Le collectif des victimes du déguerpissement de Kaporo Rails, Kipé 2 et Dimesse a tenu une conférence de presse ce samedi, 27 mars 2021 à Conakry. Au menu, la procédure judiciaire qu’il a engagée contre l’Etat guinéen auprès de la cour de justice de la CEDEAO. Son avocat, Maître Alpha Yaya Dramé, s’est prononcé sur les raisons du retard d’avancement de ladite procédure, rapporte un journaliste de Laguinee.info qui a assisté à la conférence.
Plusieurs aspects sont à l’origine de la lenteur de la procédure. Selon l’avocat, ils sont d’ordre politique, sanitaire et sécuritaire. « Quand un avocat saisit une juridiction, il gère le calendrier de la saisine. Mais c’est la cour qui gère le calendrier de l’instruction. Dans cette procédure nous avons fait deux demandes inhabituelles. La procédure existe mais rare sont les avocats qui l’utilisent parce que parfois ça peut prendre du temps. La première demande, c’est que nous avons sollicité un transport judiciaire pour que les juges viennent constater de leurs propres yeux l’étendue des dégâts. Lorsque la demande a été formulée, une décision devait tomber mais on est arrivé en période de covid-19. Avant d’abord la période de covid-19, il y a eu celle du troisième mandat. Pendant cette période, il y avait suffisamment d’insécurité le long de l’axe et les juges ont été informés qu’ils ne pouvaient pas bénéficier d’une sécurité optimale pour qu’ils viennent constater. Donc cette demande est pendante. Nous avons également formulé une demande où nous avons cité à comparaitre en qualité de témoin le président de la République. Le président de la République, sur les ondes de la RTG en 2016, a formellement affirmé que les habitants de Kaporo Rails, sont les propriétaires de leurs biens, que ceux qui avaient été déguerpis en 97 et 98 l’ont été injustement et que pendant son règne, si l’Etat doit exproprier un bien, il indemnisera le propriétaire préalablement », explique largement maître Alpha Yaya Dramé, avocat du collectif des victimes du déguerpissement de Kaporo Rails, Kipé et Dimesse.
Jeudi dernier, le chef de l’Etat a, au cours d’un conseil des ministres, annoncé que les victimes des opérations de déguerpissement, notamment celles disposant des titres de propriété valide et authentique, seront indemnisées. Mais pour le conférencier, c’est tout sauf du sérieux.
« Bon sang! C’est comme si on vous disait qu’on ne peut vous reconnaitre la nationalité guinéenne que si vous avez un acte de naissance, mais il faut être né pour être guinéen tout comme il faut être propriétaire pour avoir un titre foncier. J’aimerais bien qu’on parte en moyenne Guinée, en haute Guinée, en Guinée forestière où des personnes ont succédé leurs arrières, arrières, arrières grands pères, il n’existe pas de titres fonciers. Et la cour africaine des droits de l’Homme a jugé pas moins de quatre fois pour dire la preuve du droit de propriété par essence c’est d’abord l’occupation. Quand deux personnes sont en conflit pour une parcelle, et qu’il se trouve que sur la parcelle il y a la deuxième personne qui l’occupe déjà, la loi considère que celui qui occupe est présumé propriétaire, ça s’appelle une présomption, jusqu’à ce que celui qui revendique apporte la preuve contraire. Ça s’appelle la possession d’Etat. Si dans ce pays on voulait, tant soit peu, respecté la dignité humaine et respecter l’Etat de droit, lorsqu’une affaire est pendante devant une juridiction, tout homme respectable doit s’abstenir d’aménager, de vendre, de faire quoi que ce soit jusqu’à ce que la juridiction saisie dise qui de deux litigieux est propriétaire. Mais si vous empressez à vendre, c’est que vous cachez quelque chose », se justifie le jeune avocat.
Pour rappel, c’est en 2019 que les quartiers Kaporo Rails, Kipé 2 et Dimesse ont été totalement démolis. Deux ans déjà que les victimes cherchent à être indemnisées par l’Etat sans succès. Il reste à savoir si leur procédure judiciaire engagée contre les autorités guinéennes auprès de la cour de justice de la CEDEAO.
Oury Maci Bah pour Laguinee.info