Au procès des événements du 28 septembre 2009, les victimes continuent de défiler à la barre. Lundi dernier, c’est Oumar Diallo qui a ouvert le bal.
Oumar Diallo est né en 1967 à Labé. Il se dit victime de coups et blessures. Dans la matinée du 28 septembre 2009, impressionné par la foule, il dit s’être joint aux manifestants au niveau de Hamdallaye, à destination du stade du 28 septembre. En face de l’école primaire de Dixinn, la foule se heurte à l’équipe du colonel Moussa Tiegboro Camara, dans un véhicule blindé avec à ses côtés deux bérets rouges. Quiconque entre au Stade, le regrettera, aurait menacé l’officier supérieur. Selon Oumar Diallo, quelques moments après, il entrera dans l’enceinte sportive en même temps que les leaders politiques. Les discours commencent alors dans une fièvre populaire. Soudain, les bérets rouges font irruption, a témoigné la victime.
Selon cette partie civile, c’est sur fond de panique qu’il a fui pour tenter de sortir du stade.
Au niveau d’un premier portail par lequel il voulait sortir, un béret rouge a tiré sur quelqu’un devant lui, a affirmé Oumar Diallo. Le même militaire lui a donné des coups sur la tête, après avoir tenté de tirer sur lui, mais sans succès, a-t-il ajouté. Pendant qu’il avait perdu connaissance, les gens marchaient sur lui, a expliqué le plaignant. Vers d’autres issues, il dit avoir croisé de nombreux policiers et gendarmes. 10 agents l’ont alors pris à partie, bastonné à l’aide des matraques avant de le traîner sur des blessés et des corps. C’est dans ces conditions qu’il dit avoir vu d’autres agents déshabiller une fille et ramasser des corps. Quelque temps après, il a pu s’échapper pour sortir vers la Pharma Guinée. Il rentre dans le quartier, et au niveau des Cases de Belle vue, il dit avoir trouvé un groupe de militaires. Ayant pris peur, il emprunte les routes secondaires pour sortir vers la route Momo Liberté pour rallier son domicile à Hamdallaye en passant par Haffia et Concasseur. Il a révélé qu’il est arrivé à la maison avec ses deux bras fracturés et des traces de bastonnade sur tout le corps. Selon lui, à ce moment, il n’osait pas aller à l’hôpital à cause des menaces. Il a donc commencé ses premiers soins chez un tradipraticien. Deux jours après, a-t-il précisé, il est venu à Donka où il a été pris en charge. Il accuse principalement le colonel Moussa Tiegboro Camara d’être responsable de sa mésaventure.
Oumar Diallo a été succédé à la barre par Safiatou Sow.
Safiatou Sow s’est présentée comme une marchande âgée de 70 ans. Elle dit s’être constituée partie civile pour avoir perdu son mari lors des événements du 28 septembre 2009. Selon la septuagénaire, dans la matinée du 28 septembre, son époux est sorti de la maison pour le stade en compagnie d’un de ses cousins du nom d’Abdourahamane, une autre personne du nom de Saikou Oumar et une dame du nom de Mariama Ciré. Elle dit avoir été informé de la mort de son mari au stade par les amis de ce dernier. En dépit des recherches dans les hôpitaux et dans des lieux de détention, a révélé la plaignante en pleurs à la barre, le corps de Mamoudou Diallo puisque c’est de lui qu’il s’agit, n’a jusqu’ici pas été retrouvé. L’homme a laissé derrière lui, 5 enfants, a déclaré Safiatou Sow.
Après Safiatou Sow, c’est Mafering Soumah qui a comparu. C’est une marchande née en 1980 à Conakry qui se dit victime de coups et blessures.
Le 28 septembre 2009, elle est partie de chez elle à Matam pour le stade aux environs de 10h30, a-t-elle rappelé. Cette militante de l’UDG dirigée par El hadj Mamadou Sylla a témoigné des violences qui ont caractérisé l’irruption des militaires dans cette enceinte sportive aux environs de 11h. Elle porte plainte pour coups et blessures. Dans les détails des faits, elle a révélé avoir été prise à partie par des bérets rouges. Mafering Soumah a ajouté qu’elle a été ensuite bastonnée à l’aide de bois jonchés de pointes. Même si elle parle de bérets rouges, la plaignante déclare qu’elle n’est pas en mesure d’indexer ses agresseurs. Pour être tombée malade suite aux violences dont elle dit avoir été victime, Mafering dit avoir pris trois mois pour se rétablir. Elle a été prise en charge d’abord par Mamadou Sylla, puis par l’OGDH, l’ONG Terre des hommes et l’AVIPA, a confié la quadragénaire.
