La drépanocytose est considérée comme l’une des causes de morbidité et de mortalité en Guinée. Pour en savoir davantage, un journaliste de Laguinee.info a rencontré ce week-end, le docteur Mamady Dramé, président-fondateur de l’ONG Médicale SOS Drépano-Guinée et directeur du centre médical hôpital du jour sis à Nongo, dans la commune de Ratoma. Avec lui, nous avons entre autres parlé des complications de la maladie, des moyens de traitement et de la prévention.
Décryptage !
Laguinee.info : parlez-nous de la drépanocytose, en Guinée, combien y a-t-il de drépanocytaire ?
Dr Mamady Dramé : la drépanocytose est une maladie du sang, qui est dûe à un défaut de fabrication du globule rouge du sang qui, au lieu d’avoir la forme arrondie prend la forme en faucille ou la forme banane ou croissant de lune, selon l’imagination qu’on peut faire de la maladie. Alors, à cause de ce défaut de fabrication, il faut savoir que les globules rouges sont produits dans une usine qu’on appelle la moelle osseuse. A cause de ce défaut de fabrication, le globule rouge du drépanocytaire circule mal dans le sang ; donc, dans tout le corps. Parce que le transport du sang est un véhicule qui transporte l’oxygène depuis les poumons jusqu’au niveau de tous les compartiments du corps. Donc, cette malformation des globules entraîne un défaut d’apport de l’oxygène. Ici, toutes les manifestations de la drépanocytose sont dûes à ce défaut de fabrication, à cette malformation de globule rouge. Partout où la circulation du sang est ralentie, il y a défaut d’apport d’oxygène. Donc, souffrance de l’organe qui doit recevoir le sang à cet endroit. Ce défaut entraîne une durée de vie très courte du globule rouge. Donc, c’est ce qui occasionne des douleurs chez le patient atteint de drépanocytose. Parlant maintenant des statistiques, je ne pourrais vous donner des chiffres que sur la base de ce que nous faisons dans notre centre. Je n’ai pas la connaissance des statistiques au niveau national sur la drépanocytose du moment où il n’y a pas d’études exhaustives récentes sur la maladie. Donc en ce qui nous concerne, depuis que notre ONG a eu son agrément, ça c’est depuis 2008 jusqu’à maintenant et même avant, on peut dire que le nombre de personnes drépanocytaires, qu’ils soient porteurs sains ou malades, qui ont fréquenté notre centre, avoisine les cinq mille (5000) personnes. Mais parmi ceux-ci, il faut dire qu’il y a à peu près 65% qui l’ont fréquenté en 2021, soit à peu près 2000 patients comme ça.
Laguinee.info : comment se transmet la maladie, comment contracte-on la maladie ?
Dr Mamady Dramé : la drépanocytose n’est pas une maladie qui se transmet comme se transmet des maladies comme la tuberculose, le VIH/SIDA ou autre. Mais, ça se transmet comme se transmet la couleur des yeux, la couleur de la peau, la forme du visage, ainsi de suite. Donc, c’est une maladie héréditaire. Autant on dit que tel enfant ressemble à son père ou ressemble à sa mère, dans le cadre de la drépanocytose, cette ressemblance qui se trouve dans le sang, vient d’une partie de la mère, une partie du père. Et donc, ça va nous amener à dire qu’il y a deux sortes de drépanocytaires ou de drépanocytoses. Les drépanocytaires qui sont porteurs saints, c’est-à-dire qui portent cette malformation dans le sang mais, qui ne le savent pas parce qu’ils ne sentent rien ; et, les drépanocytaires qui sont malades. Alors, ce sont ses deux grandes catégories de drépanocytaires qu’il faut distinguer. Les premiers qui ne ressentent rien qui sont dans la nature comme moi, comme tout le monde, qui ne se plaignent de rien, qui ne savent même pas qu’ils sont drépanocytaires et ceux qui souffrent depuis la naissance. Parce qu’on naît avec, on l’a reçu comme on a reçu les autres caractères des parents. La différence ici c’est que pour qu’un enfant ait la forme maladie, il faut qu’il ait reçu une moitié des cellules drépanocytaires du père et une moitié de la mère. Un seul parent ne peut pas donner deux cellules rouges drépanocytaires. Ce n’est pas possible. Le mode de transmission est tel que chaque parent apporte la moitié. Donc ça veut dire que chaque parent est porteur du trait drépanocytaire.
