Dr Sékou Koureissy Condé, député à l’Assemblée nationale et président du parti Alliance pour le Renouveau National (ARENA), a réagi à plusieurs sujets d’actualité. De l’attaque au couteau à l’hémicycle en passant par la visite du chef de file de l’opposition parlementaire avec les membres de son cabinet aux détenus politiques, au manque de dialogue entre Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo, rien n’a été occulté par l’ancien ministre de la Sécurité. C’était au cours d’une interview qu’il a accordée à Laguinee.info vendredi, 12 mars 2021.
Décryptage !
Laguinee.info : l’actualité est marquée par cette attaque au couteau qui a eu lieu malheureusement ici à l’Assemblée nationale et qui est considérée pour certains de terroriste. Qu’est-ce que vous savez de cette affaire qui continue quand-même à défrayer la chronique ?
Dr Sékou Koureissy Condé : je ne voudrais pas rentrer dans les qualificatifs. Je voudrais d’abord regretter cet acte criminel. Il appartiendra aux investigateurs, aux services de sécurité d’élucider le fait et de situer le cadre dans lequel cette attaque a eu lieu. En tout état de cause, la sécurité des députés de la République, comme la sécurité des citoyens sur l’étendue du territoire, relèvent des compétences et de la responsabilité de l’Etat. Il appartient à chaque citoyen de se mettre en situation légale et d’éviter la violence et la manifestation de la violence. La violence de résout rien. La responsabilité pénale est individuelle. Et, ce qui s’est passé est une menace. C’est très regrettable. Qu’on n’interprète pas d’une manière ou d’une autre, en attendant la conclusion des enquêteurs.
Laguinee.info : qu’est-ce que vous savez de cette attaque ?
Dr Sékou Koureissy Condé : pas grand-chose à part les faits, l’attaque, les victimes et les coupables. Je n’étais pas sur les lieux. J’ai eu à entendre qu’un inconnu s’est infiltré dans l’hémicycle. Il aurait attaqué plusieurs personnes avant d’être lui-même rattrapé. Globalement, c’est l’interprétation ou si voulez l’information générale que nous avons en attendant encore une fois que les enquêteurs nous en disent plus. Il faut éviter l’amalgame, il faut éviter la confusion, il faut attendre que le dossier soit clarifié. D’ici-là, je suis heureux de constater qu’il y a des mesures de sécurité renforcées autour du palais du peuple et dans l’hémicycle parce que c’est une institution stratégique et très sensible pour la République.
Laguinee.info : des rumeurs font croire que vous avez adhéré au cabinet du Chef de file de l’opposition parlementaire. Est-ce vrai ?
Dr Sékou Koureissy Condé : je n’ai pas adhéré au cabinet. Je ne suis pas membre du cabinet. Je ne sais pas d’où vient cette information. En tant que président de l’ARENA, avec les membres du bureau exécutif de l’ARENA et en tant qu’acteur de paix, et compte tenu de la vocation de notre parti, et moi-même de mon éducation politique personnelle, j’apporte un soutien à toute initiative de médiation, de réconciliation et de paix dans ce pays. Le cabinet du Chef de file de l’opposition est substantiellement composé des membres du groupe parlementaire de l’opposition à l’Assemblée nationale. Moi, je suis du groupe centriste. C’est-à-dire que le Rassemblement des Républicains. Je suis allé saluer Elhadj Mamadou Sylla à titre personnel et au nom du parti ARENA pour l’encourager à aller dans le sens de la médiation, de la facilitation en vue de normaliser la vie de notre nation et de reprendre les questions liées au développement. Il faut qu’on sorte de l’impasse, il faut qu’on aille de l’avant.
Laguinee.info : Mamadou Sylla en compagnie de certains membres de son cabinet, se sont rendus jeudi à la maison centrale de Conakry pour rendre visite aux détenus politiques. Quelle analyse faite vous de cette démarche de l’honorable Sylla ?