Cette première journée de la semaine a été bouclée par la comparution de Salimatou Barry, âgée de 36 ans.
Dans la matinée du 28 septembre 2009, Salématou Barry était auprès de sa sœur qui vendait du riz à Dixinn, loin d’elle l’intention de participer à la manifestation, a-t-elle commencé par préciser. Elle s’est vue emportée par l’euphorie qui caractérisait la ruée de la foule vers le stade. Elle appelle alors sa copine du nom de Aïssatou Camara aux environs de 9h pour aller participer au meeting. Au moment où elles arrivaient à la terrasse, les leaders n’étaient pas arrivés, le portail n’était pas ouvert, a-t-elle ajouté. Quelque temps après, s’est souvenue la partie civile, le colonel Moussa Tiegboro Camara est arrivé en sensibilisant les manifestants de ne pas entrer au stade, mais il n’a pas été écouté. Salématou Barry a révélé que les portes du stade ont été ouvertes en sa présence, même si elle n’a pas dit clairement qui l’a fait. Par la suite, elle dit être entrée dans l’enceinte du stade en compagnie de sa copine. Après l’arrivée des leaders, Salématou et sa copine reçoivent 20 mille francs chacune des mains de Bah Oury pour avoir esquissé quelques pas de danse, a-t-elle expliqué. Quand elles sortaient du stade dans l’intention d’aller chercher à manger, elles ont aperçu les militaires venir sur fond de tirs. Après avoir fui, elles sont interceptées par des bérets rouges qui arboraient des mouchoirs rouges parsemés de cauris, avant d’être bastonnées. Elle a perdu connaissance suite aux bastonnades avant de se retrouver à Donka. Selon elle, sa copine Aïssatou Camara a été violentée de telle sorte qu’elle a eu des côtes cassées. C’est en pleurs que la plaignante a révélé que cette dernière a trouvé la mort suite aux blessures qu’elle a subies au stade, parce que ces parents manquaient de moyens pour la soutenir. La victime a demandé de l’aide au tribunal en vue de soutenir la famille de sa copine qui selon elle, ne serait pas décédée, si elle ne l’avait pas invité au stade.
Mardi, c’est une seule victime qui a été entendue. Il s’agit de Sékouna Barry. Il est né en 1971 à Télimélé.
Le plaignant rappelle qu’il est parti de Bambeto pour le stade le 28 septembre. Ayant trouvé les portes du stade ouvertes, il y est entré comme beaucoup d’autres manifestants, a-t-il déclaré. La victime dit avoir eu le temps de prier avant l’irruption des militaires. Sékouna Barry a ajouté que pendant qu’il tentait de sortir, il est intercepté par des bérets rouges. Un d’entre ces derniers a voulu le poignarder au niveau de son œil droit, c’est son oreille qui a été finalement atteinte lorsqu’il a tenté d’esquiver le coup, a-t-il témoigné. Sékouna Barry est ensuite embarqué dans un véhicule par les mêmes agents. Du stade, il dit avoir été conduit à Bomboli. Pour avoir été lui seul séparé de ses compagnons d’infortune, il a pris peur et tenté de s’en fuir. Un de ses agresseurs armés a tiré dans sa direction pour d’abord le déséquilibrer ensuite le reprendre, a relaté la partie civile. Sur place, Sékouna dit avoir reçu 9 coups de poignards sur plusieurs parties du corps avant d’être abandonné à son sort par ses agresseurs qui le donnaient pour mort. Il est alors secouru par des riverains puis par la Croix rouge qui l’a amené à l’hôpital Donka.
Sékouna a rappelé le passage du capitaine Moussa Dadis à l’hôpital Donka avant de revenir sur ses conditions de vie actuelles.