Laguinee.info : Quelle est la différence entre la drépanocytose et le rhumatisme parce que plusieurs personnes font de l’amalgame entre ces deux maladies ?
Dr Mamady Dramé : la différence est que le rhumatisme est une maladie bactérienne, c’est dû à un microbe, le stéréoscope alors que la drépanocytose génétique, héréditaire. Comme je l’ai dit un défaut de fabrication par l’usine. Ici, c’est une malfaçon. Donc, ce n’est pas du tout une maladie contagieuse.
Laguinee.info : quelles sont les complications que la drépanocytose peut occasionner, à quoi ça peut aboutir ?
Dr Mamady Dramé : le fait que la drépanocytose soit une maladie qui se trouve dans le sang, et le sang circule dans tout notre corps. C’est le sang qui apporte l’oxygène, c’est l’élément vital du corps. Donc, là où il manque de l’oxygène, le sang, il va y avoir de la souffrance. Et, un organe qui souffre depuis la naissance jusqu’à l’âge jeune ou adulte, selon l’espérance de vie de la personne, les complications se retrouvent partout. Ça peut entrainer une destruction de l’os de la cuisse qu’on appelle nécrose, ça peut entraîner des insuffisances au niveau de plusieurs organes, ça peut entraîner des insuffisances au niveau du cœur, des poumons, du foi, des yeux, donc tous les organes sont touchés par la drépanocytose. L’organe qui reçoit mal l’oxygène, va souffrir. Et quand tu souffres pendant longtemps, ça entraîne des complications très graves.
Laguinee.info : est-ce qu’on peut guérir de cette maladie ?
Dr Mamady Dramé : on peut guérir de la drépanocytose ; mais, les personnes qui guérissent de la maladie d’une manière irréversible sont rares. On peut seulement traiter la maladie et espérer avoir une espérance de vie. Aujourd’hui, les drépanocytaires qui sont bien suivis, qui reçoivent des traitements réguliers et qui respectent les mesures d’hygiène arrivent à avoir une espérance de vie proche des non drépanocytaires. Ceci est évident et on les voit dans les pays développés où il y a un programme de lutte contre la drépanocytose qui est mise en place, qui est soutenu par les institutions nationales et étrangères.
Laguinee.info : à vous écouter, c’était comme si ceux qui souffrent de la drépanocytose ont une espérance de vie courte à la normale ?
Dr Mamady Dramé : bien-sûr. C’est le constat qu’on en fait. Beaucoup de drépanocytaires n’arrivaient pas à vivre longtemps et d’ailleurs ça l’ai aujourd’hui encore. S’il n’y a pas une assistance aux malades ça devient compliqué. Parce que la drépanocytose est la maladie la plus coûteuse de toutes les maladies qui existent sur notre terre ; mais surtout en Afrique subsaharienne. Cela est dû au fait que l’enfant naît avec, grandit avec et s’il a une espérance de vie, il sera adulte et parent avec et en mourir avec.
Laguinee.info : comment peut-on faire pour éviter d’être drépanocytaire ?
Dr Mamady Dramé : la drépanocytose est la maladie la plus facile à prévenir, la plus difficile à guérir. Pourquoi la plus facile à prévenir ? Quand on sait qu’un enfant drépanocytaire malade voit le jour, il faut qu’il ait eu deux parents saints. Et, ces deux parents porteurs sains, s’ils savent qu’ils sont porteurs sains et qu’ils veulent se marier, avant de se marier, s’ils font l’examen de dépistage de la drépanocytose qui se fait aujourd’hui. S’ils font le dépistage avant de se marier et qu’ils trouvent qu’ils sont tous les deux porteurs sains : AS, AS, ils doivent renoncer à leur mariage. Parce qu’inéluctablement, s’ils font des enfants, il y aura au moins un enfant qui sera malade. Et s’ils ne se marient pas, ils ne feront pas d’enfants malades. Ils peuvent se marier chacun ou chacune de son côté avec quelqu’un qui n’est pas porteur saint qui est de type AA. C’est aussi simple que ça.
Interview réalisée par Ibrahima Sory Diallo pour Laguinee.info
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