Depuis plusieurs semaines maintenant, le Patrimoine bâti public a engagé de vastes opérations de déguerpissement à maints endroits de la capitale. En plus des habitations qui ont été mises à sac, certains lieux de loisirs comme Ibiza Plus, appartenant à un certain Moussa Matady Condé et la Paillote dont Fodé Tidiani Sylla est propriétaire, n’ont pas été épargnés. Cependant, des voix s’élèvent pour dénoncer « deux poids deux mesures » dans la démolition des « domaines » appartenant à l’État.
Ibiza Plus (restaurant Night-club), sis au quartier Cameroun, en bas du pont 8 novembre et la Paillotte, n’existent aujourd’hui que de nom. En cause, ces lieux de loisirs n’ont pas été épargnés par les bulldozers du Patrimoine bâti public. Une situation qui irrite la colère d’un des travailleurs qui a préféré garder l’anonymat : « Contrairement aux voisins, on ne faisait pas partie parce qu’on relève du ministère de la Culture. On exploite les sites culturels et non les habitations. Pour ces raisons, nous n’avons pas été informés. Il était 16h, lorsqu’une une équipe du Patrimoine bâti est venue pour déguerpir nos sites (Ibiza Plus, ndlr). On nous a donné que quarante huit heures pour libérer les lieux. La même nuit, on a commencé à enlever quelques objets. Mais le matin, le ministre de la Culture vient en personne pour faire savoir que nos installations ne font pas partie. D’ailleurs, il a dit avoir parlé avec les autorités au plus haut niveau, que tout est rentré en ordre. Rassurés, on a même commencé à ramener les objets qu’on avait fait sortir pour continuer nos activités. Le lendemain, la machine se pointe. Nous avons fait savoir aux agents de déguerpissement que nos installations n’étaient pas concernées mais en vain. On leur a fait comprendre qu’on ne peut pas démonter aussi facilement une boîte de nuit comme une chambre d’habitation. Dès qu’ils ont commencé à détruire le bar et le restaurant, des individus mal intentionnés y sont entrés pour vandaliser tout sous l’œil impuissant de tous les travailleurs, puisqu’ils étaient plus nombreux que nous. On leur a dit qu’ils (agents de déguerpissement, ndlr) ont donné l’occasion aux gens de faire du n’importe quoi dans notre bar et restaurant, ils nous ont dit qu’ils s’en foutent. Mêmes les carreaux, plafonds, fils électriques, climatiseurs, pistes lumineuses, etc., n’ont pas été épargnés », fait-il savoir d’entrée.
Poursuivant, notre interlocuteur indique qu’ils ont tout perdu aujourd’hui. D’ailleurs, il y voit une main noire derrière cette démolition : « Aujourd’hui, nous avons tout perdu. Plus de 20 travailleurs envoyés au chômage. Si nous avions reçu un préavis de trois mois par exemple, on aurait pu trouver un endroit, sortir les objets paisiblement, et aller continuer notre activité ailleurs. Nous ne savons plus à quel saint se vouer. Derrière ce déguisement, nous y voyons une main noire. Sinon, on ne peut pas comprendre qu’un ministre de la République indique que nos installations ne sont pas concernées et que ça ne soit pas le cas. Et vers 11h comme ça, voilà le directeur du Patrimoine bâti qui vient nous dire que nos installations ne faisaient pas partie, alors que tout a été cassé. Le directeur nous fait croire qu’il dormait, c’est une insulte. Nous ne savons pas si c’est un règlement de compte », dénonce-t-il avant de conclure :
« La machine a contourné les bâtiments sur lesquels il y a croix en passant par la Paillote pour atteindre notre boîte qui était au fond. Dans les conditions normales, ils devraient d’abord déguerpir ces maisons là avant de venir au niveau de la boîte », a-t-il martelé.
Par ailleurs, les travailleurs d’Ibiza Plus et de la Paillote se réservent le droit de porter plainte pour qu’ils soient rétablis dans leurs droits.
Mohamed Lamine Souaré