Quelques semaines après son putsch du 5 septembre 2021, le CNRD, à travers celui qui semblait être son deuxième personnage, a rendu public un communiqué interdisant toute manifestation sur la voie publique . Sur le plan de la légalité, on peut bien se demander sur quelle base un simple communiqué peut interdire ou restreindre une liberté fondamentale comme celle de manifester.
La junte militaire, acculée et dos au mur face aux critiques, a été contrainte de faire un rétropédalage dans sa communication.
En effet, le porte-parole du Gouvernement et le ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation ont déclaré que les manifestations n’étaient interdites que sur la voie publique et dans les quartiers où elles sont susceptibles d’entraîner des violences. Confondant la liberté de manifestation et la liberté de réunion, ils ajoutent que les manifestations peuvent avoir lieu aux sièges des partis politiques. C’est comme si la liberté de manifestation était destinée uniquement pour les partis politiques. Qu’en est-il des organisations de la société civile Comme le FNDC ?
Ousmane Gaoual Diallo est allée jusqu’à déclarer sur RFI que les manifestations n’ont jamais été interdites. C’est l’internationalisation du mensonge.
Pour ajouter l’incohérence à l’incohérence, l’arrogance à l’arrogance et l’ignorance à l’ignorance, c’est un certain Bakary Keita qui met au défi quiconque de prouver que le CNRD a interdit les manifestations.
Au-delà de cette légèreté au plus haut sommet, ce qui est frappant, c’est le mensonge qui caractérise la communication officielle. Comment comprendre que, d’un côté, les manifestations soient systématiquement interdites et réprimées dans le sang et de l’autre, dire qu’elles ne sont pas interdites?
Par ailleurs, Mory Condé, le ministre de l’Administration du Territoire de la Décentralisation après avoir perdu la partie contre le FNDC menaçait récemment de retrait de leur agrément les partis politiques qui organiseraient une manifestation sans l’encadrer. Cette déclaration suffit à elle seule pour montrer toute l’étendue du manque de culture juridique de ce ministre qui ne doit sa fonction qu’à sa proximité avec le chef de la junte. Pour sa gouverne, il convient de noter qu’un parti politique ou mouvement citoyen ne peut pas encadrer une manifestation qui est interdite. Sans compter que l’encadrement d’une manifestation ne relève pas exclusivement des organisateurs de la manifestation. Cela relève à titre principal de l’État.
Pour aller plus loin dans les mensonges, Mory Condé affirmait encore il y a quelques jours que c’est le maire de la Commune de Ratoma qui a requis les forces armées pour maintenir l’ordre public sur » l’Axe » à l’appel de manifester des FVG. Ce ministre sait-il réellement de quoi il parle ? Aucune disposition de la loi relative au maintien de l’ordre public ne donne à un maire le pouvoir de requérir les forces armées. L’article 28 sur lequel il se fonde ne fait qu’énumérer les autorités habilitées à demander concours ou à requérir les forces de défense et de sécurité. Ce qui ne veut pas dire que n’importe quelle autorité peut de demander concours ou requérir n’importe quelle force. En réalité, Mory Condé ignore totalement qu’on ne lit pas un texte de loi comme un journal. Le pouvoir de requérir les forces armées appartient exclusivement au président de la République et dans le cadre de l’état de siège ou de l’état d’urgence. C’est ce qui ressort de la lecture combinée des articles 3 et 28 de la loi sur le maintien de l’ordre public et 90 de la constitution de 2010 dont les dispositions ont été reprises mutatis mutandi par celle de 2020 suspundue par les putschistes. Il est d’ailleurs important de distinguer une demande de recours et une réquisition.
Tous ces errements dans la communication et dans la compréhension de la loi indiquent qu’il y a des ministres pour lesquels le costume de la fonction est trop grand.
Malheureusement, c’est cela aussi la marque de la gouvernance CNRD : le népotisme et le copinage. Un CNRD qui avait promis pourtant de rompre avec les pratiques du passé. Aujourd’hui, la déception est à la mesure des espoirs suscités par la junte militaire. Le Guinéen apprend à ses dépens qu’il ne doit plus se fier aux discours, aussi alléchants soient-ils.
SEKOU KOUNDOUNO
RESPONSABLE DES STRATÉGIES ET PLANIFICATION DU FNDC