Tiegboro poursuivait tout crime. La drogue, on ne rend pas compte, la voiture on ne rend pas compte, les biens, on ne rend pas compte. Quel rôle Tiegboro jouait dans ce pays ? a interrogé Me Mohamed Abou Camara. « Maître vous êtes un bon avocat. Je vais attirer l’attention du tribunal sur un point. Il y a eu des arrestations faites par Moussa Tiegboro Camara et ses hommes. Où est partie la drogue issue de ces arrestations ? Ce sont ces drogues-là qu’il vendait et qu’il partageait avec le président Dadis. C’est pourquoi ils sont devenus riches. C’est ça la vérité. Ils se sont enrichis dans le dos des autres en vendant ces drogues », a-t-il révélé sans en brandir la moindre preuve cependant. Pour Marcel, si on doit incinérer la drogue, c’est l’autorité judiciaire qui l’ordonne. C’est cette accusation qui a mis fin au nouvel interrogatoire du capitaine Marcel Guilavogui. A part Me Almamy Samory Traoré, les autres avocats du capitaine Moussa Dadis se sont abstenus d’interroger l’accusé. Ceux du commandant Toumba Diakité aussi.

 

Après l’interrogatoire du capitaine Marcel Guilavogui, la déposition des victimes a repris mercredi. Abdoul Hamid Diallo a été le premier à être invité à la barre.

Abdoul Hamid Diallo est un comptable âgé de 43 ans. Il est parti du quartier Carrière où il habitait pour le stade dans la matinée du 28 septembre 2009, a-t-il expliqué. Avant d’y arriver, a-t-il confié, lui et ses amis ont rencontré des obstacles. D’abord au rond-point de Hamdallaye, puis à la Belle vue et à Dixinn, non loin de la pharmacie Manizé. A ce niveau, a affirmé Abdoul Hamid, le colonel Moussa Tiegboro Camara a tenté de les empêcher de poursuivre leur chemin en tenant des propos offensants et menaçants, mais sans succès. L’officier et ses hommes ont fini par céder suite à la pression des manifestants, a ajouté le plaignant. Après son arrivée à la terrasse, il a constaté l’ouverture de la porte du stade qui était pourtant fermée. Abdoul Hamid Diallo a été informé par Dame Yarie Briki du meurtre de deux personnes, mais il a poursuivi son chemin dans l’enceinte du stade, a-t-il rappelé. Aussitôt arrivé, un de ses frères l’appelle à partir de Madina pour lui demander de sortir après avoir vu des bérets rouges se ruer vers le stade, a témoigné Abdoul Hamid Diallo.

 

C’est dans ce contexte que ce plaignant dit avoir entendu des coups de feu.  Et comme tous les autres manifestants, lui aussi a commencé à se chercher quand il a vu les bérets rouges entrer au stade en tirant.

C’est effectivement ce qu’il a confié au tribunal. Suite à l’irruption des militaires, Abdoul Hamid Diallo dit avoir fait beaucoup d’allers et retours dans ce complexe sportif. Et c’est après plusieurs tentatives, qu’il est parvenu à sortir du stade côté Landréa. Il dit être tombé sur des militaires qui l’ont embarqué dans un de leurs camions, alors qu’il venait de recevoir un coup de la part d’un agent après avoir été dépossédé de ses 22 mille francs guinéens par d’autres. Lui et d’autres manifestants ramassés en cours de route sont conduits au camp Alpha Yaya Diallo. D’abord au QG du CNDD où certains parmi eux ont été débarqués et menacés à coups de machettes, a révélé la victime. Abdoul et 56 autres personnes interpellées sont ensuite conduits dans les locaux des services spéciaux, dirigés à l’époque par le colonel Moussa Tiegboro Camara. Là-bas, il dit avoir été témoin de beaucoup d’exactions sur des manifestants interpellés. Abdoul Hamid informe avoir subi des préjudices moraux et physiques, même s’il a été épargné de certains sévices corporels après s’être présenté comme un journaliste lorsqu’il a été arrêté au stade. Selon Hamid, au stade, il a pu compter lui-même 6 corps. Il tient le capitaine Moussa Dadis Camara pour responsable des événements du 28 septembre 2009 et demande que justice soit faite.

 

Le même jour, Amadou Bah aussi a fait sa déposition. C’est une nouvelle victime.

Amadou Bah est un marchand. Il est né en 1972 à Lélouma. Lui a porté plainte pour coups et blessures. Selon le quinquagénaire, il est parti de chez lui à Dixinn mosquée pour le stade, dans la matinée du 28 septembre 2009 en vue de participer au meeting des Forces vives de la Nation. Pour un début, il rebrousse chemin pour avoir trouvé les portes du stade fermées. Il est rappelé par ses amis pour lui dire que les portes sont désormais ouvertes. Il revient et entre dans l’enceinte du stade, a-t-il expliqué. Il trouve alors la tribune pleine et prend place au niveau de la zone appelée Sahara. Quelque temps après, a affirmé le plaignant, les tirs commencent. En dépit de tous les efforts qu’il dit avoir déployés, il n’a pas pu se frayer un chemin. Des agents ont fini par tirer sur lui au niveau du pied, a révélé Amadou Bah. Il accuse principalement les éléments du colonel Moussa Tiegboro Camara. Après avoir reçu une balle, il est secouru par la Croix rouge avant d’être hospitalisé à Donka. Il dit avoir trouvé d’autres personnes dans cet établissement hospitalier. Le jour où il y est arrivé, trois de ses compagnons d’infortune ont trouvé la mort devant lui, a témoigné le militant de l’UFDG. À l’hôpital Donka, il dit avoir passé trois mois sans recouvrer sa santé. Selon lui, il continue de traîner les séquelles de ses blessures et tient les autorités d’alors pour responsables de sa mésaventure. Amadou Bah aussi demande justice. C’est sa déposition qui a clôturé les trois journées d’audience de cette semaine. La suite du procès est renvoyée au 24 juillet prochain.

Sékou Diateya pour Laguinee.info

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