Soutenir qu’un texte réglementaire ou legislatif n’est pas en vigueur au motif que la Constitution est suspendue, c’est faire preuve de juridisme et ou de mauvaise foi surtout lorsque les lois non contraires à la Charte de la Transition ont été prorogées par une Ordonnance du Président de la Transition. En effet,
tenir un tel raisonnement équivaut à remettre en cause tout le dispositif juridique et institutionnel du pays, c’est oublier que tout l’arsenal juridique du pays est bâti sur la Constitution. Les lois organiques, les lois ordinaires codifiées ou non et les actes réglementaires (décrets et arrêtés) sont en quelque sorte (au sens large) des textes d’application de la norme de référence (Constitution ou Loi fondamentale). La preuve en est que toutes les lois organiques découlent directement de la Constitution tout comme certaines lois ordinaires. De même, les lois ordinaires découlent directement ou indirectement de la Constitution.
A titre illustratif, la loi organique sur la loi des finances (LOLF), la loi des finances, le Code général des impôts, les lois de privatisation ou de nationalisation, les lois pénales et civiles, le Code des collectivités locales, toutes les lois organiques relatives aux institutions ( Cour suprême, Cour des comptes, la HAC rtc…,), et plus généralement les lois qui garantissent les droits civils et politiques, économiques, sociaux et culturels découlent directement ou indirectement de la Constitution ou Loi fondamentale.
Le raisonnement juridique qui soutient que la suspension de la Constitution équivaut à l’abrogation de tous ses textes d’application (lois organiques, loi ordinaires et règlements) est non seulement impertinent mais dangereux. En effet, il ignore les effets juridiques de l’ordonnance de prorogation des lois nationales et traités en vigueur ce qui peut remettre en cause l’existence et le fonctionnement de L’ÉTAT. Or, le montage juridique et institutionnel de l’Etat repose justement sur ces textes de lois en dépit de la suspension de la Constitution. Sans cet arsenal juridique, il n’y a plus d’État, plus d’institutions..
La Charte de la Transition, seule, ne suffirait pas à faire fonctionner l’État.
Les Cours et tribunaux fonctionnent sur quelle base juridique ?
La CRIEF applique régulièrement la loi anti corruption, pourtant cette loi vise l’article 36 de la Constitution de 2010. Les articles 25 à 30 de cette loi traitrent de l’obligation pour les dirigeants de déclarer leurs biens. Les deux décrets ne sont que des textes d’application de cette loi.
Si cette loi sur la corruption n’est plus en vigueur, alors pourquoi les Cours et Tribunaux, notamment la CRIEF et le Ministre de la Justice continuent à l’appliquer ou à l’invoquer ?
Maître Amadou DIALLO