Les sommets de la CEDEAO se succèdent et se ressemblent depuis que des colonels, même pas de concert, ont décidé de s’emparer du pouvoir et jouer leur partition dans trois pays de l’Afrique de l’Ouest.
Dans des registres certes différents, ils font leurs gammes à travers la gestion de transitions qui sont censées être porteuses d’espérances.
A la CEDEAO, on se réunit dans telle ou telle capitale, avec un protocole réglé comme du papier à musique, et on débite quasiment à la manière du flow des rappeurs, des principes auxquels l’on ne se plie pas toujours soi-même, on lance quelques vagues menaces généralement sans conséquences, puis on programme la prochaine rencontre.
La même rengaine quoi.
Il faut noter tout de même quelques petites sensations à la rencontre de Bissau. Comme la prestation du nouveau président en exercice de l’organisation régionale, le successeur de Buhari à la tête du grand Nigeria (aux pieds d’argile ?). L’ancien gouverneur de Lagos qui appelle à un sursaut de la part de l’entité, a cru le moment opportun pour donner le la. Il promet la fin du « game » pour les terroristes et les putschistes dans cette partie-ci du continent.
Alors qu’il est peu évident qu’un combat aussi gigantesque soit dans les cordes de la CEDEAO. Pour ressusciter un machin du genre ECOMOG, il va falloir d’abord accorder les violons avec ses pairs. Même si l’on n’a pas des Stradivarius, tout le monde devrait au moins, pour une question d’harmonie, se mettre au même diapason. Pas sûr que tous l’entendent de cette oreille là.
L’écho des fausses notes de la guerre du Liberia résonne encore dans les tympans et le souvenir du fiasco enregistré par les Casques Blancs reste gravé dans les esprits, tandis que l’incapacité de l’armée nigériane à mettre Boko Haram hors d’état de nuire est d’une actualité brûlante. Évidemment, quand Bola Ahmed Tnibu chante à tue-tête son aversion pour les putschistes de tout poil, l’on se dit qu’il sait au moins de quoi il parle, puisque citoyen de l’un des pays précurseurs et champions des coups d’Etat militaires sur le continent.
La seconde sensation, qui a fait peut-être le bonheur de plus d’un mélomane au pays du Tabanka Jazz et de Fonseca, c’est la découverte des « talents » de guitariste du général à la retraite et chef de l’Etat. Son jeu a pu écorcher quelques oreilles habituées aux doigtés chaloupés d’un Mark Knofler, B. B. King, Éric Clapton, Docteur Nico Kasanda et autres Sékou Bembeya, mais le divertissement proposé par Emballo a sans doute aidé à détendre l’atmosphère en ces temps de crise. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs ?
Que cette assertion sonne juste ou faux dans la réalité, il faut remarquer que le 4e art s’est souvent trouvé une place de choix dans les palais présidentiels.
Les exemples abondent.
À la Maison Blanche, Thomas Jefferson, troisième président américain et l’un des Pères fondateurs des USA, disait de la musique : « c’est la passion préférée de mon âme » ! Paroles d’un violoniste accompli et violoncelliste talentueux.
Quant à Harry Truman, excellent pianiste et 33e président des Etats-Unis, il répétait tous les jours de cinq à sept heures du matin, et ce même pendant sa présidence.
Bon, en pensant à l’assertion évoquée plus haut, il faut dire que c’est quand même lui qui occupait la Maison Blanche quand des avions américains ont largué en août 1945 la bombe atomique sur Hiroshima et Nagasaki. Comme quoi..
Particulièrement attaché aux œuvres pour piano de Mozart et de Chopin, Truman, quelques jours avant, interprétait au piano la musique de ce dernier à la Conférence de Potsdam face à Winston Churchill et Joseph Staline.
Et que dire de Bill Clinton, sinon qu’il n’est jamais loin de son saxophone. Sa femme, Hillary Clinton, décida même de transformer l’un des salons de la Maison Blanche en salle de répétition insonorisée, afin que le président puisse jouer sans déranger le reste de son équipe.
Qu’en est-il du côté de la France ?
À propos de Macron, lors de la campagne présidentielle de 2017, certains médias ont révélé à l’époque une anecdote sur le candidat : il a été pianiste pendant 10 ans, et a même reçu le 3ème prix au conservatoire d’Amiens.
En Afrique, comment ne pas évoquer le charismatique capitaine Thomas Sankara qui, entre autres aptitudes, savait si bien jouer des arpèges et plaquer des accords sur le manche d’une guitare ?
Pour revenir à la symphonie (inachevée) de la CEDEAO, peut-être qu’à défaut de changer de disque, elle ferait bien d’arrêter de jouer à contretemps ou, pire, de multiplier les fausses notes.
On connaît la chanson !
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