En Guinée bon nombres de personnes ignorent l’existence de la dépression qui, pourtant est une maladie et un fait social récurrent et continue à faire assez de victimes dans la société Guinéenne.
À cause de cette maladie, plusieurs personnes souffrent en silence et n’ont pas le courage d’en parler autours d’elles de peur qu’elles ne soient pointer du doigt. Pour en savoir plus sur cette pathologie, une journaliste de Laguinee.info a est allée à la rencontre du Dr Amadou Oury Sy, coordinateur du programme Santé Mentale au sein de l’ONG Fraternité Médicale Guinée
À l’entame, le médecin a d’abord commencé par définir la pathologie. « D’une manière très simple et courte, la dépression est une maladie psychiatrique, donc c’est une maladie qui affecte le psychisme. C’est-à-dire, c’est une maladie qui touche l’homme dans son ensemble à travers ses idées, à travers son esprit donc, ce n’est pas une maladie qu’on touche, ce n’est pas une maladie qu’on mesure comme la tension, non ! Elle se manifeste par une baisse d’énergie de la personne qui était vraiment active, par un replie sur soi-même, en essayant d’éviter le monde. On se replie sur soi-même, on pense qu’on a plus la force de faire le quotidien. Ça se caractérise par aussi des troubles de sommeil, la personne peut-être isolée, elle ne dort pas, elle ne mange pas, elle garde le lit longtemps sans dormir. Voilà les signes les plus marquants, c’est-à-dire l’intéressé pense qu’il n’a plus d’intérêt ni pour lui-même, ni pour sa société et ni pour la vie. C’est pourquoi, à un degré supérieur, ces genres de malades peuvent avoir des idées suicidaires », explique-t-il
Et d’ajouter, il mentionner les facteurs déclencheurs de la maladie. « Les facteurs qui peuvent déclencher cette maladie sont divers, comme je l’ai dit à l’entame, c’est une maladie psychiatrique, ce n’est pas un microbe qui rentre pour déclencher cette maladie, ni un parasite et moins un virus. Elle est multi-formes mais d’après ma petite expérience, les facteurs sociaux prédominent dans le déclenchement de la dépression. L’environnement social à un gros poids dans le déclenchement de cette maladie qu’on appelle la dépression. Ce n’est pas une maladie héréditaire, ce n’est pas une maladie physique, c’est une maladie qui résulte des idées, des pensées. Des conflits sociaux par exemple peuvent amener une personne à penser, à réfléchir jusqu’à tomber dans la dépression. Les facteurs qui peuvent qu’une personne soit jugée par sa communauté, par son cercle social, ce sont des facteurs qui peuvent vraiment déclencher un tableau dépressif. Parce que, quand on a vraiment des gros soucis et qu’on ne trouve pas une porte de sortie, ça nous amène à réfléchir et si on réfléchit beaucoup, on reste dans notre trou. Chez certaines personnes ayant des pathologies chroniques qui peuvent developper ses états dépressifs, nous rencontrons souvent des immunodépressifs, c’est des personnes vivants avec le VIH. La personne a une maladie, une maladie stigmatisée, une maladie dont toutes les appréciations sont négatives. Si tu as le VIH, tu n’oses même pas l’annoncer, rester comme ça sans vraiment l’annoncer à ses pairs, cela peut conduire vers un tableau dépressif », a-t-il fait savoir.
Plus loin, dans ses propos, Dr. Amadou Oury Sy, énumère les moyens qui peuvent être mis en place pour lutter contre cette maladie. « Quelqu’un qui est dépressif a besoin des anti- dépresseurs qui, normalement sont prescrits après une évaluations cliniques. Il y a des structures qui peuvent faire vraiment la prise en charge de cette pathologie. C’est aussi de vulgariser cette prise en charge parce qu’aujourd’hui des problèmes psychiatriques ne sont pas seulement la dépression. Une bonne communication permet de préparer les gens à résister à certaines situations sociales qui peuvent les amener à se retrouver dans un trou noir », a-t-il poursuit.
Pour briser le silence, Fatoumata Binta Barry, étudiante en licence 2 à l’université Lansana Conté de Sonfonia, département des Sciences du Langage, dépressive depuis deux ans, explique cette partie sombre de sa vie.
« Je souffre de la dépression depuis 2021, cela fait donc deux ans que j’en souffre. En 2021 j’ai subi un harcèlement psychologique de mes proches qui était assez difficile et cela a duré des mois, je vivais avec ces personnes, donc j’étais tous les jours stressées et le stress du bac s’ajoutait aussi puisque j’étais en classe de terminale. À l’approche du bac, j’ai commencé à avoir des sensations étranges, je commençais à perdre intérêt sur des choses qui me rendait heureuse avant. J’avais l’impression de perdre mes émotions rien ne me faisait plaisir je me souviens que je n’arrivais plus à être heureuse en regardant des mangas (films de dessins animés ndlr), pourtant c’est la chose que j’aime le plus. Je mettais tout cela sur le bac et je pensais que ça allait passer. Au contraire, cela a en piré, j’ai commencé à beaucoup angoisser surtout pour mon avenir et mon cerveau ne s’arrêtait pas de penser, j’avais des idées noires et bizarres du genre même si tu révises, arriver au bac. tu pourras pas écrire, donc tu vas échouer et bizarrement j’en croyais fermement. Je me souviens le premier jour du bac, j’ai fait ma première crise d’angoisse que j’étais incapable d’écrire et je me suis sentie très mal après. Après les résultats du bac, j’étais admise je croyais que c’était fini mais au contraire les symptômes se sont accentués. J’étais plongée dans une grande tristesse, je ressentais un désespoir, comme si ma vie était finie parce que je serais plus comme avant. J’avais aussi peur de sortir j’arrivais plus et si je forçais la situation, j’avais des coulées de sueurs, des mains qui tremblaient et mon cœur qui battait très fort. Le plus difficile était les pensées noires car mon cerveau n’arrêtait pas de me dire les pires horreurs sur moi. Après une nuit d’insomnie, j’en ai parlé à mes parents mais ils pensaient que c’était quelque chose de mystique et je voulais pas trop les effrayer ensuite j’en ai parlé à ma grande sœur elle m’a directement comprise et réconfortée, elle m’a dit que mon mal était une maladie et que ça se soigne », a raconté la jeune étudiante.
Et d’ajouter, « c’est la religion qui m’a beaucoup aidée, je m’accrochais à cet espoir que Dieu me sauverait et je voudrais remercier ma sœur, elle m’a toujours soutenue et montrée qu’il y a toujours de l’espoir. Et aujourd’hui encore je vis comme ça, en attendant de trouver un psychologue et l’aide dont j’ai tant besoin », a fait savoir Fatoumata Binta Barry.
A noter que selon Dr. Amadou Oury Sy, la dépression se soigne. « Si tu te soignes, tu t’en sors ! », soutient le médecin.
Aminata Bah pour Laguinee.info