Dr Sékou Koureissy Condé : encore une fois, si j’avais mandat, je l’aurais fait. Mais, ça ne suffit pas. Je pense que la procédure a pris un peu de temps. Je sais que la justice pénale est lente, je souhaite vivement que nous puissions être situé, et je souhaite que s’il n’y a pas de crime de sang avéré, que les personnalités interpelées puissent bénéficier de la relaxe ou de la libération pure et simple. Je dis bien que s’il n’y a pas de responsabilité de crime de sang. Ceci dit, on oublie un pan important des questions liées à la violence. Il y a les présumés coupables qui quel que soit le processus ou la procédure, sont plus protégés que les victimes. Que fais-t-on des victimes et de familles des victimes dans ce pays-là ? Que fais-t-on des dégâts matériels dans ce pays-là ? Que fais-t-on de la méfiance et de la suspicion interethnique, intercommunautaire dans ce pays-là ? Que fais-t-on de la situation de jeunes sans emploi, sans formation, sans éducation dans ce pays ? Les deux débats doivent aller ensemble. D’un côté, il faut tout faire pour que la décrispation ait lieu. Moi, je travaille dans ce sens. Je dois rencontrer dans associations, certainement Elhadj Ousmane Fatako Baldé dit « Sans Loi » cette semaine et les autres coordinations dans les jours à venir pour que tous ensemble, nous puissions trouver des garanties de part et d’autre qui nous permettront de dépasser ce cap et d’aller à l’apaisement. C’est-à-dire que si nous avons des garanties du côté du gouvernement, en s’appuyant sur la main tendue du président de la République, nous recherchons des garanties du côté de l’opposition, du côté du FNDC et d’autres personnalités qui ne sont pas d’accord avec la position d’en face, pour leur dire d’un côté comme de l’autre, essayons de baisser la garde, essayons de considérer que nous pouvons nous parler, il faut se parler, il faut s’accepter. Je comprends la peur de ceux qui disent dès qu’ils vont sortir, tout de suite encore les rues seront enflammées, encore les maisons seront brûlées, et je comprends ceux qui disent aussi au sein de ceux qui sont victimes, que les tirs à balles réelles, les saccages, qu’on subit ici et là, et qui sont sans auteurs, sans coupables, sans responsables connus, il faut que tout cela s’éclaircisse. Et, ça ne peut s’éclaircir que si nous sommes capables de nous donner des garanties pour dire plus jamais ça, ça ne se fera pas comme ça, ça ne doit pas se faire comme ça, passons à autre chose. Il n’y a de solution que dans le dialogue, il n’y a de solution que dans la paix. Quand on parle de dialogue en Guinée, ça effraie, je comprends. Quand on parle de dialogue, ça énerve même certains. Je le sais. Mais, le dialogue est un processus. Ce n’est pas le dialogue d’il y à 16 ans, 5 ans. Ce n’est pas le dialogue d’il y a 5 ans, qui va remplacer le dialogue que nous souhaitons aujourd’hui. L’environnement a changé, les éléments d’analyse ont changé, les contours techniques ont changé, les acteurs même ont changé d’une certaine manière. Il nous faut le dialogue et un dialogue saint et transparent.
Laguinee.info : dans une déclaration publiée dans la presse, le FNDC dit que le pouvoir d’Alpha Condé a exposé la vie de ces détenus politique à la covid-19. Est-ce que vous pensez de la même façon que le FNDC ?
Dr Sékou Koureissy Condé : je n’ai jamais pensé de la même façon que le FNDC. Moi, je suis un acteur de paix. Aujourd’hui, je cherche à ce que ces camarades-là, ces amis-là, ces frères-là retrouvent leurs familles, leur liberté. C’est quelle préoccupation le FNDC a? Je n’en sais rien. Moi ma préoccupation, c’est la paix, la concorde, la cohésion sociale. Il faut que les gens retrouvent leurs familles, leurs enfants et pour ce faire, il faut un langage de paix, un langage d’apaisement, il faut un langage de recherche de solution.
Laguinee.info : aujourd’hui, nous sommes dans une impasse politique. Le chef de l’Etat et le président de l’UFDG sont dos à dos. Le dialogue est totalement rompu entre ces deux hommes. En tant qu’acteur politique, acteur de paix, qu’est-ce que vous demandez à ces deux personnes afin que la Guinée puisse en finir avec cette crise dans laquelle elle est plongée depuis quelques mois ?
Dr Sékou Koureissy Condé : je suis entièrement d’accord avec vous et je me sens en parfaite harmonie avec cette préoccupation. Je pense que, quels que soient les cas de figure, Elhadj Cellou Dalein Diallo, il n’est pas le chef de file de l’opposition parlementaire parce que son parti n’a pas participé aux élections législatives, mais il reste le numéro deux politique de ce pays et cela constitue une force politique qu’on ne peut pas négliger, qu’on ne peut pas sous-estimer. Mais, il faudra que finalement, de sa part, il ait l’annonce d’une volonté d’ouverture basée sur les réalités actuelles. Pas j’avais essayé ça il y a cinq ans, j’avais essayé ça il y a dix ans. Il faut aujourd’hui que l’étau se desserre. Je comprends les frustrations, je comprends les blessures, je comprends les regrets mais le temps est maître du jeu. La meilleure justice, c’est le temps. Ce que nous craignons, c’est qui est plus fort. Ce qui est plus difficile, c’est d’estimer ou de penser que c’est le fouta contre tout le reste, ou tout le reste contre le fouta. Il faut éviter cela. Aucun langage ethnocentrique ne peut aménager la Guinée. Il faut que le président de la République, pas seulement ouvre la main mais tende la main. C’est de cela qu’il s’agit. Il faut qu’Elhadj Cellou Dalein Diallo prenne la parole pour dire encore une fois, il constate ce qui se passe aujourd’hui et qu’il demande à ce que toutes les solutions soient trouvées. Pour ma part, je m’emploierai afin que ce contact que vous venez d’annoncer, soit possible et que cela se passe sur la base d’un consensus et de garantie réciproque. Tout cela n’est possible que s’il n’y a pas des cas de violences avérés, que si la justice pénale n’a pas de responsabilité à reprocher aux uns et aux autres.
Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Laguinee.info
Tél. : (00224) 621 09 08 18