Effectivement, la partie civile s’est souvenue du passage du capitaine Moussa Dadis Camara dans cette structure sanitaire en compagnie de Blaise Compaoré, l’ex président Burkinabè lorsque ce dernier était en visite en Guinée. « On les a conduits dans notre salle. De lit en lit, Dr Kaba qui était là-bas à l’époque a expliqué la situation de chaque malade. A mon niveau, le médecin a dit que je suis arrivé à la dernière minute. Que c’est parce je suis costaud que j’ai pu supporter les coups. Le président Dadis m’a pris le pied pour me demander pardon à cause de Dieu », a rappelé Sékouna Barry. Après avoir été pris en charge pour un début, la suite de ses soins a été assurée par sa mère qui selon lui, a même été obligé de revendre sa maison à Sonfonia. Sékouna Barry dit qu’il continue de ressentir les séquelles de ses blessures. Le quinquagénaire informe qu’il n’a plus de femme. Son épouse qui a fait cinq (5) enfants pour lui, l’a abandonné, a-t-il regretté. Il regrette également d’avoir perdu son boulot, car le propriétaire du camion qu’il conduisait le lui a retiré depuis très longtemps.
Mercredi, le procès s’est poursuivi avec toujours la comparution des parties civiles. Fadima Barry a été la première à comparaitre ce jour.
Fadima Barry est médecin. Elle est née en 1958 à Dinguiraye. La sexagénaire a porté plainte pour coups et blessures. Elle était au stade aux côtés des leaders des forces vives de la nation, à l’époque en tant présidente de parti politique, a expliqué la victime. Elle a rappelé que les tirs sont intervenus au moment où les discours avaient commencé. La partie civile a témoigné des violences dont ses compagnons comme Cellou Dalein Diallo ont été victimes. Pendant qu’elle cherchait à se sauver, elle dit avoir reçu des violents coups de cross, de gourdins, de matraques et de bottes dans le dos par des agents qu’elle rencontrait dans la débandade. Après avoir été violentée, elle est embarquée dans des conditions pénibles avec d’autres manifestants pour la CMIS de la Camayenne, a décrit la victime. Là-bas à part le reproche qui lui a été fait d’avoir suivi les leaders politiques, elle n’a pas été agressée, a confié la plaignante. Fadima Barry recouvre sa liberté au même titre que 7 autres dames à la demande du commandant de cette compagnie, même si l’adjoint de ce dernier a voulu s’y opposer, a-t-elle témoigné. De 2009 à nos jours, elle se bat pour être rétablie, a-t-elle dit. La sexagénaire demande justice, et sollicite de l’aide pour une prise en charge appropriée de toutes les victimes malades.
Pour finir, c’est la comparution de Mamadou Alimou Bah qui a clôturé la semaine. Il s’agit d’un chauffeur âgé de 41 ans. Il s’est aussi constitué pour coups et blessures.
A la veille du 28 septembre 2009, il est rentré d’un voyage, nullement préparé à prendre part au meeting des Forces vives de la nation. Il est emporté par l’euphorie quand il a vu la mobilisation de la foule à Cosa où il devait remettre une enveloppe à quelqu’un. Il était donc au Stade du 28 septembre 2009, quand les tirs ont commencé. Il dit s’être démerdé dans la débandade pour sortir du stade. Cependant, c’est à partir de la Minière qu’il s’en est rendu compte, mais avec une blessure au bras. Du carrefour chinois, il est rentré chez lui à Cosa à pied, a-t-il relaté. Le lendemain du 28 septembre, il dit avoir vu passer le colonel Claude Pivi et son équipe à bord de trois pick-up sur le tronçon Petit Simbaya-Cosa, alors qu’il était arrêté à la devanture de son domicile à Cosa. Devant lui, a-t-il témoigné, ces derniers ont fusillé un jeune du nom de Boubacar. Lui aussi a reçu une balle au pied gauche par la suite, lorsqu’il a tenté de porter assistance à cette victime, a révélé Mamadou Alimou. Secouru par ses amis, il est d’abord conduit à l’hôpital Flamboyant puis à Donka où l’accès ne lui a pas été facile à cause de la présence des militaires, a-t-il indiqué. De Donka à son domicile, il dit avoir passé 2 ans et 5 mois dans son lit de malade. Il sollicite le remboursement de ses véhicules par le colonel Claude Pivi. Selon lui, il les avait revendus pour se faire traiter.
Le dossier est renvoyé au 29 mai prochain pour la comparution de nouvelles parties civiles.
Sékou Diateya pour Laguinee.info