Au moins 138 civils ont été tués par des hommes armés dans l’attaque nocturne du village de Solhan, dans la commune de Sebba, selon des sources sécuritaires. Le pays, dont le contexte sécuritaire s’est dégradé ces derniers mois, est sous le choc et un deuil national de trois jours a été décrété.
Tout le pays est sous le choc depuis l’annonce de l’attaque du village de Solhan. Un deuil national de 72 heures a été décrété par le président du Faso. Pendant trois jours, les drapeaux de tous les édifices publics et des représentations du Burkina Faso à l’étranger sont mis en berne. Les réjouissances populaires et les manifestations à caractère récréatif sont interdites. Le chef de l’État Roch Marc Christian Kaboré a qualifié l’attaque de « barbare » et parle même de « tragédie ». Les médias ont changé leur programme pour la circonstance, relate notre correspondant à Ouagadougou, Yaya Boudani.
L’attaque s’est déroulée dans la nuit du 4 au 5 juin 2021. Les assaillants très nombreux sont arrivés sur une vingtaine de motos aux environs de 2 heures du matin. Ils s’en sont pris surtout au site minier, accolé au village de Solhan, explique le maire de la ville voisine de Sebba. Et contrairement à ce qui se passait jusqu’ici dans ce genre d’attaque où les bandes armées ciblaient uniquement les hommes, ils étaient « sans pitié » et ont « tué tous ceux qu’ils voyaient sur leur passage », sans aucune distinction, décrit ce responsable administratif.
Un village-carrefour de la ruée vers l’or
Autre particularité, la ruée vers l’or a fait de ce village du nord du Burkina Faso un carrefour où se côtoient des gens de diverses tribus ou nationalités, toujours selon le maire de Sebba, Hamadi Boubakar : « Solhan est un gros village, il y a beaucoup de personnes qui y habitent à cause de l’or, plus de 30 000 personnes. Les personnes qui ont été attaquées viennent d’un peu partout de la province. Il y a même des gens de Bouri, chef-lieu de la région, il y a des gens de Sebba, il y a des gens de villages environnants. Il y a plusieurs nationalités ».
Ces assaillants ont également incendié véhicules et boutiques après avoir pillé tout ce qui pouvait l’être. Puis ils sont repartis tranquillement à l’aube avant que les forces de l’ordre n’arrivent sur place, trois heures plus tard, selon le maire de Sebba.
C’est la première fois que le pays subit une attaque d’une telle ampleur. Le chef du gouvernement écrit que le pays est profondément meurtri dans sa chair, suite à cette attaque contre les populations civiles. Issa Barry, l’un des députés de la province, ne cache pas, lui non plus, son désarroi : « Là, vraiment, nous avons les larmes aux yeux. C’est très, très difficile… Je ne comprends pas. Là, ce que nous préoccupe, c’est de pouvoir enterrer les morts, de faire le deuil… Nous sommes très abattus, mais nous sommes des Burkinabè, nous sommes un peuple résilient. Vous avez pu voir l’élan national qui s’est dégagé autour de ça, la solidarité qui s’est vite manifestée. Cela nous réconforte, on se sent moins seul. C’est toute la nation qui pleure. »
Regain de violences contre les civils
L’attaque intervient quelques semaines après une tournée du ministre de la Défense, Chériff Sy, dans plusieurs détachements militaires, dont celui de Sebba. Le ministre s’y était rendu pour encourager les forces armées en lutte contre le terrorisme. Le 17 mai dernier, il était justement à Sebba, situé à une dizaine de kilomètres de Solhan, dans la même province du Yagha.
Les images qui avait été diffusées sur la télévision montrait des élèves sortir de leur classe, des populations qui vaquaient à leurs occupations. La vie avait repris à Sebba, et l’attaque de la nuit dernière arrive comme une réponse à cette visite du ministre, qui avait alors estimé que la situation était revenue à la normale dans la région.
Après avoir participé à une réunion de crise, Ousseini Tamboura, le ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement souligne que les personnes blessées ont été prises en charge dans le centre de santé de Sebba et au centre régional de santé de Dori, pour les cas les plus graves. Cependant, Ousseni Tamboura estime que cette attaque ne doit pas être liée à la récente visite du ministre de la Défense dans cette province. L’objectif de sa visite était de voir les dispositifs mis en place et d’encourager les militaires sur le terrain.
Les Burkinabè sont en état de choc. C’est la première fois que vous avez un tel niveau de victimes. Je ne pense pas que l’on puisse qualifier ça autrement que de lâcheté.
Ousseni Tamboura, porte-parole et ministre de la Communication
Le Comité international de la Croix-Rouge, qui alertait il y a deux semaines sur le regain des violences visant les civils au Burkina Faso, a envoyé un soutien matériel à la direction régionale de Dori dans le nord du pays. Un camion est parti samedi soir de la capitale burkinabè avec des soins pour les blessures de guerre notamment. Selon l’organisation, une vingtaine de blessés seraient arrivés hier à Dori, et 35 à Sebba. Mais les dangers sur les routes empêchent les populations d’avoir accès aux soins, explique Laurent Saugy, le chef de la délégation du CICR au Burkina Faso :
C’est un appel à toutes les parties au conflit à se souvenir des règles de base qui sont empruntes d’humanité qu’une personne blessée, quelle qu’elle soit, a droit à être soignée. Raison pour laquelle le CICR vient de déployer, il y a quelques minutes, un support significatifs aux autorités sanitaires qui font un travail remarquable dans des circonstances comme celles-ci.
Laurent Saugy
Le secrétaire général de l’ONU a réagi par le biais d’un communiqué de son porte-parole, pour se dire « indigné par l’assassinat, tôt ce matin, de plus de cent civils, dont sept enfants, lors d’une attaque perpétrée par des assaillants non identifiés contre un village de la province de Yagha, dans la région du Sahel au Burkina Faso ».
Avec RFI